RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les auteur(e)s classiques »

Philippe Sagnac, La formation de la société française moderne.
Tome I.
La société et la monarchie absolue (1661-1715).
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Philippe Sagnac, La formation de la société française moderne. Tome I. La société et la monarchie absolue (1661-1715). Paris: Presses Universitaires de France, 1945, 240 pages. Une édition numérique réalisée par Jean-Marc Simonet, professeur retraité de l'enseignement, Université de Paris XI-Orsay, bénévole.

Préface

Nous nous proposons d’étudier la formation de la société française moderne, depuis l’établissement de la monarchie absolue.

Frappés des vicissitudes des régimes politiques que la France a vus depuis un siècle et demi, et dont les appellations servent à marquer les divisions traditionnelles de son histoire, beaucoup de Français se sont accoutumés à penser que la forme du régime politique (royauté, empire ou république) est la question essentielle, dont tout le reste dépendrait. Certes, l’État, sous quelque forme que ce soit, exerce une énorme influence sur les destinées d’un pays ; souvent même il se flatte de modeler la société à sa guise ; mais il est certain aussi que l’État et sa politique n’ont point créé la société. L’Empire romain, avec ses fortes institutions, sa domination omnipotente sur les individus comme sur les nations, eut beau faire : Rome, du jour où elle eut conquis le monde, où elle ne fut plus qu’un peuple de « clients », attendant de l’État « le pain et le Cirque », était déjà marquée pour la décadence et la mort. L’Espagne, si riche et si puissante, de Charles-Quint et de Philippe II, qui colonisa tout un monde, domina l’Europe, créa une civilisation originale et féconde, mais pour qui le travail n’était qu’œuvre servile, après un grand siècle de gloire, ne put se maintenir ; la vie s’échappa du corps social, et ce « corps mort », au début du XVIIIe siècle, il fut bien difficile de le ranimer, et seulement sous l’impulsion de l’étranger. En Espagne, comme dans le vaste Empire romain, ce qui manqua à l’État pour le soutenir, c’est la société. Par son renoncement au travail, par son peu de foi en elle-même, la société, romaine ou espagnole, affaiblit dangereusement l’État et finit par le détruire.

Des deux principaux moteurs de l’évolution historique, la société et l’État, il semble bien que les historiens anciens n’aient mis en relief que le second, qui, de leur temps, était si puissant. Peut-être les historiens modernes, imitant les Anciens, vivant dans des États centralisés ou même despotiques, ont-ils plus volontiers étudié les institutions imposées par l’État que la structure et le développement même des sociétés modernes.

Pourtant, même dans des monarchies despotiques ou absolues, il y a des coutumes, des mœurs, des arts, indépendants de l’État, pviii souvent une civilisation, originale ou empruntée, qui reflète l’esprit national. En France, la société fut toujours très vivante. Or c’est à peine si, pour la France moderne et contemporaine, quelques historiens ont présenté des tableaux de la société, à deux époques. A peine, pour notre histoire des XVIIe et XVIIIe siècles, pourrait-on en citer deux : celui que Lavisse a donné de la société au temps de l’apogée de Louis XIV et celui que Taine a si brillamment brossé de la société à la fin de l’Ancien Régime [1]. Mais c’est l’évolution, pendant deux grands siècles, et étape par étape, que nous voudrions suivre, en marquant dans quelle mesure la société a agi sur l’État et l’État sur la société, sous le régime de la monarchie absolue.

De cet essai nous ne nous dissimulons aucunement la très grande difficulté. La société d’un pays, à une époque donnée, se présente comme un tout vivant et changeant. C’est une synthèse extrêmement complexe, que l’historien devrait pouvoir reproduire, alors qu’il ne l’a pas eue, comme un peintre, sous ses yeux, et qu’il ne peut plus l’atteindre que par des documents, souvent fort peu nombreux ou sujets à caution [2]. Et cette synthèse vivante, il lui faut, pour la comprendre, en essayer l’analyse, la fixer d’abord par la pensée, en arrêter en quelque sorte le mouvement, sans être dupe de ce procédé artificiel. Mais, après avoir disséqué l’organisme social, l’historien doit rechercher les rapports de ses divers organes et montrer l’être vivant, avec ses tendances générales, sa docilité ou sa répugnance aux ordres d’en haut, ses aspirations profondes. Comme toutes les transformations, aux XVIIe et XVIIIe siècles, ne se sont faites qu’avec lenteur, il convient de les suivre à la piste, de les dérouler, période par période, suivant les générations qui se sont succédé. Ambition peut-être vaine ; mais la tâche est belle à tenter, même si elle ne remplit pas les promesses qu’elle semblait donner à première vue. Au reste, si cet essai ne doit pas avoir un intérêt général et sociologique, peut-être vaudra-t-il du moins pour la France et gardera-t-il un intérêt national. Il appartiendra aux historiens futurs de le mener plus loin [3].



[1] E. Lavisse, Histoire de France. Louis XIV. Le livre V est intitulé : Le Gouvernement de la société, t. VII, p. 321-404. — H. Taine, Les Origines de la France contemporaine, t. Ier : L’Ancien Régime (Paris, 1875, in-8°).

[2] Voir les réflexions de Lavisse à ce sujet, p. 321.

[3] Nous ne donnons pas une bibliographie ; car elle existe déjà, soit complète pour Louis XIV (celle d’E. Bourgeois et de Louis André, en dix volumes), soit sélective, dans, l’Histoire de France, d’Ernest Lavisse, t. VI, sur le xvie siècle et le xviie jusqu’en 1643 ; trois volumes sur Louis XIV, t. VII et VIII, parus de 1905 à 1908, et dans Peuples et Civilisations, t. IX et X. de Henri Hauser (1560-1660), et de Ph. Sagnac et A. de Saint-Léger (1661-1715), 2e édit. Nous renverrons aux ouvrages spéciaux ou même aux sources, dans quelques cas seulement.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 22 octobre 2010 16:52
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref