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Collection « Les auteur(e)s classiques »

DOCUMENTS HISTORIQUES sur les TOU-KIOUE (TURCS) (1864).
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de PIEN-I-TIEN, extraits du livre 130, DOCUMENTS HISTORIQUES sur les TOU-KIOUE (TURCS). Une édition électronique réalisée à partir du texte du livre 130 du PIEN-I-TIEN. Traduction et annotations de Stanislas JULIEN (1797-1873). Article paru dans le Journal Asiatique, série 6, tome 4, juillet-décembre 1864. Pages 200-241, 391 sqq, 453-476. Reproduit en fac-similé sur le site  Gallica de la B.N.F. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

Introduction

Les Tou-kioue laissent flotter leurs cheveux, jettent à gauche le pan de leur vêtement, et habitent sous des tentes de feutre. Ils se transportent d’un lieu à un autre, suivant qu’ils y trouvent de l’eau et des herbes. Leur principale occupation est l’élève des troupeaux et la chasse. Ils font peu de cas des vieillards, et montrent une grande estime pour les hommes qui sont dans la force de l’âge. Ils ont peu d’intégrité et de honte du mal, et ne connaissent ni les rites ni la justice ; ils ressemblent en cela aux anciens Hiong-nou. Quand leur chef vient d’être nommé, ses satellites et ses grands officiers le transportent dans une litière de feutre, et, en un jour, ils lui font faire neuf promenades circulaires. Chaque fois, tous ses sujets le saluent. Quand les salutations sont finies, ils le prennent sous le bras et le font monter à cheval. Alors, ils lui serrent le cou avec une bande de soie, sans aller jusqu’à l’étrangler ; ensuite ils desserrent le lien de soie et l’interrogent vivement en ces termes :

— Pendant combien d’années pouvez-vous être notre khan ?

Le roi, dont les esprits sont tout troublés, ne pouvant préciser le nombre demandé, ses sujets jugent, par les paroles qui lui sont échappées, de la longueur ou de la brièveté de son règne. Ses grands officiers sont : 1° le Che-hou ; 2° le Mo ; 3° le Te-le ; 4° le Sse-li-fa ; 5° le Thou-tchun-fa et d’autres petits magistrats. Ces fonctionnaires publics forment en tout vingt-huit classes distinctes. Toutes ces charges sont héréditaires. Pour armes, ils ont l’arc, la flèche, la flèche sifflante, la cuirasse, la lance, le sabre et l’épée. Leurs ceintures ont des ornements en creux et en relief. Au sommet de la hampe de leurs drapeaux, ils placent une tête de louve en or. Les satellites du roi s’appellent fou-li, mot qui, en chinois, signifie lang (loup). Comme ils sont issus d’une louve, ils ne veulent pas oublier leur ancienne origine.

Quand les Tou-kioue lèvent des soldats ou des chevaux, quand ils exigent, à titre d’impôt, différentes espèces d’animaux domestiques (ou de bétail), ils font des entailles sur une tringle de bois pour les compter ; puis, pour inspirer la confiance, ils y appliquent un cachet de cire avec un fer de lance.

Voici leurs lois pénales : Ils punissent de mort ceux qui se sont révoltés, qui ont commis un homicide ou fait violence à une femme mariée. Celui qui a déshonoré une jeune fille est puni d’une forte amende, et est obligé de l’épouser tout de suite. Celui qui a blessé un homme dans une rixe doit lui payer une amende proportionnée au mal qu’il lui a fait. Celui qui a volé un cheval ou différents objets doit en donner dix fois la valeur. Quand un homme est mort, on dépose son corps dans sa tente. Ses fils, ses neveux, ses parents des deux sexes, tuent chacun un mouton et un cheval, et les étendent devant la tente comme pour les leur offrir en sacrifice. Ils en font sept fois le tour à cheval, et dès qu’ils sont arrivés devant la porte de la tente, ils se tailladent le visage avec un couteau, de sorte qu’on voit le sang couler avec leurs larmes. Après avoir fait sept tours, ils s’arrêtent. Ils choisissent alors un jour favorable, et brûlent le cheval que montait le défunt ainsi que tous les objets qui étaient à son usage. On en recueille les cendres, et on enterre le mort à des époques particulières. Lorsqu’un homme est décédé au printemps ou en été, on attend pour l’enterrer que les feuilles des arbres aient jauni et soient tombées. S’il est décédé en automne ou en hiver, on attend que les feuilles soient poussées et que les plantes soient en fleur. Alors on creuse une fosse et on l’enterre. Le jour des funérailles, les parents et les proches offrent un sacrifice, courent à cheval et se tailladent la figure comme le premier jour où la personne est morte. Après l’enterrement, auprès de la sépulture, on place des pierres et l’on dresse un écriteau. Le nombre des pierres est proportionné à celui des ennemis que le défunt a tués pendant sa vie. De plus, ils offrent un sacrifice une tête de mouton et une tête de cheval, et les suspendent au-dessus de l’écriteau. Ce jour-là, le hommes et les femmes se revêtent tous d’habits riches et élégants, et se réunissent auprès du tombeau. Si un homme devient amoureux d’une fille, il s’en retourne et envoie aussitôt quelqu’un pour la demander en mariage à ses parents, qui, d’ordinaire, ne refusent point leur consentement. Après la mort d’un père ou d’un oncle, le fils, le frère cadet et les neveux épousent leurs veuves et leurs sœurs. Mais les femmes d’un rang honorable ne peuvent avoir commerce avec des hommes d’une basse condition. Quoique les Tou-kioue émigrent ou changent de domicile, chacun d’eux a toujours une portion de terre. Le khan habite constamment sur le mont Tou-kin-chan. Sa tente s’ouvre du côté de l’orient, par respect pour le côté du ciel où se lève le soleil. Chaque année, on conduit les nobles au caveau de leurs ancêtres pour y sacrifier. De plus, dans la deuxième décade du cinquième mois, on rassemble d’autres hommes pour qu’ils aillent adorer l’esprit du ciel sur la même montagne et lui offrir un sacrifice. A quatre cents li de là, il y a une montagne extrêmement élevée, où n’existent ni plantes ni arbres. On l’appelle P’o-teng-i-li, expression qui signifie en chinois l’esprit du ciel. Les caractères de leur écriture ressemblent à ceux des barbares ; ils n’ont point de calendrier, et comptent les années d’après le nombre de fois que les plantes ont verdi. 

 

On lit dans la biographie de Wang-khing : Dans le commencement, le chef des Tou-kioue avait conclu un mariage avec l’empereur des Tcheou et avait promis de lui donner une de ses filles pour épouse. Les hommes de Thsi, en ayant été informés, craignirent que les Chinois et les Tou-kioue ne se liguassent contre eux. En conséquence, ils envoyèrent aussi des ambassadeurs pour demander en mariage une princesse turque et offrir de riches présents. Les Tou-kioue, qui convoitaient ces dons magnifiques, consentirent aussitôt à leur demande. L’empereur délibéra à ce sujet dans son conseil. L’empereur des Weï ayant fait anciennement une alliance de mariage avec les Jen-jen, les hommes de Thsi avaient tout à coup rompu avec eux. Comme aujourd’hui il était encore à craindre qu’ils ne lui devinssent hostiles, il voulut envoyer des ambassadeurs pour faire alliance avec eux. Aussitôt il nomma Yang-tsien premier ambassadeur, et Khing-tso et Wou-pe ambassadeurs en second. Cependant, cette même année, il leva des troupes, pénétra dans le pays de Thsi et l’annexa à l’empire. Yu-khing emmena la cavalerie des Tou-kioue ; puis, avec Yang-tchong, prince de Souï, il arriva à Thaï-youen et s’en revint. Les hommes de Thsi ayant promis d’envoyer (en otage) la mère et l’aïeule du roi de Thsi, l’empereur fit aussitôt la paix avec eux. Dès que les Tou-kioue en furent informés, ils conçurent de nouveau des doutes sur la bonne foi des Chinois. Sur ces entrefaites, l’empereur envoya Wang-khing pour faire des représentations au khan des Tou-kioue. Celui-ci fut charmé de cette démarche, et, comme par le passé, il renoua avec la Chine des relations d’amitié. 

 

Les ancêtres des Tou-kioue  étaient, dans l’origine, des barbares de races diverses de P’ing-liang-fou. Leur nom de famille était A-sse-na. L’empereur Thaï-wou de la dynastie des Weï postérieurs(424-451), ayant détruit la famille des Tsiu‑kiu-chi, cinq cents familles des A-sse-na s’enfuirent chez les Jou-jou, et demeurèrent, de génération en génération, sur les monts Kin-chan (les monts Altaï), où ils travaillèrent à la fabrication d’instruments en fer. Un des monts Kin-chan (un des monts d’or ou monts Altaï) a la forme d’un casque ; et, comme ils appelaient un casque tou-kioue, ils prirent de là leur nom.

Suivant certains auteurs, leurs ancêtres avaient établi leur royaume sur les bords de la mer occidentale (Si-haï) ; mais un roi voisin les extermina sans avoir égard au sexe ni à l’âge, à l’exception d’un jeune garçon, qu’ils n’eurent pas le courage de tuer. Après lui avoir coupé les pieds et les bras, ils le jetèrent dans un grand marais. Il y eut une louve qui, chaque jour, venait le trouver en cet endroit, et lui apportait de la viande. L’enfant la mangeait et put ainsi échapper à la mort. Dans la suite, il eut commerce avec la louve, qui devint pleine. Le roi de ce royaume voisin ordonna à un soldat de tuer ce jeune homme ; mais il trouva la louve à côté de lui. La louve, comme si elle eût été soutenue par un dieu, se transporta tout à coup avec le jeune homme à l’orient de la mer (occidentale), et s’arrêta sur une montagne. Cette montagne était située au nord-ouest de Kao-tchang (pays des Oïgours). Au pied de cette montagne, il y avait une caverne où la louve entra. Elle trouva une plaine couverte d’herbes, qui avait une étendue d’environ deux cents li (20 lieues). Dans la suite, la louve donna le jour à dix fils, dont l’un prit A-sse-na pour son nom de famille. Comme il était le plus intelligent, il devint aussitôt roi des Tou-kioue. C’est pourquoi à la porte de sa tente il dressa un pavillon surmonté d’une tête de loup, pour montrer qu’il n’avait pas oublié son origine. Il y eut un homme appelé A-hien-che, qui se mit à la tête de sa horde, sortit de la caverne et se soumit aux Jou-jou. Mais à l’époque du grand Cheou-hou-khan, les hordes des Tou-kioue devinrent peu à peu puissantes. Sur la fin du règne des seconds Weï, I-li-khan attaqua les Thie-le, les battit complètement, et soumit environ cinquante mille familles. Aussitôt il demanda en mariage une princesse des Jou-jou. A-na-koueï, roi des Jou-jou, entra dans une violente colère et lui envoya quelqu’un pour lui adresser des injures. I-li-khan fit décapiter l’envoyé. Il marcha à la tête de ses troupes, surprit les Jou-jou et les battit complètement. Après sa mort, il eut pour successeur son frère cadet I-khan, qui battit encore les Jou-jou. Il tomba malade et mourut. Mais au lieu de son fils Che-tou, il avait déféré le pouvoir à son frère cadet Sse-teou, qu’on appela Mo-kan-khan. Celui-ci, qui était brave et prudent, attaqua aussitôt les Jou-jou et les détruisit.

Il porta ses armes dans l’ouest et battit les I-ta (Gètes) ; à l’est, il s’avança dans le pays des Ki-tan, toutes les tribus barbares du nord se soumirent à lui et luttèrent contre les Chinois. Quelque temps après, s’étant joints aux Weï de l’ouest, ils envahirent le territoire des Weï de l’est, et arrivèrent jusqu’à Thai-youen. Leur occupation habituelle est l’élève des troupeaux ; ils cherchent les pays pourvus d’eau et d’herbages, et ne demeurent pas toujours dans le même lieu. Ils habitent des tentes de feutre, laissent leurs cheveux épars, rejettent à gauche les pans de leur vêtement, mangent de la viande, boivent du lait, et portent des habits de peau ou de laine. Ils ne font aucun cas des vieillards et estiment les hommes qui sont dans la force de l’âge. Les magistrats supérieurs sont les Che-hou ; ensuite viennent les Che-te-le ; troisièmement, les Sse-li-fa ; quatrièmement, les Thou-tchun-fa ; enfin, les magistrats d’un rang infime. Il y a en tout vingt-huit classes de ces fonctions publiques, qui sont toutes héréditaires. Ils se servent d’arcs de corne, de flèches sifflantes, de cuirasses, de lances, de sabres et d’épées. Ils sont habiles à monter à cheval et à tirer de l’arc ; ils sont d’un naturel dur et inhumain ; ils n’ont point d’écriture, et pratiquent des entailles sur des plaques de bois pour faire des contrats ; ils attendent que la lune soit dans son plein pour commencer leurs déprédations. Ceux qui ont formé un complot de révolte ou de désertion, ou qui ont commis un homicide, sont punis de mort ; celui qui a déshonoré une femme subit la castration et est ensuite coupé en deux ; celui qui, dans une rixe, a blessé un homme, doit lui donner une de ses filles pour compensation ; s’il n’a pas de fille, il lui abandonne sa femme et ses richesses. Celui qui a brisé un membre à quelqu’un lui donne un cheval ; celui qui a commis un vol en paye dix fois la valeur.

Lorsqu’un homme est mort, on dépose son corps dans sa tente ; ses parents et ses proches tuent une multitude de bœufs et de chevaux, et les lui offrent en sacrifice : ils font le tour de la tente en poussant des cris lugubres, et, avec un couteau, se tailladent le visage, où l’on voit couler à la fois le sang et les larmes. Après le septième tour, ils s’arrêtent. Alors ils choisissent un jour favorable, placent le cadavre sur un cheval et le brûlent. Ils recueillent ensuite les cendres et les enterrent. Ils dressent une haute perche, pour signaler le tombeau, et construisent au-dessus une maison, dans l’intérieur de laquelle ils peignent la personne du mort, et représentent les combats auxquels il a pris part pendant sa vie. S’il a tué un homme (un ennemi), on dresse une pierre ; il y en a pour qui on a dressé jusqu’à cent et mille de ces pierres. Quand un père ou un frère aîné sont morts, les fils et les frères cadets épousent leurs femmes ou leurs soeurs. Dans le cinquième mois, ils tuent un grand nombre de moutons et de chevaux pour sacrifier au Ciel. Les hommes aiment à jouer aux osselets, et les femmes au ballon. Ils boivent du lait de jument, et quand ils sont animés par l’ivresse, ils chantent entre eux et se répondent tour à tour. Ils révèrent les démons et les esprits, et croient aux magiciens. Ils se font gloire de mourir dans un combat, et rougiraient de finir de maladie. En général, ils ont les mêmes moeurs que les Hiong-nou.


Retour au livre de l'auteur: Laurence Binyon (1869-1943) Dernière mise à jour de cette page le samedi 13 janvier 2007 15:42
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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