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Collection « Les auteur(e)s classiques »

LA PENSÉE, Revue du rationalisme moderne — arts - sciences - philosophie.
Nouvelle série,
no 1, octobre-décembre 1944.
Éditorial


Une édition électronique réalisée à partir du texte de la revue LA PENSÉE, Revue du rationalisme moderne — arts - sciences - philosophie. Nouvelle série, no 1, octobre-décembre 1944. Paris: 1944, 128 pp. Une édition numérique réalisée par Claude Ovtcharenko, bénévole, journaliste à la retraite, France.

LA PENSÉE,
Nouvelle série, no 1, oct.-déc. 1944

Éditorial
_______



Voici de nouveau la Pensée : elle prétend aujourd’hui combattre au premier rang des grandes revues de la France renaissante, comme elle avait combattu au premier rang des trop rares publications de la France qui ne voulait pas mourir. Fondée en 1939 où la trahison et l’inconscience s’unissaient pour frayer le chemin à la domination étrangère, notre Revue s’était levée pour affirmer au monde qui doutait de nous la vitalité de l’intelligence française. Très simplement, par la seule valeur de leurs articles signés des plus grands noms de chez nous, par leur rationalisme lucide et fervent, les trois cahiers qui purent paraître avant la débâcle attestaient déjà que ni les ruses des propagandes, ni les violences toutes proches ne pourraient rien dire contre un peuple possédant la force indomptable de l’esprit. L’oppression pouvait venir, et l’étouffement : le ferment de la Vérité serait gardé intact, c’est lui bientôt qui ferait lever la Résistance et surgir de partout les Français délivrés…

L’oppression s’abattit sur nous en effet, réclamée, applaudie par tous les obscurantistes : les collaborateurs de la Pensée ne cédèrent pas ; ils firent paraître clandestinement la Pensée libre. Les meilleurs d’entre eux sont morts pour que nous vivions : Decourdemanche, Georges Politzer, Jacques Solomon. D’autres furent arrêtés, torturés, déportés. Mais ils avaient rallumé une flamme qui ne devait pas s’éteindre. Partout, à leur appel, chercheurs, écrivains, artistes, professeurs instituteurs sortent de leur isolement et se mettent à combattre avec leur peuple pour la même liberté nationale et humaine. Tandis que là-bas, à l’Est, une immense armée fraternelle commence à faire reculer le monstre, il est attaqué ici par mille brûlures invisibles : les tracts, les journaux se multiplient ; en même temps que la Pensée libre, les Editions de minuit clament à l’étranger que les Lettres françaises ne sont pas mortes ; les maquis se forment, les laboratoires trouvent les formules d’explosifs, les attentats harcèlent l’ennemi, les poèmes chantent la douleur et la révolte, la raison soufflette l’imposture ; bientôt, selon les promesses de cette raison qui n’a pas failli, l’insurrection nationale éclate, Paris se bat, la France redevient la France.

Nos lecteurs verront plus loin quel prix de sang notre Revue a dû payer pour cette reconquête, ils savent quelles pertes irréparables ont subies nos sciences, nos lettres, la pensée française. Nous ne plaindrons pas cependant les Disparus, car si c’était à refaire, ils referaient e chemin : mais nous affirmons ici notre volonté de travailler de toutes nos forces, comme eux, à cette renaissance française pour laquelle ils sont morts, en suivant naturellement pour ce faire la méthode qu’ils ont suivie et qui leur a donné la force avec la lucidité, cette grande tradition rationaliste française qui, depuis Rabelais et Montaigne jusqu’à Langevin, n’a cessé, malgré toutes les attaques, de mener le progrès de notre civilisation.

Dans un récent article qui voudrait faire de Voltaire « le plus inactuel des écrivains français », André Rousseaux affirme que « le rationalisme de nous suffit plus absolument ». « Nous vivons et nous mourons, dit-il, [nous mourons surtout] dans un tumulte mystique. » Tout en respectant chaque opinion sincère et logique avec elle-même, nous espérons au contraire montrer ici que le rationalisme nous suffit et nous est indispensable, non plus sans doute celui du xviiie siècle, mais le rationalisme moderne qui en est issu et qui s’approfondit tous les jours ; car « le rationalisme est inséparable du mouvement du contenu de la connaissance », comme disait Politzer ici même, « il n’est en fait que la volonté de la science et de l’action fondée sur la science » dans tous les domaines. C’est en cette méthode de savant que nous avons confiance pour résoudre vraiment les problèmes qui nous pressent, philosophiques, scientifiques, politiques ou sociaux. Nous ne voulons pas vivre et mourir dans ce « tumulte de mystique » dont André Rousseau ne semble pas voir encore, après ces quatre années terribles, l’origine étrangère et les perfides dangers, La Raison, l’Expérience et le Courage, telles seront aujourd’hui comme hier nos armes essentielles, les armes de la Vérité.

Et nous ne pensons pas que personne puisse nous accuser d’outrecuidance si nous affirmons en outre que le monde attend précisément de notre pays un message de cette nature. Plus que jamais, en cette période où nous n’avons pas repris encore toutes nos forces physiques, — et notre peuple ne relâchera pas son effort avant de les avoir retrouvées tout entières, — la France se doit, en continuant de donner aux peuples les secrets toujours nouveaux de bon sens et de liberté par lesquels elle a conquis sa place dans l’histoire.

Déjà l’action épique de nos F.F.I. et de tous nos soldats, la libération de la France par elle-même, l’action clandestine de nos écrivains nous on rendu notre audience de jadis. La Pensée s’emploiera à la garder et à l’étendre, non plus seulement comme avant guerre sur le plan proprement philosophique et scientifique, mais aussi sur le plan des lettres et des arts. Notre ambition est grande sans doute, mais elle nous est imposée à la fois par nos certitudes et notre patriotisme : nous voulons que la France reste une Minerve du monde.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 10 février 2015 9:22
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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