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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Le far-west chinois. Deux années au Setchouen (1905).
Préface, 6 novembre 1905


Une édition électronique réalisée à partir du texte du Dr Aimé-François Legendre, Le far-west chinois. Deux années au Setchouen. Récit de voyage. Étude géographique, sociale et économique. Première édition: Paris, Librairie Plon, 1905, 430 pages + carte. Réimpression: Editions Kailash, Pondichéry. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

PRÉFACE

 

Dr. A.- F. Legendre.
Paris, 6 novembre 1905.

 

Envoyé en mission médicale au Setchouen (Chine occidentale), en 1902, par le ministère des affaires étrangères, notre pays put obtenir du vice-roi Tsen, sous le consulat de M. Bons d’Anty, la création d’une école de médecine où s’instruisent, à l’heure actuelle, de nombreux lettrés chinois.

Je fus accompagné par ma femme pendant tout ce long voyage de la côte à Tchen-Tou, capitale de la province (située à 3 200 kilomètres de Shanghaï), et elle séjourna, deux années durant, dans cette ville, jouant un rôle utile par les relations qu’elle sut se créer dans les familles de mandarins.

Je trouvai aussi, dans le sergent-infirmier Castel, un auxiliaire qui me rendit les plus précieux services en se soumettant à la même obligation que moi, c’est-à-dire en apprenant la langue du pays.

Ce long séjour au fond de la Chine, en contact journalier avec toutes les classes de la société, depuis le coolie, l’artisan jusqu’au haut mandarin, m’a permis d’observer tout à mon aise et d’autant mieux que les étudiants de dix-huit à vingt-cinq ans que j’avais à instruire ne pouvaient manquer de laisser voir clairement, comme toute jeunesse, les qualités et défauts de leur race.

Les impressions que je communiquerai dans le cours de cet ouvrage ne seront donc point celles d’un "passant", d’un voyageur dans l’obligation de se hâter de voir, de se hâter de conclure. Cependant, je dois avouer que le Chinois est un être qui se révèle très lentement, et que de nombreuses années d’étude sont peut-être nécessaires pour le dépouiller de toute "façade", le mettre bien à nu. Cette restriction n’a, toutefois, rien d’absolu, tout dépendant des conditions où l’on se trouve placé et des moyens d’observation dont on dispose.

Il n’en faut pas moins, réellement "découvrir" le Chinois ; et l’on n’arrive à déceler sa mentalité que dans un contact permanent avec lui, s’exprimant dans sa langue propre. Et il ne suffit pas de chercher à le surprendre dans tous les actes de son existence, il est de plus nécessaire de le soumettre à une sorte d’étude expérimentale, chaque fois que l’occasion s’en présente.

Quand je l’ai eu sérieusement observé, avec toute la rigueur que comporte l’entraînement à l’examen médical habituel, tout scientifique ; quand je l’ai eu pénétré, vu sous son vrai jour, j’ai dû confesser que, malgré tous ses défauts, il était un "calomnié" que notre race, ne le comprenant pas, le considérait avec trop de dédain, lui infligeant à lui, le vieux civilisé, de mortelles blessures d’amour-propre. Le fils de Han, traité brutalement, comme un primitif de race noire, quelle erreur ! De quelles rancunes n’a-t-elle pas été génératrice !

Le connaissant mieux, prenant confiance en lui, vos préventions à son égard s’en vont peu à peu ; et lui, en ayant vite conscience, vous témoigne aussitôt toute sa satisfaction d’être compris, apprécié à sa juste valeur. Il se montre alors d’une civilité, d’une urbanité exquises, je dirai même affectueuses, assertion qui ferait rire un Européen de Shanghaï. Dans ces conditions nouvelles d’estime réciproque, le Chinois n’hésite plus à collaborer sincèrement avec vous, aussi longtemps que vous le désirez et vous constaterez même qu’il est capable d’amitié et de reconnaissance autant que n’importe quelle autre race.

Dans l’étude qui suit, je ne l’ai point ménagé, cependant, étalant au grand jour tous ses défauts qui ne lui sont point d’ailleurs toujours particuliers, le peignant d’après "nature", dans le vif des situations, m’efforçant, par de multiples constats, de rectifier certaines erreurs vers lesquelles nous tendons fatalement par notre mentalité si différente de la sienne, sous de nombreux chefs. J’ai voulu surtout expliquer aussi clairement que possible le pourquoi de ses grandes fautes, celles qui troublèrent son évolution historique, déterminèrent son immobilisme, firent qu’il n’ait jamais pu dans la suite des siècles, atteindre certain niveau où de nouvelles voies s’ouvraient, niveau franchi par la race blanche.

En résumé, j’ai tout tenté pour me rapprocher de la vérité, montrer le Chinois tel qu’il est dans la vie, non fardé, non "adapté" à une "contrefaçon" assez courante qu’inconsciemment on a créée de toutes pièces, sans avoir jamais mis les pieds sur son territoire, qu’on fait rentrer, quand même, dans le monde de ses concepts le jour où l’on prend réellement contact avec lui, où l’étude in anima vili devient possible. Certains, en effet, ont "figuré" l’âme chinoise d’après un schéma, pris dans un auteur, et voulu immuable parce que s’adaptant à leurs idées, à leurs tendances, schéma ensuite habillé à leur fantaisie, truqué à plaisir. Aussi le Chinois que j’ai décrit est bien différent de celui d’Eugène Simon, par exemple : c’est que le médecin, par habitude invétérée, se méfie, au plus haut degré, des "façades", des apparences, qu’il sonde cœur et reins, toujours impitoyablement. Et son diagnostic établi après une critique sévère de toutes les causes capables de l’induire en erreur, il observe, examine à nouveau, des périodes durant, et n’accepte définitivement ses premières conclusions qu’à long terme, devant la brutalité des faits. Avant tout, il se met en garde contre la "folle du logis", qui tant de fois bâtit sur le vide ou sur une base empruntée n’importe où, sans autre garantie de solidité que celle qu’on veut lui reconnaître. Quelle rayonnante façade a la Chine ! Et combien d’yeux n’a-t-elle pas éblouis, aveuglés !

Ce livre se divise en quatre parties : n’ayant pas voulu être purement didactique, il se présente sous la forme de notes de voyage, visant ainsi à satisfaire le grand public, à l’initier à la connaissance de certaines régions des plus intéressantes et des moins connues, où la race blanche déploiera bientôt toute une activité nécessaire.

La première partie traite de la montée du Yang-Tsé et du voyage de Tchong-King à Tchentou, à travers une contrée merveilleuse de splendeur et de beauté depuis Itchang, d’irrésistible attraction, dont le souvenir reste toujours présent à la mémoire de ceux qui ont pu la contempler.

La deuxième partie est consacrée au Setchouen occidental, à la région alpestre, à la montagne sainte d’Omi, le Sinaï des bouddhistes ; elle explique ce qu’est le sol, les habitants, décrit les mœurs des races aborigènes, si intéressantes, que le Chinois conquérant a expulsées des riches plaines de la province.

La troisième partie traite de la civilisation chinoise, de la famille, des classes sociales, de leur culture générale, des arts et de l’industrie, de l’agriculture, etc. Dans le dernier chapitre, intitulé "l’âme chinoise", j’expose les caractéristiques du fils de Han, les expliquant, montrant comment elles l’ont conduit à cet engourdissement léthargique où depuis tant de siècles il est plongé, expiant une grave erreur sociale.

La quatrième partie décrit les races du Setchouen, si éloignées du vrai Chinois ; décrit les productions du sol et du sous-sol, du sol si fécond, du sous-sol si riche, laissant voir à la fin toutes les réalisations possibles dans l’ordre commercial et industriel. Cette province, plus vaste que la France, plus riche qu’elle, si judicieusement exploitée, constitue pour notre race un merveilleux champ d’action. Et n’allez point croire, comme certains l’ont affirmé, qu’elle est surpeuplée, et à un tel point que l’homme entre en compétition avec la bête de somme [1], lui dispute le droit de transporter des marchandises : pareille assertion dénote la plus complète incompréhension de l’organisation économique de la Chine ; on en trouvera la preuve si l’on veut bien se reporter à la question de la "transformation économique du Setchouen". Ailleurs, on verra aussi ce qu’il faut penser de la densité de la population si exagérée.

Dr. A.- F. Legendre.

Paris, 6 novembre 1905. 



[1] Cette situation "erronée" a été signalée à un de nos hommes politiques les plus éminents, lequel me demandait mon avis à ce sujet. Cet avis je l’expose tout de suite. 



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 12 octobre 2007 15:22
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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