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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Dr Jean PRICE-MARS, UNE ÉTAPE DE L’ÉVOLUTION HAÏTIENNE.
ÉTUDE DE SOCIO-PSYCHOLOGIE
. (1929)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre du Dr Jean PRICE-MARS, UNE ÉTAPE DE L’ÉVOLUTION HAÏTIENNE. ÉTUDE DE SOCIO-PSYCHOLOGIE. Port-au-Prince: Imprimerie “La Presse”, 1929, 208 pp. Collection Bibliothèque haïtienne.

Préface

Quelques-unes des études contenues dans ce volume ont été publiées déjà dans les périodiques de Port-au-Prince. On les réunit pour la première foi, sous la dénomination générale de croyances, parce qu'elles traitent toutes de cette démarche particulière au genre humain qui, dans le désarroi des problèmes auxquels l'accule la nécessité de vivre, adresse un appel émouvant à l'énergie créatrice des mondes. Sans s'embarrasser de systèmes, sans s'inquiéter du heurt des contradictions, dans la détresse des heures incertaines et le trouble des vicissitudes incessantes, il accueille avec empressement tous les échos de sa raison fragile et toutes les sollicitations insidieuses de son imagination prodigue comme la réponse attendue de la divinité à ses angoisses devant l'inconnu. Ainsi, dupe de ses propres illusions, il crée lui-même, sans s'en douter, ses motifs de croire, et désormais, il obéira aux objets de sa croyance avec une aveuglante fidélité, en attendant que des circonstances imprévisibles viennent troubler la stabilité de son état d'âme.

[VI]

Si je ne m'abuse, c'est sous cet angle qu'il me paraît possible d'envisager le phénomène et le sentiment religieux chez les nègres de Saint-Domingue et la survivance de cet état psychologique chez les campagnards haïtiens d'aujourd'hui.

Démontrer comment le comportement humain trouve son explication dans les lois qui gouvernent le développement de la mentalité humaine, crever le ballon des reportages sensationnels dont l'objectif suprême n'a aucun rapport avec la curiosité généreuse d'une certaine fraternité humaine, révéler à nos intellectuels l'intérêt scientifique que contient l'étude de ces phénomènes, - telle est, en dernière analyse, la raison qui justifie la réunion de ces articles sous une commune dénomination et pour une plus grande diffusion de la matière.

On aurait grand tort de s'imaginer qu'ils ne se rapportent pas étroitement au sujet d'où le livre tire son titre.

Si ces croyances se retrouvent à peu près identiques à l'aurore de toutes les civilisations et dans le passé de tous les peuples et de toutes les races, c'est qu'elles reposent, en définitive, sur des tendances spécifiquement humaines. Mais leur principal substratum réside dans une phase du développement intellectuel, - la phase de l'intelligence sensorielle - qui marque l'incapacité transitoire ou définitive de s'élever à l'élaboration de la pensée abstraite. Si, dans une nation comme la nôtre, une [vii] grande partie du peuple se trouve alourdie par de tels impedimenta, elle est en excellente position pour servir de témoins, comme on dit en termes de laboratoires, à l'autre partie plus évoluée.

J'ai voulu donc démontrer qu'à côté d'une masse tributaire d'états de conscience encore un peu frustes, il y a dans ce pays une élite dont l'intelligence a marqué une vigoureuse étape dans le progrès des acquisitions. J'ai voulu démontrer que, du point de départ au point d'arrivée, la fonction a stimulé la puissance intrinsèque de l'organe sans en augmenter la capacité. J'ai essayé, enfin, de faire valoir que le rendement eût été plus considérable si le dédain des uns et l'indifférence des autres ne reposaient pas sur une conception de la vie, déroutante de faux calculs, et peut-être, aussi, de paresse insoupçonnée.

En vérité, je n'arrive pas à comprendre comment des hommes qui se croient pleinement être des hommes puissent se contenter d'une vie hyper-végétative où gagner de l'argent, manger, boire, dormir et le reste - soient la suprême fin de l'existence. Serait-ce que aller au Cinéma, visiter des malades, dépouiller un dossier, lire un article de journal, tomber ses adversaires politiques constitueraient l'ultime effort d'un bourgeois éclairé de notre époque ?

S'il en était ainsi, il faudrait renoncer à façonner et nourrir un idéal de grandeur humaine à ce peuple, il faudrait le déclarer déchu de toute aspiration [viii] transcendante et le laisser tendre son cou au joug de la servitude politique et économique réservé à tous les parias qui ont cessé d'ennoblir leur raison d'être sur cette planète, même en caressant la réalisation de quelque rêve utopique.

Heureusement que, par-delà les contingences et les désertions, il existe encore quelques irréductibles qui se passent le flambeau inextinguible de l'idéal comme autrefois, dans la fête antique, en symbolisation de la pérennité de la Vie.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 1 octobre 2010 16:08
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



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