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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Séville musulmane au début du XIIe siècle.
Le traité d’Ibn‘Abdun sur la vie urbaine et les corps de métiers
(1947)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'Évariste Lévi-Provençal (1894-1956), Séville musulmane au début du XIIe siècle. Le traité d’Ibn‘Abdun sur la vie urbaine et les corps de métiers. Traduit avec une introduction et des notes (1947). Nouvelle édition: Maisonneuve & Larose, Paris, 2001, 178 pages. Une édition numérique réalisée par M. Jean-Marc Simonet, professeur retraité de l'enseignement, Université de Paris XI-Orsay.

Avant-propos

Christophe PICARD, avril 2001.

Tout étudiant, tout chercheur ayant travaillé sur l’histoire d’al-Andalus, a lu et admiré l’œuvre historique d’Évariste Lévi-Provençal, en particulier son Histoire de l’Espagne musulmane. Longtemps, on s’est demandé s’il était possible d’entreprendre, grâce à des sources nouvelles ou à des avancées majeures de chercheurs, une autre histoire d’al-Andalus. Personne ne s’y est risqué, mais cette somme a largement contribué à ouvrir le champ des recherches sur la péninsule Ibérique sous domination musulmane. A ce magistral tableau, le grand historien d’al-Andalus a ajouté un éclairage remarquable par sa science de la langue arabe, d’une part, et la quantité de sources découvertes, éditées, puis traduites. Il a joué ainsi, avec d’autres, un rôle majeur d’entraînement, comme le montrent les nombreuses éditions et traductions de textes mises à notre disposition depuis plusieurs décennies par la remarquable école arabisante en Espagne.

La publication d’« Un document sur la vie urbaine et les corps de métiers à Séville au début du XIIe siècle : le traité d’Ibn ‘Abdûn », dans le Journal asiatique en 1937, fut suivie par sa traduction, retardée par la guerre, en 1947. Comme le souligne Lévi-Provençal dans son introduction, celle-ci demeure extrêmement précieuse à plus d’un titre. Tout d’abord, la langue, particulière à bien des égards, et un vocabulaire spécifique sur les métiers rendent difficile sa lecture à ceux qui ne sont pas habitués à « l’arabe d’al-Andalus » et ont nécessité l’établissement d’un glossaire en appendice de l’édition du texte. De même, si le traité d’Ibn ‘Abdûn s’inscrit dans une longue tradition d’un genre juridique qui fut d’abord établi dans les régions centrales de l’Empire musulman, en Orient, puis qui s’est épanoui dans le Maghreb et l’al-Andalus malikite, en Occident, il se distingue à de nombreux titres des autres traités de hisba, en particulier celui, légèrement postérieur, rédigé par al-Saqâtî de Malága. En effet, le traité d’Ibn ‘Abdûn va bien au-delà de l’énumération habituelle des recommandations et des interdits touchant l’activité artisanale et commerciale, et les mœurs dans les villes musulmanes. Ibn ‘Abdûn, juriste sévillan mal connu (il n’apparaît dans aucune des volumineuses biographies dressées par ses coreligionnaires sur les lettrés et hommes de foi d’al-Andalus), ajoute un certain nombre d’articles et d’avis personnels enrichissant considérablement le traité. Il débute par une énumération des édiles de la cité dont le rôle, à ses yeux, est de constituer une chaîne indissociable de garants du bon gouvernement urbain. Son avis est d’autant plus intéressant qu’il concerne Séville, devenue depuis la disparition du califat omeyyade au début du XIe siècle et l’établissement de la dynastie ‘abbadide, la plus grande cité d’al-Andalus. Lévi-Provençal précise que l’auteur laisse transparaître ses inquiétudes et ses frustrations à propos de la société sévillane au moment où celle-ci vient de passer sous l’autorité des Almoravides, à la fin du XIe siècle ou au tout début du XIIe siècle. C’est donc un véritable traité de gouvernement que nous livre l’auteur, alors que l’échec du pouvoir andalou et les progrès des chrétiens du nord ont jeté la société d’al-Andalus en plein trouble. L’appel lancé aux berbères almoravides et la mise en place d’un pouvoir d’une nouvelle nature poussent les juristes à rappeler les règles du gouvernement et de l’encadrement de la société qui leur paraissent avoir été transgressées.

L’énumération des corps de métiers et de leurs devoirs apporte également de nombreuses informations originales. Ibn ‘Abdûn donne son avis, favorable ou défavorable, sur diverses activités ; il évoque les minorités religieuses, rendant compte ainsi de la pression sociale qu’exerce une société alors très largement islamisée sur les juifs et surtout les chrétiens. Le propos est tout aussi engagé sur les jeunes générations, les enseignants, très critiqués, ou les paysans, présentés comme les ennemis de l’aristocratie urbaine : là encore percent les mutations d’une société où se confrontent groupes aristocratiques, dans le cadre de la ‘asâbiyya, et groupes villageois cherchant à conserver leur cohésion et leurs biens : les rapports ville-campagne, les tensions sociales sont mis en relief par cet auteur engagé.

C’est l’intérêt même de l’ouvrage, souligné par É. Lévi-Provençal. Déjà largement exploité par les historiens d’al-Andalus, en particulier dans le magistral El Señor del zoco en España de Pedro Chalmeta (1973), ce document exceptionnel demeure un outil indispensable pour toute étude sur la société d’al-Andalus. Il a été rejoint, depuis, par une abondante littérature juridique, en particulier celle des recueils de fatwas dont H.R. Idris a, le premier, montré toute l’utilité pour la connaissance de la société musulmane sous juridiction malikite ; les traités juridiques contiennent l’essentiel des informations sur le fonctionnement de la société musulmane, en l’absence presque totale d’archives ; toutefois, ces sentences demeurent largement théoriques et ouvrent rarement sur le domaine de la pratique. Le regard d’Ibn ‘Abdûn, certes engagé et, de ce fait, très partial, se distingue des autres recueils juridiques par ses prises de position. Par les domaines abordés, qui dépassent largement les bornes d’un traité classique de hisba, la réédition de La Séville musulmane au début du XIIe siècle représentera une redécouverte pour certains lecteurs, un outil de travail très précieux pour d’autres, attentifs à l’histoire de la société d’al-Andalus.

 

Christophe PICARD, avril 2001.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 28 avril 2008 19:53
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



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