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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Histoire de la campagne française (1940)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Gaston Roupnel (1872-1946), Histoire de la campagne française. Paris: Les Éditions Bernard Grasset, 1932, 432 pp. Une édition numérique réalisée par Jean-Marc Simonet, bénévole, retraité de l'Université de Paris XI.

Avant-propos

Trois systèmes d'économie rurale se partagent la France. 

Au sud du Massif Central, les villages groupés exploitent une campagne irrégulière de dessin, variée d'aspect, et dont les champs, toujours libres dans leur forme, ne furent jamais très rigoureusement astreints à des règlements généraux de culture. 

A l'ouest, le Massif Armoricain et ses confins sont un pays d'habitats dispersés et de champs généralement enclos. 

Enfin, à l'est de cette région de dispersion humaine et au nord du Massif Central, dans tout le Bassin Parisien, le Nord et l'Est de la France, prédomine un système ordonné. Le village y rassemble toute la population rurale; et le territoire agraire, qui s'étend autour de chacune de ces agglomérations, est partagé en de nombreuses parcelles, longues, minces et parallèles, groupées par blocs massifs. Cette disposition parcellaire était toujours et reste encore parfois associée aux usages de la vaine pâture et de l'assolement triennal. 

Cette campagne à l'aspect rubanné est celle des « vieux terroirs ». Elle est essentiellement la vraie « campagne ». Elle remonte à une époque beaucoup plus ancienne que ne l'ont su ou osé soupçonner les historiens. Elle correspond à une ère de civilisation définie de caractères précis. Elle relève d'une organisation systématique du travail agricole dans le cadre d'un régime qui fut originellement communautaire, et dont les vestiges construisent le régime domanial du Moyen Age. 

Cette campagne « organisée », aux villages groupés, aux champs « allongés et associés » n'est pas spéciale à la France. On la retrouvait en Allemagne occidentale, dans les Pays-Bas, et en Angleterre. 

Telle qu'elle subsiste en France, elle présente des traits encore suffisamment précis pour nous en faire retrouver le système et reconnaître les principes. L'étudier dans ses origines historiques, dans ses caractères techniques, dans ses conséquences sociales et morales, c'est le but du présent ouvrage. J'ai été ainsi nécessairement amené à laisser de côté le régime méridional où prévalent, à côté des influences rurales du Nord, les traditions urbaines des sociétés méditerranéennes. Et d'autre part, j'ai à peu près négligé les pays bocagers de l'Ouest où le grand système d'agriculture qui nous intéresse n'a pénétré qu'en son déclin et de ses ruines. 

Cet ouvrage n'est donc essentiellement qu'une étude de la campagne des vieux terroirs. Je me suis efforcé d'en situer les origines, de rechercher les vestiges qui en subsistent, et, à la lumière de ces témoignages, de retrouver les traits caractéristiques de cette ancienne campagne, de rendre ainsi manifeste tout ce que cette oeuvre eut d'unité grandiose, de puissance ordonnée et de rigueur systématique. 

C'est la matière des cinq premières parties : les Origines, les Témoignages, la Forêt, les Champs, les Chemins. 

J'ai été obligé de réserver un développement particulier (sixième partie) à l'histoire de la vigne, trop tardivement introduite dans notre pays pour avoir pu s'y adapter au régime traditionnel. 

La septième partie, consacrée à une étude des villages, achève la description du système ancien, dont je montre par après l'extension, l'évolution et l'altération (huitième partie). 

Dans la neuvième partie, je me propose de retrouver, sous les survivances qu'en présente le Moyen Age, le régime social qui s'adapta à ce mode ancien de traiter la terre. 

La dixième partie, enfin, est une sorte de conclusion où j'essaye de dégager, des influences générales qu'exercèrent la société et la vie rurale, les grands traits du caractère moral de ce taciturne paysan, venu du fond des âges avec une âme tout imprégnée encore de ces lointains souvenirs. 

Telles sont les intentions, la disposition, le sens général de cette oeuvre. Mais je souhaite qu'elle apparaisse moins comme un exposé doctrinal et une théorie des origines que comme l'explication naturelle et humaine susceptible de donner aux aspects généraux de cette campagne leur sens et leur valeur. 

Puisse cette campagne parler à tous comme elle me parle maintenant à moi-même!... Puissent ces vues jetées sur ses origines, ses aspects et son histoire, aider à retrouver, dans les calmes traits et les sobres lignes du paysage rural, l'ordre humain qui émeut!... Aider chacun à recueillir dans son âme ce qui flotte d'humain sur ces champs des hommes enclos dans le songe du vieil horizon, est-ce une suffisante justification de cet imprudent et difficile labeur?... Je me plais un peu à l'espérer. 

Mais que cette « poésie des champs » ne nous empêche pas de reconnaître les douces rigueurs que ce sol exerça. Cette terre, mise au service de l'homme, en a réciproquement asservi la Société et régi l'Esprit. Les lignes chancelantes de l'Histoire n'ont de réelle fermeté que d'être les institutions fixées sur la charpente de cette campagne, dont nos patries sont les horizons grandis et la terre exaltée. 

Qu'il me soit permis de rappeler à mon maître, M. Paul Desjardins, qu'il a joué son rôle dans la naissance de cette œuvre!... C'est dans cette abbaye de Pontigny, toute baignée alors du flot des blés mûrs, sous la présidence et par l'initiative de M. Paul Desjardins qu'ont été faites les conférences dont cet ouvrage est la mise au point et la coordination. L'accueil fait à ces idées, lors de cette « semaine de la terre », par un groupe d'auditeurs choisis et d'étudiants amis, m'encourage aujourd'hui à livrer au public cette explication générale, et à essayer d'envelopper de cette atmosphère des champs les origines et l'aube de notre histoire. 

Mon dernier mot sera pour remercier ceux qui m'ont prêté leur appui. Mon cher Maître, M. Petit Dutaillis, à qui je dois déjà tant, a bien voulu me communiquer de précieuses notes sur les institutions domaniales du Moyen Age. Des amis, des collègues m'ont assisté de leurs encouragements et de sympathies. M. de Saint-Jacob m'a apporté d'utiles documents d'archives; et Mme Griffon m'a aidé dans la révision des épreuves. 

Mais pourquoi ne pas l'avouer?... Je suis redevable moins à une documentation manuscrite ou imprimée qu'à des observations personnelles. Ce sont trente années d'investigations faites à même le sol qui m'ont procuré la matière essentielle de ces études. Ce sont aussi les lointains souvenirs de la vie, éclairés de la tradition qu'une vieillesse chère a transmise à ma jeunesse, qui ont entretenu à mon insu l'animation et l'émotion de ces pages.


Retour au livre de l'auteur: Jacques Bainville, historien Dernière mise à jour de cette page le mardi 28 février 2006 10:44
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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