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Collection « Les auteur(e)s classiques »

L'Homme et les sociétés. Leurs origines et leur histoire.
Première partie: L'homme. Développement physique et intellectuel. (1881)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Gustave Le Bon, Gustave Le Bon, L'Homme et les sociétés. Leurs origines et leur histoire. Première partie: L'homme. Développement physique et intellectuel. (1881). Ouvrage orné de 90 gravures. Réimpression de l'Édition J. Rothschild de 1881. Paris: réimpression, Éditions Jean-Michel Place, 1987, 520 pages. Collection: Les Cahiers du GrandHiva, no 5. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec.

Avant-propos

par Pierre  Duverger
Secrétaire général
de l'Association des Amis de Gustave Le Bon

Gustave Le Bon est né à Nogent-le-Rotrou le 7 mai 1841. Il est mort à Marnes-la-Coquette le 15 décembre 1931. 

S'il fallait résumer l’œuvre de ce penseur en quelques mots, on pourrait lui emprunter ceux-ci : « La vérité étant ce que l'on croit, toute croyance établie constitue une vérité », ou encore ces autres : « Nous prenons les suggestions de notre imagination pour des évidences de notre raison. » Mots que l'on pourrait sans peine rapprocher de cette superbe intuition de Marcel Proust : « Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n'ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas ; ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans les affaiblir. » 

Comprendre la force de cohésion et d'intégration sociales de la croyance et de l'opinion que des conceptions historicistes actuelles tentent de réhabiliter et de hausser au niveau d'un principe de sociabilité, tel a été l'objectif de cet esprit curieux, universel, indépendant, tour à tour génial (comme surent le reconnaître Freud et Einstein) et naïf, conservateur et anticonformiste, capable aussi bien de stigmatiser les préjugés que d'en exprimer sous la forme la plus péremptoire. 

Tout au long de sa vie, Gustave Le Bon s'est appliqué à démonter les croyances et les opinions pour en analyser les origines et surtout les conséquences, mais sans toujours parvenir à se défaire de celles qui le guidaient et qui apparaissent aujourd'hui comme des marques parfois excessives de son époque et de sa personnalité. Médecin de formation, il s'est employé à établir un diagnostic de la sociabilité, mettant en évidence l'un de ses principaux symptômes : l'irrationnel. Dès l'ouverture de L'Homme et les sociétés, le ton en même temps que le programme que suivra Le Bon dans les années à venir sont donnés 

« C'est seulement dans les livres qu'on voit le rationnel guider l'histoire ». Prendre l'histoire à contre-pied en montrant qu'elle n'est pas l'avènement nécessaire de la raison ni l'expression d'un progrès dans les formes de sociabilité, n'aura pas été le moindre mérite de ce marginal qui entrouvrit, de ce fait, les portes de l'anthropologie sociale et culturelle ainsi que celle de la psychologie sociale, même si une recherche obstinée des caractéristiques de l'identité ethnique devait le conduire dans le même mouvement à les verrouiller en développant une sorte de « racisme culturel », un polylogisme qui, de ce fait, se substituait au polygénisme de certains anthropologues. C'est ainsi que la notion de race utilisée par le Bon mais prise dans une acception historique, non point biologique, lui sert à caractériser la psychologie d'un peuple. Dans Les Lois psychologiques de l'évolution des peuples (1894), il démontre qu'une race possède des caractères psychologiques presque aussi fixes que ses caractères physiques et que, comme l'espèce anatomique, l'espèce psychologique ne se transforme qu'après d'énormes accumulations d'âges. Les caractères moraux et intellectuels, dont l'association forme l'âme d'un peuple, représentent la synthèse de tout son passé, l'héritage de tous ses ancêtres, les mobiles de sa conduite. Il est impossible de comprendre quoi que ce soit à l'histoire, écrit-il, si l'on n'a pas toujours présent à l'esprit que les races différentes ne sauraient ni sentir, ni penser, ni agir de la même façon, ni par conséquent se comprendre. Sans doute les peuples divers ont-ils dans leur langue des mots communs qu'ils croient synonymes, mais ces mots éveillent des sensations, des idées, des modes de penser tout à fait dissemblables chez ceux qui les entendent. 

Dès l'avènement de la Troisième République, Le Bon entreprend une série de voyages. Il parcourt l'Europe, l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient (décrits dans cet ouvrage désormais classique : La Civilisation des Arabes, 1884), les Indes, rapportant des notes et des documents qui formeront la matière de ses principaux livres, mais également un ensemble d'observations sur un phénomène social et politique qu'il sera sans doute l'un des premiers à penser systématiquement : le colonialisme dont les formes nationales de sujétion (anglaise et française) le conduiront à s'interroger autant sur les expressions variables du fait de " civilisation " et de son imposition que sur les perturbations psychologiques provoquées par le contact forcé des colonisés avec une civilisation différente de la leur. 

Parti de Moscou en 1879 (à ses frais), le voici aux Monts-Tatras au sud de la Pologne, à Zakopane où les vieux du pays affirment n'avoir jamais vu de Français. Dès son retour en France en 1886, il sollicite et obtient une bourse du Ministère de l'Instruction publique pour effectuer un voyage d'exploration archéologique au Népal et aux Indes. Pendant six mois, c'est à cheval qu'il parcourt ces pays ; expérience qui lui fera écrire un des classiques de la littérature équestre qui aujourd'hui encore est la bible de l'École nationale d'équitation de Saumur : L'Équitation actuelle et ses principes également réédité aux Éditions Jean-Michel Place. Il rapportera des centaines de photographies qui serviront à illustrer ses deux ouvrages : Les Monuments de 1'Inde et Les Civilisations de 1'Inde (1893). Au retour de ses voyages, Le Bon commence à rédiger la longue série de ses livres sur la psychologie et les différences psychologiques existant entre les peuples. De 1894 jusqu'à sa mort en 1931, ce sont vingt livres qui seront publiés. En 1902, il fonde chez Flammarion la célèbre collection Bibliothèque de philosophie scientifique. 

L’œuvre de Le Bon est donc considérable. Très tôt, il s'attache à rechercher la formation puis l'évolution des groupements sociaux. Dans l'un de ses premiers ouvrages, L'Homme et les sociétés, publié en 1881 et aujourd'hui réédité, il se propose de les étudier scientifiquement depuis leurs origines les plus lointaines jusqu'à nos jours. À partir d'une érudition considérable, convoquant toutes les disciplines qui s'occupent de l'homme et de son histoire qu'elle soit naturelle ou sociale, il cherche à retracer la naissance de l'industrie et des arts, à étudier l'émergence de l'idée du bien et du mal, à établir les lois de formation des institutions et des lois, à déceler les causes de leur transformation. Savoir en somme comment chaque époque et chaque peuple eurent leur façon spéciale de penser, leurs croyances, leur morale et leur droit. C'était une histoire de la civilisation ou plutôt des civilisations que Le Bon avait en vue. Comme le signale Catherine Rouvier ( in Association des Amis de Gustave Le Bon, Le Docteur Gustave Le Bon aujourd'hui, Paris, fondation Singer-Polignac, 1988, p. 43), L'Homme et les sociétés constitue un tournant dans la pensée et l’œuvre de Le Bon : s'y opère en effet un glissement de l'anthropologie physique, dont l'univers des principes et des catégories était dominant en cette fin du XIXe siècle, à l'anthropologie sociale et culturelle que Le Bon appellera d'abord science de l'homme puis science sociale. « Les prédictions tirées de la statistique ne nous fournissent pas d'indications sur les causes des phénomènes sociaux (...) mais du retour régulier des phénomènes, nous pouvons tirer seulement la conclusion qu'ils sont régis par des lois constantes. C'est à la recherche de ces lois que la science sociale doit être consacrée ». Aux disciplines convoquées pour fonder la science sociale (sciences naturelles, physique, anthropologie, ethnologie, etc.), s'ajoute la psychologie humaine et comparée dont on a vu qu'elle devait permettre de pénétrer dans le « cœur » d'un peuple. 

Gustave Le Bon est resté célèbre pour un seul ouvrage : La Psychologie des foules (1895) que Gabriel Tarde jugea sévèrement mais en quoi Freud reconnut un apport dans la compréhension des mécanismes inconscients et auquel les psychosociologues accordent désormais une certaine importance dans la mise en évidence d'éléments de psychologie de groupe concernant les modes d'intégration de l'individu. Dans cet ouvrage, Le Bon établit que, lorsque sous des influences diverses, un certain nombre d'hommes se trouvent momentanément rassemblés, l'observation démontre qu'à leurs caractères ancestraux s'ajoute une série de caractères nouveaux fort différents parfois de ceux de la race, et que leur ensemble constitue une âme collective mais momentanée, en tous lieux et en tous temps identique. C'était là dépasser le racisme culturel auquel, en dépit de certains jugements de valeur qui émaillent ici ou là son oeuvre, la pensée de Le Bon ne saurait être réduite. 

Je voudrais ajouter un mot sur le Le Bon le plus inconnu, ou plutôt le plus oublié. Parallèlement à ses études sur la psychologie comparée, de 1896 à 1905 il entreprend des études de physique sur l'équivalence de la matière et de l'énergie. Au bout de ces dix années d'études, on trouve des doctrines - aujourd'hui devenues classiques - sur la transformation de la matière en énergie par dissociation atomique. « Les atomes, écrit-il en 1905 dans L'Évolution de la matière, nous apparaissent comme un réservoir d'énergie colossal, bien supérieur aux plus puissants explosifs connus, dont l'utilisation, si elle arrivait à être réalisée pratiquement, bouleverserait totalement l'industrie moderne et marquerait le début d'une ère nouvelle de civilisation. » Paul Painlevé, Daniel Berthelot, Edouard Branly, Chwolson de Heen, Albert Einstein reconnurent l'importance des travaux de Gustave Le Bon et leur antériorité. Gaston Moch écrivait en 1923 : « Le Bon n'est pas seulement le premier à avoir compris ce qu'est l'énergie atomique, il l'a évaluée... Il opérait, non en technicien, mais en expérimentateur. » 

PIERRE DUVERGER
Secrétaire général
de l'Association des Amis de Gustave Le Bon


Retour au texte de l'auteur: Gustave Le Bon Dernière mise à jour de cette page le Mercredi 10 août 2005 15:21
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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