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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Le TAOÏSME. Essais. Édition posthume.
Extraits


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Henri MASPERO (1883-1945), Le TAOÏSME et les religions chinoises. Édition posthume. Paris: Éditions Gallimard, 1971, pages 293-589. Première publication pour une bonne partie des essais, d’une part dans « Mélanges posthumes sur les religions et l’histoire de la Chine », Bibliothèque de diffusion du Musée Guimet, Paris, 1950, volume II, pages 13-222, d’autre part dans le Journal Asiatique, avril-juin, et juillet-septembre 1937. Voir les détails au début de chaque essai. Une édition numérique réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

C29. — Henri MASPERO  : Le Taoïsme. Essais. Édition posthume. 

Extrait. La circulation du souffle interne, théorie et pratique 

a. L’absorption du souffle
b. La conduite du souffle
c. La fonte du souffle
d. L’emploi du souffle

La théorie et la technique de la circulation du souffle interne ayant été décrites en détail par des auteurs de la fin des Tang et de l’époque des Song, sont grâce à eux bien mieux connues que celles du souffle externe admises aux temps anciens. Aussi est-ce par elles que je commencerai ici : la connaissance de la théorie moderne aidera à la compréhension de la théorie ancienne avec laquelle elle a gardé certains rapports malgré les changements survenus.

Comme c’est le Souffle Originel et non le souffle externe qu’il faut faire circuler à travers le corps, et que sa place naturelle est à l’intérieur du corps, il n’y a pas besoin de le faire entrer et de le retenir avec effort comme faisaient les anciens : pas de rétention du souffle, fatigante, et, dans certains cas, nuisible. Mais il ne s’ensuit pas que faire circuler le souffle soit chose facile ; au contraire, cela exige un long apprentissage.

« Le souffle interne... est naturellement dans le corps, ce n’est pas un souffle qu’on va chercher au‑dehors ; (mais) si on n’obtient pas les explications d’un maître éclairé (tous les essais) ne seront qu’une fatigue inutile, jamais on ne réussira.

La respiration ordinaire et vulgaire ne joue qu’un rôle tout à fait secondaire dans le mécanisme de la circulation du Souffle qui se fait en dehors d’elle. Les deux souffles, souffle interne et souffle externe, font leurs mouvements en parfaite correspondance : quand le souffle externe monte dans l’expiration, le souffle interne contenu dans le Champ de Cinabre inférieur monte lui aussi ; quand le souffle externe descend dans l’expi­ration, le souffle interne descend aussi et rentre dans le Champ de Cinabre inférieur : tel est le mécanisme simple qui régit la circulation du Souffle Originel. Celle‑ci se fait en quelque sorte en deux temps : « avaler le souffle » yanqi ou yanqi, et le faire circuler. Et s’il n’y a qu’une seule manière d’absorber le Souffle, il y a deux manières distinctes de le faire circuler : l’une consiste à le conduire de façon à le diriger où on veut qu’il aille, à un endroit malade s’il s’agit de guérir une maladie, au nihouan s’il s’agit de la Respiration Embryonnaire, etc. ; c’est ce qu’on appelle « conduire le souffle » xingqi. L’autre consiste à laisser le souffle aller à son gré à travers le corps sans se mêler de le diriger : c’est ce qu’on appelle « fondre le souffle » lianqi. J’indiquerai successivement les procédés d’absorber le souffle, de le conduire et de le fondre. C’est le premier temps, l’Absorption du Souffle, qui est proprement ce qu’on appelle la Respiration Embryonnaire taixi ; mais l’expression s’applique aussi à l’ensemble des exercices. 

a. L’absorption du souffle

Avaler le souffle est un procédé qui se comprend mieux dans la théorie de la circulation du souffle externe que dans celle du souffle interne. Dans le premier cas, non seulement il est compréhensible, mais il a même quelque réalité : c’est probablement une aérophagie volontaire que facilite la déglutition constante de la salive, « le bouillon de jade » yujiang, en grande quantité. Mais dans le second cas, à quoi bon avaler un souffle qui est déjà dans l’intérieur du corps et de quelle façon s’y prendre ? On l’avale pour l’empêcher de sortir avec le souffle respiratoire (souffle externe), et afin de le faire circuler à travers le corps.

La manière d’avaler le souffle interne est exposée ainsi par le maître Huanzhen :

« Le plus merveilleux de l’absorption du souffle est dans l’avalement du souffle. Les profanes avalent le souffle externe... c’est une erreur... le Souffle de l’Océan du Souffle après l’expulsion (du souffle externe) monte et va droit jusque dans la gorge ; mais au dernier moment où la gorge crache (le souffle externe), on ferme brusquement la bouche, on bat le tambour (céleste) plusieurs fois, et on avale (le souffle interne qui était dans la gorge), avec un bruit d’eau qui coule. Il descend chez les hommes par (le conduit de) gauche et chez les femmes par celui de droite, il passe les vingt‑quatre articles (de l’œsophage) comme de l’eau coulant goutte à goutte : on l’entend distinctement. Ainsi on peut savoir clairement que le souffle interne et le souffle externe sont séparés. On le conduit par la pensée yi, on le masse avec la main, afin qu’il entre rapidement dans l’Océan de Souffle. L’Océan de Souffle est trois pouces au‑dessous du nombril : c’est ce qu’on appelle aussi le Champ de Cinabre.

Le Maître de Grande-Majesté, Daweiyi xiansheng, précise ce qui se passe au moment de l’avalement du souffle :

« Le nez et la bouche étant tous deux fermés et complètement vides, que le souffle (interne) remplisse la bouche ; battre le tambour (céleste) quinze fois, ou même davantage, cela n’en vaudra que mieux ; (en faisant) comme si on avalait une grosse gorgée d’eau, faire entrer dans le ventre (le souffle interne qui est dans la bouche) ; par la concentration de la pensée le mener jusque dans le Champ de Cinabre.

Cet exercice ne va pas sans difficultés, au moins pour les débutants. En effet le chemin que doit parcourir le souffle pour entrer dans le champ de Cinabre inférieur est obstrué, et ce n’est qu’à force de persévérance que, grâce à des exercices répétés, l’étudiant réussira à établir la communication. Cela peut durer fort longtemps : quelques-uns établiront la commu-nication en dix mois, quelques-uns en un an, d’autres en deux ans ou même en trois ans ; ceux qui ne réussissent pas à faire franchir les obstacles au souffle de façon que le passage s’établisse librement n’obtiendront pas l’Immortalité. Ces obstacles sont décrits par le Vieillard Wang de la Grande-Pureté Taiqing Wanglao.

« Sur les obstructions shuo gejie.

« Tous les hommes ont dans le ventre trois endroits où il y a obstruction.

« En premier lieu, il y a obstruction au cœur. Ceux qui commencent à étudier l’Absorption du souffle sentent qu’au‑dessous du cœur, l’intérieur de l’estomac est rempli. Il faut manger peu : quand on a fait cela longtemps, on sent que (le souffle) passe en bas.

« En second lieu, il y a obstruction au‑dessous des viscères de crudité shengzang. On sent que l’intérieur de l’intestin est rempli. Au bout d’un certain temps, on sent que le souffle arrive au nombril.

« En troisième lieu, il y a obstruction dans le Champ de Cinabre inférieur. On peut le franchir par une ferme volonté.

« C’est après (avoir franchi ces trois obstacles) que, pour la première fois, on sent que le souffle parcourt tout l’intérieur du corps. En se promenant dans le corps (le souffle) soudain entre dans le sternum ; on sent que le souffle sort par le sternum : alors on est capable de guérir les maladies d’autrui.

La plupart des écrivains taoïstes ne précisent pas le trajet du souffle avalé pour entrer au Champ de Cinabre : on le conduit par la pensée de façon qu’il ne se disperse pas, et cela suffit. L’intérieur du corps est pour les Chinois une cavité où les souffles et les humeurs circulent entre les divers organes sans avoir toujours besoin de vaisseaux particuliers : c’est ainsi que si le sang parcourt les douze veines, les wei, c’est-à-dire la partie la plus subtile des souffles qui ont formé le sang, cir-culent dans le corps en dehors des veines ; que la salive, descendue dans l’intestin, pénètre dans la vessie (où grâce à l’influence de l’Océan de Souffle, elle se transforme en urine), bien que la vessie, selon les Chinois, n’ait pas de porte d’entrée, mais seulement une porte de sortie. Le Vieillard Wang de la Grande-Pureté fait descendre le souffle dans l’intestin d’où il passe dans l’Océan de Souffle sans qu’il y ait de canal particulier, probablement à la manière de la salive passant de l’intestin dans la vessie. Il est plus précis que la plupart des auteurs de son temps.

Sa précision même lui a valu un adversaire qui s’est élevé avec véhémence contre cette opinion du passage du souffle par l’intestin. C’est l’auteur anonyme d’un livre du IXe ou du Xe siècle, le « Livre de l’Absorption du Souffle (déposé) dans le Coffret de Jade du Mont du Centre » Zhongshan yugui fuqijing. Voici comment il expose ses idées.

« Se coucher (la tête posée) correctement sur l’oreiller... Attendre d’avoir fait sortir la respiration entièrement, puis enfermer le Souffle de la Femelle Mystérieuse Bi xuanpin qi. Que le tambour occupe entièrement les dents sans les laisser rester rapprochées ; quand on veut avaler (le Souffle), que les dents se rapprochent légèrement. Alors il faut « recevoir la respiration » shouxi en un souffle très léger, contracter le ventre, et faire descendre en avalant yanxia ; prendre pour mesure les avalements qui réussissent et pour terme le rassasiement par avale­ment, sans limite de temps.

« Ce procédé est différent des procédés d’avalement du souffle de tous les auteurs. (C’est que) si on ne « reçoit pas la respiration » en souffle très léger en contractant le ventre pour faire descendre en avalant, le souffle n’entrera pas dans le ventre : de plus il n’entrera pas dans le canal des aliments solides. Le souffle qui pénètre dans la gorge par avalement a naturellement trois voies : la première entre dans le canal de l’intestin et de l’estomac changwei zhongmai, la seconde entre dans le canal des cinq viscères wuzang zhongmai, la troisième entre dans le canal des aliments solides shimai. Si on ne se conforme pas au procédé précédent du souffle ténu et de la contraction du ventre, c’est en vain qu’on avale ce souffle : on n’arrive qu’à le faire entrer dans l’intestin, sans le faire entrer dans le canal des aliments solides, et on n’en retire aucun avantage. (En effet) s’il descend tout droit dans le ventre (sans passer par le canal des aliments), il entre dans la bordure du ventre et de l’estomac (et) dans le ventre il y a beaucoup d’obstacles qui le font se précipiter en haut et s’écouler en bas ; les aliments reculent dans les intestins, les quatre membres s’affaiblissent et sont comme sans force, l’intérieur du corps aura inévitablement de l’excès de vide ; (même) en mangeant et en buvant et en prenant des drogues, inévitablement la bouche se desséchera et la langue deviendra râpeuse.

« Si (au contraire), se conformant à ce procédé, on attend que le souffle ait rempli la bouche, et qu’après l’avoir mangé longuement, par une contraction du ventre on l’avale, lui-même il se divise et entre dans le canal des aliments solides ; la respiration interne des cinq viscères par là devient entièrement pure. Si, avant que le Souffle Originel ait atteint l’intérieur de l’intestin, ce canal des aliments solides a déjà été rempli fortement, ce sera juste comme avec de la nourriture, il n’y aura pas excès de vide... Si (au contraire) sans se conformer à ce (procédé), on avale le souffle à sa guise trente à cinquante fois par jour, l’intérieur du ventre s’épuisera inévitablement, on pensera sans cesse à la nourriture : on ne devrait pas voir ces effets... »

C’est, on le voit, une opinion de tous points inverse de celle du Vieillard Wang, bien que celui-ci ne soit pas nommé. Aucune des deux théories ne me paraît d’ailleurs avoir prévalu, et il me semble que, même après cette demi-polémique, la plupart des ouvrages continuent à ne pas s’intéresser au détail du trajet du souffle. Cette incuriosité s’explique sans peine. Chaque Adepte suit le souffle par la pensée, non pas en imagination, mais réellement par la  vue intérieure  neishi, ou neiguan, grâce à laquelle il voit l’intérieur de son corps. Ce n’est pas là un pouvoir extraordinaire ; il est au contraire assez commun :

« en fermant les yeux on a la vision intérieure des cinq viscères, on les distingue nettement, on connaît leur place.... On comprend à la fois que des opinions diverses aient pu se faire jour, suivant les visions personnelles de chacun, et que ces opinions n’aient pas beaucoup troublé les Adeptes qui se livraient à ces pratiques, puisque leur propre « vision intérieure », en leur montrant le souffle conduit en sûreté au Champ de Cinabre, leur prouvait que leur méthode, quelle qu’elle fût, était la bonne.

 

b. La conduite du souffle

Quand on a fait trois avalements de souffle, l’Océan de Souffle est rempli, et on fait une circulation du souffle.

Le souffle doit être conduit soigneusement tout le long du chemin par la pensée. La manière de le conduire paraît avoir différé suivant les personnes : les uns se contentaient de se représenter visuellement le souffle effectuant son trajet à travers le corps : « voir par l’imagination les deux lignes de souffle blanc (qui est entré par les deux narines) et les conduire toutes deux... » ; d’autres employaient un procédé usuel chez les Taoïstes, et se fabriquaient en imagination un homuncule qu’ils chargeaient de conduire le souffle et qu’ils suivaient de la pensée tout le long du trajet : « on voit un petit personnage imaginaire de trois à quatre pouces de haut (six à huit centimètres) qu’on place où l’on veut ». On conduit ainsi le souffle à travers tout le corps, aussi lentement et aussi complètement que possible.

 

c. La fonte du souffle

Au lieu de « conduire le souffle », on peut le laisser circuler librement à travers le corps sans essayer de le diriger : c’est ce qu’on appelle « fondre le souffle » lianqi, nom dont je ne connais pas l’origine, et qui désigne une pratique différente de la « Fonte de la Forme » lianxing que je mentionnerai plus loin ; comme dans cette dernière, le nom doit venir d’une assimilation du souffle au feu, mais je n’ai rien trouvé à ce sujet.

« Procédé de fonte du souffle du maître de Yanling xiansheng lianqi fa.

« Chaque fois qu’après avoir absorbé le souffle on a du loisir de reste, prendre une chambre calme où personne n’habite, défaire ses cheveux, desserrer ses vêtements et se coucher, le corps dans la position correcte, étendre les pieds et les mains, ne pas fermer (les mains), avoir une natte propre, dont les côtés pendent à terre ; que les cheveux soient peignés et pendent épars sur la natte. Alors harmoniser les souffles tiaoqi ; quand les souffles ont trouvé (chacun) leur place (= le viscère qui correspond à chacun d’eux), avaler (le souffle). Alors enfermer le souffle jusqu’à ce que ce soit insupportable. Obscurcir le cœur de façon qu’il ne pense pas ; laisser le souffle aller où il veut, et, quand le souffle est insupportable, ouvrir la bouche et le relâcher ; quand le souffle vient de sortir, la respiration est rapide ; harmoniser les souffles ; au bout de sept à huit souffles, elle se calme rapidement. Alors recommencer à fondre le souffle de la même façon. Si on a du loisir de reste, s’arrêter après dix fontes. Quand c’est un nouveau travail, il faut prendre garde (au cas où) le souffle ne pénètre pas et est retenu dans la peau, ce qui causerait des maladies. Si vous avez du loisir de reste, fondez-le encore : ajoutez par cinq ou six fontes, jusqu’à vingt, trente ou même quarante et cinquante ; il n’y a pas de limite. De quelque façon qu’on fasse, quand le travail d’absorber le souffle est peu à peu accompli, les barrières communiquent, les pores s’ouvrent. Quand on fond le souffle vingt ou trente fois, on le sent circuler par tout le corps ; quelquefois la sueur sort : si on obtient ce symptôme, c’est le meilleur résultat. Quand on est nouveau à fondre (le souffle), s’arrêter quand on a réussi à faire communiquer (le souffle) ; peu à peu la sueur sort, c’est excellent, cela calme le cœur et équilibre le souffle. Il ne faut pas se lever trop tôt et laisser l’air pénétrer précipitamment ; il faut faire comme un malade qui vient de suer, rester quelque temps sans rien faire, il faut mettre ses vêtements, faire tout doucement quelques pas, parler peu et économiser le souffle, diminuer les affaires et clarifier la pensée. Le corps est léger, les yeux perçants, dans les cent veines la circulation est parfaite, les quatre membres sont pénétrés partout. C’est pourquoi le « Livre de la Cour-Jaune » Huangtingjing dit :

« Les mille calamités sont écartées, les cent maladies sont guéries,

« Il n’y a pas à craindre la cruauté des tigres et des loups,

« Et également on prolonge ses années et on vivra éternellement.

« Fondre le souffle ne peut pas se faire tous les jours : tous les dix jours ou tous les cinq jours, si on a du loisir de reste, ou si on sent qu’il n’y a pas communication partout, si les quatre membres sentent une chaleur insupportable, alors qu’on le fasse ! Le faire tous les jours est sans résultat ; il ne faut pas employer (ce procédé) de façon continue.

 

d. L’emploi du souffle

On pouvait pratiquer la Respiration Embryonnaire toute seule quand on voulait « se nourrir de souffle ». Mais très souvent elle n’était que le préliminaire nécessaire à la Fonte et à la Conduite du Souffle ; c’était ce qu’on appelait « Employer le Souffle », yongqi. L’ensemble des pratiques courantes d’ «  emploi du souffle » par la jonction de plusieurs procédés est donné dans une série de recueils des VIIIe et IXe siècles. De l’un d’eux, le « Recueil des livres nouveaux et anciens de l’Absorption du Souffle rassemblés par le Maître de Yanling » Yanling xiansheng Ji xinjiu fuqi jing, j’extrais la formule suivante qui est la plus précise que j’aie rencontrée.

« Formule d’emploi du Souffle des Hommes Réalisés de Simplicité Mystérieuse, dite par le Maître de Grand‑Respect Daweiyi xiansheng xuansuzhenren yongqi jue.

« Dans toutes les recettes d’emploi du souffle, il faut d’abord faire la gymnastique à droite et à gauche, pour que les os et les articulations s’ouvrent et communiquent, que les nerfs jan soient mous et le corps relâché. Après cela, s’asseoir, le corps en position correcte, et rejeter et aspirer trois fois, pour qu’il n’y ait pas de nœuds d’obstruction ; calmer la pensée et oublier le corps afin que le souffle soit inspiré tranquillement. Au bout de quelque temps, d’abord cracher tout doucement par la bouche le souffle impur duqi, et aspirer par le nez le souffle pur qingqi. Tout ceci six ou sept fois. C’est ce qu’on appelle « harmoniser les souffles » tiaoqi.

« L’harmonisation des souffles achevée, alors, la bouche et le nez étant tous deux fermés et complètement vides, que le souffle remplisse la bouche ; alors battre le tambour dans la bouche quinze fois : si c’est plus, cela sera mieux encore ; (avaler le souffle) comme si on avalait une grosse gorgée d’eau, et le faire entrer dans le ventre ; de tout son cour concentrer son attention (sur le souffle allant) jusque dans l’Océan du Souffle et y demeurant longtemps. Au bout de quelque temps, avaler de nouveau suivant le procédé ci-dessus, en prenant seulement pour mesure (du nombre de fois où on le fera) que le ventre soit rassasié, mais sans fixer un nombre limité de fois. Après cela, vider le cœur et remplir le ventre. Fermer la bouche, masser les deux côtés du ventre avec la main pour que le souffle s’écoule et passe ; et laisser pénétrer la respiration tout doucement dans le nez sans respirer gros­sièrement de peur de perdre l’harmonie. Après cela, le corps étant couché dans une position correcte, se placer sur une couche avec un oreiller ; l’oreiller doit être tel que la tête soit à la hauteur du corps ; les deux mains bien fermées. Étendre les mains ouvertes à quatre ou cinq pouces de distance du corps ; les deux pieds également à une distance de quatre à cinq pouces l’un de l’autre. Après cela, respirer par le nez : la bouche et le nez tous deux fermés, que le cœur se concentre sur le souffle et le fasse circuler par tout le corps. C’est ce qu’on appelle « faire circuler le souffle » yunqi. Si on est malade, que le cœur en se concentrant sur le souffle l’applique à l’endroit malade. Si le souffle est rapide ji (halètement ?), qu’on le relâche dans le nez (en courant d’air) très fin pour faire communiquer la respiration, sans que la bouche s’ouvre, et qu’on attende que la respiration du souffle soit égale ; alors de nouveau le tenir enfermé suivant le procédé précédent. Remuer les doigts, des deux pieds, les doigts des mains, et les os et les articulations : prendre pour mesure (le moment où) la sueur sort. C’est ce qu’on appelle la pénétration du souffle qitong.

« Alors tout doucement, le corps étant couché, plier les deux jambes, d’abord les poser à terre du côté gauche (le temps de) dix respira­tions, puis les poser à terre du côté droit, le temps de dix respirations aussi. C’est ce qu’on appelle « réparer la diminution » bu sun.

« En se conformant à ces procédés, au bout d’un mois, en marche ou debout (immobile), assis ou couché, quand le ventre est vide, qu’on batte le tambour et qu’on avale (le souffle) sans limite de temps, comme si on mangeait. Quand on a mangé un repas de vide kongfan d’une ou deux bouchées, y joindre de l’eau qu’on avale et qu’on fait descendre ; c’est ce qu’on appelle laver les cinq viscères, xiwuzang. Alors réchauffer et rincer la bouche avec de l’eau pure, vider le cœur et remplir le ventre, de façon que les viscères et les réceptacles aient leurs feuillets dilatés, avaler (le souffle) pour que les cinq viscères n’arrêtent pas le souffle des cinq saveurs.

« Ceci achevé (il faut) d’abord cracher par la bouche le souffle impur, aspirer par le nez le souffle pur sans compter combien de fois ; il faut le rejeter entièrement. Si on laisse échapper par en bas un souffle souillé, se remettre à battre le tambour et fondre une gorgée, la joindre au souffle pour le compléter.

« Si on mange ou si on boit du thé à la manière ordinaire, tout cela ce sont des souffles extérieurs qui entrent ; quand ils sont restés un instant dans la bouche, on ferme la bouche ; et quand la bouche est fermée, les souffles extérieurs qui y sont entrés sortent dans le nez. (Or) le souffle qui entre dans le nez, c’est le souffle pur ; il faut (donc) toujours manger la bouche fermée pour qu’il n’y ait pas de souffle qui entre dans la bouche (car) s’il en entre, c’est un souffle mortel.

« Toutes les fois que les hommes parlent, le souffle de l’intérieur de la bouche sort, il faut qu’il en entre par le nez : c’est l’expiration et l’inspiration telles qu’on les pratique ordinairement.

« Si en marchant, en étant arrêté, en étant assis, ou en étant couché, on remue toujours les doigts des pieds, cela s’appelle faire constamment que le souffle réussisse à descendre en bas. C’est une chose à pratiquer constamment, à laquelle il faut penser aussi bien quand on est au repos que lorsqu’on est en mouvement.

« Si on ne fait pas attention au temps, et que subitement le souffle extérieur pénètre dans le ventre, on sent une légère enflure, il faut masser le ventre cent fois : le souffle s’échappera par le bas. Si le souffle monte et ne peut sortir, le faire descendre en le pressant avec la main : cela s’appelle mettre en ordre, lishun.

« S’abstenir des choses qui rompent le souffle, et des choses grasses, ou qui collent, ou qui produisent du froid ; il ne faut pas manger de choses froides qui agitent le souffle.

« Si on se conforme à ce procédé sans faute, et qu’on le pratique constamment pendant neuf ans, le résultat sera obtenu, on marchera sur le vide comme on marche sur le plein, on marchera sur l’eau comme on marche sur la terre.


Retour au livre de l'auteur: Henri Maspero (1883-1945) Dernière mise à jour de cette page le Mardi 01 novembre 2005 08:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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