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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Le far-west chinois. Au Yunnan et dans le massif du Kin-Ho (1905).
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du texte du Dr Aimé-François Legendre, Le far-west chinois. Au Yunnan et dans le massif du Kin-Ho. Récit de voyage. Étude géographique, sociale et économique. Première édition: Paris, Librairie Plon, 1905, 344 pages + carte. Réimpression: Éditions Kailash, Pondichéry. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

PRÉFACE

Ce livre comprend trois parties. La 1ère relate notre voyage au Yunnan ; la 2ème l’exploration du Bassin du Yalong, du Kin-Ho, ou Fleuve d’or, entre le 28e et le 30e parallèle ; la 3ème décrit une autre région de ce Bassin et se termine par le récit du dernier épisode de la Mission : l’attaque à Houang-Choui-Tang par les révolutionnaires chinois.

Ce livre est conçu dans le même esprit que les précédents. Ce récit de voyage n’est qu’un prétexte pour initier le lecteur à l’existence de races peu connues, aux mœurs, coutumes et caractéristiques morales du grand peuple chinois, et aussi des aborigènes qui gravitent autour de lui. L’intérêt de cette connaissance s’accuse de plus en plus, surtout que la dernière convulsion du vieil Empire, l’éclosion de la Révolution avec toutes ses conséquences possibles, a posé à nouveau pour beaucoup le problème du péril jaune. L’hypothèse du débordement prochain des jaunes vers l’Asie occidentale et l’Europe même a été discutée et va être discutée avec plus de fougue que jamais par ceux surtout qui ne connaissent rien des choses de Chine et raisonnent sur des bases empruntées, naturellement, au milieu où ils vivent. Ils vont, à grand renfort de déductions et d’affirmations, vouloir nous démontrer qu’en moins d’une décade d’années la Chine républicaine sera transformée, aura changé d’âme, parce que dotée d’une nouvelle étiquette gouvernementale, parce que enrichie de nouvelles formules, de panacées politico-sociales prises aux pays d’Europe. Ils vont vouloir nous prouver que ces formules, ces panacées, en contradiction flagrante avec les concepts ancestraux les plus caractérisés du Fils de Han et l’État social qui en dérive, vont quand même, brusquement, faire table rase d’imprégnations millénaires. En un mot, ce sera l’enfantement rapide d’un organisme nouveau, nouveau psychiquement et socialement. On assisterait une fois de plus à un miracle. Nous les aimons tant, même en ce siècle de scepticisme. De même que le publiciste Putnam Weale a vu, dans le changement d’étiquette accompli, le "fait merveilleux" des temps modernes, de la matière pour un nouveau conte des Mille et une Nuits, de même, en France, nous avons applaudi à la naissance de la République nouvelle ; nous avons cru sans hésiter, à un avatar aussi rapide et aussi singulier, nous avons cru à une réalité. Beaucoup, et non des moindres, ont admis qu’on changeait d’âme comme de chemise et que la suppression du port de la queue, avec une défroque nouvelle, allaient, d’un Mathusalem chinois, faire un jeune syndicaliste. et s’ils s’inscrivent en faux contre pareille assertion, c’est bien à tort, car cette réflexion m’a été suggérée par leurs propres actes.

Oui, il paraît qu’étant "républicain", il va devenir extrêmement dangereux ce vieux peuple pacifique, ce peuple de paysans et de marchands qui hait la guerre, auquel toute forme de gouvernement est profondément indifférente, du moment qu’un peu de paix lui est assurée. Cette immense population, sans aspirations politiques, sans idéalisme, soucieuse, seulement, des réalités, dont le patriotisme, en la véritable acceptation du mot, est aussi amorphe qu’il est ardent au Japon, ne demande qu’à vivre, non à se lancer dans les aventures. Et c’est une erreur de penser que nos idées, nos principes politico-sociaux ont une action tonique, vivifiante sur l’âme chinoise. L’expérience, encore plus que chez les Jeunes-Turcs, prouve tout le contraire : nos idées, sur cette masse traditionaliste, très différente de nous, ont surtout des effets de désagrégation, de destruction. Et si jamais les éléments disparates qui constituent la Chine reconnaissent nettement l’opposition de leur aspirations et de leurs intérêts, comme les populations de Mandchourie et du Koantang, par exemple ; si jamais le vieil Empire se disloque, se morcelle, il le devra, en grande partie, à la pénétration des idées dites "occidentales". Les derniers événements le prouvent surabondamment.

Sur le modèle de l’Europe, un Parlement a établi, mais qu’est-il sinon une ombre, une apparence, sans programme comme sans autorité ? Il ne représente, en rien, le pays, la volonté nationale, si tant est qu’il en existe une bien définie. Croire le contraire, c’est ignorer la situation politique et sociale de la Chine. Assemblée sans mandat, sans autorité, de quelle valeur peut être son veto sur l’émission du dernier emprunt ? Pareilles improvisations de régime ne peuvent aller qu’au néant. Elles ont cependant un résultat, néfaste au dernier chef : celui d’accroître, d’entretenir le désordre et l’anarchie. Heureusement, à l’heure actuelle, l’Europe apporte à la Chine son puissant concours, l’aide à retrouver quelque peu son équilibre.

"Le péril jaune !" combien il se perd dans la nuit de l’avenir ! J’exposais tout à l’heure le programme de la Mission, l’exploration du Bassin du Yalong. Pour donner une idée de cette merveilleuse région, où paissent les yacks massifs et velus, où aboient les molosses près des tentes brunes, je me contenterai de citer quelques lignes du texte qu’on trouvera dans la deuxième partie :

La végétation, c’est le grand charme de ce massif ; elle est d’une gaieté, d’une exubérance, mais en même temps d’une majesté sur les cimes qui vous causent une joie, un frisson d’admiration. Il y a tant de vie, tant de beauté, de puissance cachée, que vous restez figé sur la sente, pétrifié en une ardente contemplation. Les grands arbres, les essences diverses s’étagent, suivant l’altitude, leur résistance au froid, forment de gigantesques gradins de verdure différemment nuancés. Il y a dans le bas, vers 3 000 mètres, le vert tendre des chênes, des frênes, des bouleaux, puis, plus haut, le vert sombre des mélèzes, des sapins, des tougas ; plus haut encore, le vert lustré miroitant des rhododendrons. Quelle douceur et quelle splendeur ! C’est dans les marches Thibétaines que la nature m’a révélé toutes ses splendeurs toute sa glorieuse puissance, en même temps que son charme infini. Je ne l’avais jamais vue si douce, si sévère à la fois, si captivante et si imposante : elle vous prend tout entier dans la plus troublante des révélations.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 3 novembre 2007 7:58
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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