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Collection « Les auteur(e)s classiques »

La Gaule. Les fondements ethniques, sociaux et politiques de la nation française (1947)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Ferdinant Lot (1866-1952), La Gaule. Les fondements ethniques, sociaux et politiques de la nation française. Paris: Librairie Arthème Fayard, 1947, 31e édition, 1947, 592 pp. Une édition numérique réalisée par Jean-Marc Simonet, bénévole, professeur retraité de l'Université de Paris XI-Orsay.

Avant-propos

A quel moment commence l’Histoire de France ? Voilà une question que nos ancêtres ne se posaient pas. Pour eux l’histoire de notre pays commençait à l’arrivée des Francs, des « François », comme ils disaient, en Gaule. Le premier « roi de France » était Clovis et, depuis ce fondateur, se déroutait « l’histoire du royaume » avec ses alternatives de succès et de gloire, de revers et de misères. 

Ils ne se posaient même pas la question de savoir qui, auparavant, habitait la Gaule, ou plutôt ils répondaient : « les Romains », qu’ils se représentaient sans doute comme une poignée de conquérants subjugués ou expulsés par les « François ». Tous, même les serfs, se croyaient issus des Francs. Pas davantage on ne se demandait d’où venaient « nos François », à quelle race ils appartenaient, quelle langue ils parlaient. Ce fut une stupeur indignée quand Fréret, à la fin du siècle de Louis XIV, osa prétendre que les Francs étaient un peuple germanique installé de force aux dépens d’une population antérieure à laquelle appartenait l’immense majorité du peuple français. Jusqu’alors les personnes savantes, utilisant les fabrications naïves de clercs, remontant à l’ère mérovingienne finissante, se les représentaient comme les descendants des Troyens (sic) échappés au désastre qui mit fin à l’existence d’Ilion, et parvenant en Gaule on ne sait comment à travers l’obscurité des temps. 

Il fallut se rendre tout de même à l’évidence. Alors une partie de la population, la noblesse, la partie instruite, c’est-à-dire une infime minorité, réclama pour elle seule l’origine franque, pour appuyer ses prétentions à demeurer la seule classe digne de diriger l’Etat. De Boulainvilliers à Mlle de la Lezardière, de la Régence à la Révolution française, certains « aristocrates » embrassèrent avec passion cette théorie. Peut-être a-t-elle contribué, quand vint l’opposition, lors de la Révolution, à faire considérer les nobles comme des intrus bons à supprimer. 

La Révolution et l’Empire eurent des préoccupations suffisamment absorbantes pour que les esprits laissassent de côté ces balivernes. 

Avec la reprise des études sous la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe, l’histoire de la plus vieille France commence à être envisagée d’une manière plus scientifique avec Guizot et Augustin Thierry. Celui-ci, cependant, et son frère Amédée, demeurent partiellement sous l’empire des théories du siècle précédent. Ils envisagent même l’Histoire de France, non seulement à l’époque franque, mais à travers les siècles, comme une lutte des populations gauloises — le nom apparaît enfin — contre des conquérants étrangers, les Francs. Une arrière-pensée les pousse dans ce système : il faut célébrer les mérites et le triomphe final de la bourgeoisie qu’ils considèrent comme la partie vivante et méritante de la population. A elle reviennent légitimement le pouvoir politique et la considération sociale. 

Ces vues, qui paraissent aujourd’hui d’une incroyable fausseté, ne pouvaient que séduire le monde des professeurs, des classes libérales, de la bourgeoisie, entendons la bourgeoisie instruite, dont elles flattaient la suffisance. 

Elles traînent à travers le siècle, malgré les réserves des érudits mieux informés du réel, mais ignorés du grand public, donc impuissants.Il faut vraiment descendre jusqu’à la première édition du livre de Fustel de Coulanges (1875) sur les institutions de la France pour qu’elles soient dénoncées comme absurdes par la plume de ce bel historien qui fut aussi un grand écrivain. Il n’en subsiste plus rien depuis lors. Nos manuels ont appris aux Français que leur histoire ne commence pas à Clovis. Ils savent qu’avant la France était la Gaule, Gaule romaine, elle-même prolongement d’une Gaule indépendante. De beaux travaux, ceux de Camille Jullian, qui n’a pas consacré moins de huit volumes à l’histoire de la Gaule indépendante et romaine, ceux de H. Hubert sur les Celtes, de Déchelette sur l’archéologie préhistorique et celtique, d’Albert Grenier, continuateur à la fois de Jullian et de Déchelette, le solide volume de Gustave Bloch, paru dans l’admirable Histoire de France publiée sous la direction d’Ernest Lavisse, pour ne citer que quelques noms, permettent au public de se renseigner abondamment et sûrement. 

Mais le public — les jeunes et les vieux tient-il vraiment à être renseigné sur les origines de son pays ? On en peut douter. Quiconque, par devoir professionnel, a fait passer des examens, demeure stupéfié de l’ignorance, sur ce point comme sur d’autres et plus que sur d’autres, des candidats au baccalauréat, même à la licence, ignorance partagée souvent par ceux qu’on appelait autrefois les gens du monde, par les Français « moyens », comme on dit aujourd’hui. Combien, dans les classes dites dirigeantes, ignorent à quelle race ils appartiennent, l’origine de la langue qu’ils parlent, et bien d’autres choses encore! 

Même quand on arrive à la période franque, l’intérêt ne se réveille pas. On connaît les noms de Clovis et de Charlemagne et on se représente toujours ce dernier sous des couleurs légendaires. 

Le Français, même celui qui se croit cultivé, ne connaît pas, ou du moins connaît mal les fondements économiques, sociaux, politiques, du passé de son pays, disons même du présent, car le présent édifice repose sur des bases anciennes, beaucoup plus anciennes qu’on n’imagine trop souvent. 

C’est pour essayer de réagir contre cette indifférence que ce livre a été écrit. Il ne vise pas à l’originalité. On y tente seulement de mettre au courant les gens de bonne volonté des importants travaux qui ont été consacrés en France et à l’étranger au plus reculé passé de notre pays, tout en ne se privant pas du droit de les contrôler. 

Prenant à la date où la région située entre Pyrénées et Rhin, Océan et Alpes, a été peuplée par des hommes dont incontestablement nous descendons tous, le premier âge de fer, vers l’an mille avant notre ère, l’ouvrage s’arrête à l’an mille après. 

Est-ce à dire que ce dernier terme constitue un tournant décisif dans la suite des temps ? Non, certes. Mais il n’en est pas moins vrai que, avec l’avènement de la dynastie capétienne, la vie politique prend une stabilité relative qui se poursuivra jusqu’à la guerre de Cent ans. En même temps, par suite de l’arrêt des invasions barbares, la paix peut commencer à renaître, et, avec elle, le commerce, l’industrie, l’art, les lettres. De nouvelles classes sociales émergent lentement de l’ombre épaisse qui les recouvrait au cours des siècles antérieurs. C’est vraiment l’aube d’un jour nouveau, aube grise, une aube cependant. 

Nous nous arrêtons là, laissant à d’autres le plaisir de voir naître et grandir la nouvelle journée.


Retour au livre de l'auteur: Jacques Bainville, historien Dernière mise à jour de cette page le dimanche 12 mars 2006 12:22
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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