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Collection « Les auteur(e)s classiques »

HISTOIRE CRITIQUE DE JÉSUS-CHRIST Ou Analyse raisonnée des Évangiles (1770)
Discours préliminaire


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Paul Henri Thiry, baron d'Holbach (1723-1789), HISTOIRE CRITIQUE DE JÉSUS-CHRIST Ou Analyse raisonnée des Évangiles, à partir d’un facsimilé de la Bibliothèque nationale de France. Reprod. d'une éd. s.l.n.d., [Amsterdam, 1770], VIII-XXXII-398 p. Une édition numérique réalisée par un bénévole, professeur d'université à la retraite, qui demande à conserver l'anonymat.

Discours préliminaire

Vous les établirez
pour commander à toute la Terre.

Psaume 44, v. 17.

Toute peine vaut salaire. Les lois de l’équité demandent que dans une nation les citoyens soient récompensés ou punis à proportion des avantages qu’ils procurent ou des maux qu’ils font à leurs concitoyens. L’intérêt général exige que les hommes les plus utiles soient les plus considérés, que ceux qui sont inutiles soient honnis et méprisés, que ceux qui sont dangereux soient détestés et châtiés. C’est sur ces principes évidents que nous devons régler nos jugements. Les rangs, les prérogatives, les honneurs, les richesses sont des récompenses que la société, ou ceux qui la représentent, décernent aux personnes qui lui rendent les plus importants services, ou dont elle a le plus besoin : si la société se trompait là-dessus, si elle accumulait les marques de sa reconnaissance sur des personnes indignes, inutiles ou dangereuses, elle se nuirait à elle-même, et sa conduite extravagante viendrait infailliblement de quelque opinion fausse ou de quelque préjugé.

Ces principes sont de nature à n’être contestés par personne. Ils sont suivis dans toutes les nations qui, par les avantages qu’elles accordent, semblent reconnaître toujours les avantages qu’elles reçoivent elles-mêmes, ou du moins qu’elles attendent. Elles rendent leurs hommages aux Souverains, elles leur confient un pouvoir plus ou moins étendu, elles leur accordent des revenus et des subsides, parce qu’elles les regardent comme les sources du bonheur national, parce qu’elles veulent les dédommager des soins pénibles du gouvernement. Elles honorent les nobles et les grands parce quelles les regardent comme les défenseurs de l’État, comme des citoyens plus éclairés que les autres et capables de les guider en aidant le Souverain dans les travaux de l’administration. Enfin, ces nations montrent la vénération la plus profonde aux Prêtres parce qu’elles les regardent, avec raison, comme un ordre d’hommes choisis par la Divinité même pour guider les autres dans la voie du salut, qui doit être l’objet des plus ardents désirs des peuples, lorsqu’ils sont assez sages pour sentir la préférence que méritent les biens éternels et durables sur les biens temporels et périssables de ce monde, qui n’est qu’un passage pour arriver à une vie beaucoup meilleure.

La Religion est un des plus grands mobiles des hommes. Les fausses Religions, qui sont l’ouvrage de l’imposture, partagent avec la vraie, qui est l’ouvrage de la Divinité, le droit de faire des impressions vives et profondes sur l’esprit des nations. Pénétrés de respect pour une Divinité toujours incompréhensible, agités de craintes et d’espérances, en un mot religieux, tous les peuples de la terre ont regardé les Prêtres comme les plus utiles des hommes, comme ceux dont les lumières et les secours leur étaient les plus nécessaires ; en conséquence, dans tout pays le Clergé constitua toujours le premier ordre de l’État. Il fut en droit de commander à tous les autres, il jouit des plus grands honneurs, il fut comblé de richesses, il eut un pouvoir supérieur même à celui des Souverains, qui furent en tout temps obligés de fléchir le genou devant les Ministres des Puissances inconnues qui recevaient les adorations des peuples.

Presque en tout temps et partout, les Prêtres ont été les maîtres des Rois ; loin que le pouvoir Souverain s’étendit sur les Ministres du Ciel, il fut obligé de lui céder ; les Prêtres jouirent de la grandeur, de la considération et de l’impunité. Souvent ils justifièrent leur excès par les volontés des dieux, qui furent eux-mêmes à leurs ordres ; en un mot, le Ciel et la Terre furent forcés de leur obéir, et les Souverains ne trouvèrent d’autre moyen d’exercer l’autorité qui leur avait été confiée qu’en se soumettant eux-mêmes à l’autorité plus redoutable des Ministres des Dieux.

Les Prêtres des Religions fausses que nous voyons répandues sur la terre jouissent donc, ainsi que les Prêtres de la vraie Religion, du pouvoir le plus illimité. Tout est bien reçu par les peuples, quand il est merveilleux ou lorsqu’il vient de la Divinité ; ils n’examinent jamais rien d’après leurs Prêtres, qui sont partout accoutumés à commander à leur raison et à subjuguer leur entendement. Ne soyons donc point surpris si nous voyons partout le Sacerdoce jouir de privilèges immenses, de richesses inépuisables, d’une autorité toujours respectée, enfin du pouvoir même de mal faire sans en être puni. Nous le voyons en tout pays prescrire des rites, des usages, des cérémonies quelquefois bizarres, inhumaines, déraisonnables, nous le voyons tirer parti d’une foule d’inventions que sur sa parole l’on regarde toujours comme divines. Les Prêtres ont sacrifié des hommes presque en tout pays. Il fallait rendre les Dieux terribles pour que leurs Ministres fussent et plus respectés, et mieux récompensés. Ils ont introduit des usages religieux utiles à leurs plaisirs, à leur avarice et à leurs passions. Enfin, ils ont commis des crimes aux yeux des peuples qui, sous le charme où ils étaient, bien loin de les punir, leur ont su gré de leurs excès et se sont imaginé que le Ciel leur deviendrait plus propice à mesure que leurs Prêtres seraient plus criminels.

Chez les Phéniciens, Moloch demandait qu’on lui sacrifiât des enfants. On lui faisait des sacrifices semblables chez les Carthaginois. La déesse de la Tauride voulait qu’on lui immolât des étrangers, le Dieu des Mexicains exigeait des milliers de victimes humaines, les Druides chez les Celtes sacrifiaient les prisonniers de guerre. Le Dieu de Mahomet voulait qu’on entendît sa Religion par le fer et par le feu, et par conséquent exigeait qu’on lui sacrifiât des nations entières. Enfin, les Prêtres du Dieu vivant ont, comme de raison, plus fait périr d’hommes pour l’apaiser, que les Prêtres de toutes les nations ensemble n’en ont jamais immolé.

En effet, ce qui est abus et crime dans les fausses Religions devient légitime et saint dans la vraie Religion. Le dieu que nous adorons est, sans doute, plus grand et ne doit pas être moins redoutable que les faux Dieux des Païens ; ses Prêtres ne doivent être ni moins respectés ni moins récompensés que les leurs. En conséquence, nous voyons que les Ministres de Jéhovah, sans s’amuser à fouiller dans les entrailles de quelques victimes, soit d’hommes, soit d’animaux, ont tout d’un coup fait égorger des villes, des armées, des nations, en l’honneur de la vraie Divinité. Ce fut sans doute pour prouver sa supériorité et pour nous pénétrer du saint respect qui est dû à ses Ministres. Ainsi, loin de leur faire un crime de ces sacrifices nombreux qu’ils ont faits ou causés sur la Terre, ils doivent nous inspirer de hautes idées de notre Dieu. Loin de les blâmer de ces saintes persécutions, de ces saintes boucheries, de ces supplices inouïs qui paraissent des atrocités et des crimes à des yeux prévenus, nous devons redoubler de soumission pour ses Ministres qui nous apprennent sa grandeur et qui font de si grandes choses pour lui plaire. Il est vrai que l’humanité rebelle peut quelquefois se révolter contre des pratiques que la nature et la raison désapprouvent ; mais nous savons que la nature est corrompue et que la raison nous trompe. La foi seule nous suffit ; et avec de la foi, nos Prêtres n’ont jamais tort.

C’est donc par les yeux de la foi que nous devons considérer les actions de nos Prêtres, et alors nous trouverons toujours que leur conduite est juste et que celle qui paraît criminelle ou déraisonnable est souvent l’effet d’une sagesse profonde, d’une politique prudente, et doit être approuvée par la Divinité, qui ne juge point des choses comme les faibles mortels. En un mot, avec beaucoup de foi nous ne verrons jamais dans les actions du Clergé rien qui puisse nous scandaliser.

Cela posé, il nous sera facile de justifier nos Prêtres et nos Evêques des prétendus excès que leur reprochent des hommes profanes et superficiels, ou des impies qui manquent de foi. On les accuse souvent d’une ambition démesurée, on parle avec indignation des entreprises du Sacerdoce contre la puissance civile, on est révolté de l’orgueil de ces Pontifes qui s’arrogent le droit de commander aux Souverains eux-mêmes, de les déposer, de les priver de la Couronne. Mais au fond, est-il rien de plus légitime ? Les Princes, ainsi que leurs Sujets, ne sont-ils pas soumis à l’Église ? Les représentants des nations ne doivent-ils point céder aux représentants de la Divinité ? Est-il quelqu’un sur la terre qui puisse le disputer à ceux qui sont les dépositaires de la puissance du Très-Haut ?

Rien n’est donc mieux fondé aux yeux d’un Chrétien rempli de foi que les prétentions du Sacerdoce. Rien n’est plus criminel que de résister aux Ministres du Seigneur, rien n’est plus présomptueux que de vouloir se placer sur la même ligne qu’eux, rien de plus téméraire que de prétendre les juger ou soumettre des hommes tout divins à des lois humaines. Les Prêtres sont sous la juridiction de Dieu, et comme ce sont eux qui sont chargés de l’exercer, il s’ensuit que les Prêtres ne peuvent être soumis qu’aux Prêtres.

Les relations de quelques voyageurs nous apprennent que sur la Côte de Guinée, les Rois sont obligés de subir une cérémonie sacerdotale nécessaire à leur inauguration et sans laquelle les peuples ne reconnaîtraient pas leur autorité. Le Prince se met à terre tandis que le Pontife lui marche sur le ventre et lui met le pied sur la gorge en lui faisant jurer qu’il sera toujours obéissant au Clergé.

Si le Pontife d’un misérable Fétiche exerce un droit si honorable, à plus forte raison quel doit être le pouvoir du Souverain Pontife des Chrétiens, qui est le vicaire de Jésus-Christ en Terre, le représentant du Dieu de l’univers, le Vice-gérant du Roi des Rois.

Tout homme bien pénétré de la grandeur de son Dieu doit être pénétré de la grandeur de ses Prêtres. Autant vaudrait-il nier l’existence de ce Dieu que de refuser les hommages qui sont dus à ses Ministres. Celui qui désobéit aux Ministres chargés par un Monarque d’exercer son autorité est sans doute un rebelle qui résiste au Monarque lui-même. L’on voit donc que rien ne doit être plus grand sur la terre qu’un Prêtre, qu’un Moine, qu’un Capucin, et que les Princes des Prêtres sont les plus grands des mortels. Le Curé est toujours le premier homme de son village, et le Pape est sans contredit le premier homme du monde.

Le salut est la seule chose nécessaire ; nous ne sommes dans ce monde que pour l’opérer avec crainte et tremblement. Nous devons craindre Dieu et trembler devant ses Prêtres, ils sont les maîtres du Ciel, ils en possèdent les clefs, ils savent seuls le chemin qui y mène. D’où il suit évidemment que nous devons leur obéir préférablement à ces Rois de la terre dont le pouvoir ne s’étend que sur les corps, tandis que celui des Prêtres s’étend bien au-delà des bornes de cette vie. Que dis-je ! Si les Rois eux-mêmes ont, comme ils doivent, le désir de se sauver, il faut qu’ils se laissent aveuglément conduire par les guides et les Pilotes spirituels, qui seuls sont en état de procurer le bonheur éternel à ceux qui se montrent dociles à leurs leçons. Il suit de là que les Princes qui manquent de docilité à leurs Prêtres manquent indubitablement de foi et peuvent par leur exemple anéantir la foi dans l’esprit de leurs sujets. Mais comme sans foi il est impossible de se sauver, et comme la plus importante des choses est de se sauver, on doit en conclure que c’est au Clergé à voir ce qu’il faut faire des Princes qui sont indociles ou sans foi. Souvent il trouve qu’oportet unum mori pro populo, doctrine très déplaisante pour les Rois, très nuisible à la Société, mais dont les Jésuites assurent que l’Église doit très bien se trouver et que le Très Saint-Père n’a jamais eu le courage de condamner.

On voit donc que les Princes sont, en conscience et par intérêt, obligés d’être toujours soumis au Clergé ; les Souverains n’ont de l’autorité dans ce monde que pour que l’Église prospère : l’État ne pourrait être heureux si les Prêtres n’étaient contents ; c’est, comme on sait, de ces Prêtres que dépend le bonheur éternel, qui doit bien plus intéresser les princes eux-mêmes que celui d’ici bas. Ainsi, leur autorité doit être subordonnée à celle des Prêtres, qui savent seuls ce qu’il faut faire pour arriver à la gloire. Le Souverain ne doit donc être que l’exécuteur des volontés du Clergé, qui n’est lui-même que l’organe des volontés divines. Cela posé, le Prince ne remplit son devoir et ne doit être obéi que quand il obéit à Dieu, c’est-à-dire à ses Prêtres ; dès que ceux-ci le jugent nécessaire au bien de la Religion, il est de son devoir de tourmenter, de persécuter, de bannir, de brûler ceux de ses sujets qui ne travaillent point à leur salut, qui sont hors du chemin qui y conduit, ou qui peuvent contribuer à égarer les autres.

En effet, tout est permis pour le salut des hommes. Rien de plus légitime que de faire périr le corps pour rendre l’âme heureuse, rien de plus avantageux à la politique Chrétienne que d’exterminer de vils mortels qui mettent obstacle aux saintes vues des Prêtres. Ainsi, loin de reprocher à ceux-ci les cruautés salutaires qu’ils ont souvent employées pour ramener les esprits, on aurait dû leur permettre de redoubler, s’il est possible, ou du moins de rendre plus durables les rigueurs qu’ils font éprouver aux mécréants ; cela leur rendrait sans doute plus aimable la Religion qu’on veut leur faire embrasser. Celui qui découvrirait un moyen de rendre les supplices des hérétiques plus longs et plus douloureux ferait sans doute un grand bien à leurs âmes et mériterait très bien de l’Église et de ses Ministres.

Ainsi, loin de blâmer la sévérité que les Ministres de la Religion exercent ou font exercer par le bras séculier, c’est-à-dire, par les Princes, les Magistrats et les Bourreaux sur ceux qu’ils ont dessein de ramener au giron de l’Église, un bon Chrétien devrait seconder leur zèle charitable et imaginer de nouveaux moyens, plus efficaces que les anciens, pour déraciner les erreurs et pour sauver les âmes.

Que l’on cesse donc de reprocher à l’Église ses persécutions, ses exils, ses prisons, ses lettres de cachet, ses tortures, ses bûchers. Plaignons-nous au contraire, en voyant que toutes ces saintes rigueurs, employées dans tous les siècles, n’ont point eu l’effet désiré. Tâchons de découvrir quelques moyens plus sûrs d’extirper les hérésies, et surtout ne recourons jamais à la douceur ni à une lâche Tolérance, qui, si elle est conforme à l’humanité, serait incompatible avec l’esprit de l’Église ou avec le zèle dont un Chrétien doit brûler, avec l’humeur d’un Dieu terrible, avec le caractère de ses Prêtres qui, pour obtenir nos respects et nos hommages, doivent être encore plus terribles et plus inexorables que lui.

C’est avec aussi peu de fondement que les impies reprochent aux Ministres du Seigneur ces querelles aussi intéressantes que sacrées, qui sont les causes les plus fréquentes des troubles, des divisions, des persécutions, des guerres de Religion, des révolutions que l’on voit arriver ici bas. Ces aveugles ne voient-ils pas qu’il est de l’essence d’une église militante de combattre toujours ? S’ils avaient de la foi, ils verraient sans doute que la Providence, pleine de bonté pour ses créatures, veut les sauver ; que les souffrances et les malheurs sont les vraies routes du salut ; que le bonheur et la tranquillité engourdiraient les nations dans une indifférence dangereuse pour l’Église et ses Ministres ; qu’il est de l’intérêt des Chrétiens de vivre dans la misère, l’indigence et les larmes ; qu’il est de l’intérêt de la Religion que ses Prêtres se disputent, que leurs sectateurs se battent, que les peuples soient malheureux en ce monde pour être heureux dans l’autre. Toutes ces vues importantes se découvrent à ceux qui ont le bonheur d’avoir une foi bien vive ; rien n’est plus propre à remplir ces mêmes vues que les disputes opiniâtres des Théologiens, qui, pour accomplir les projets favorables de la Providence, nous donnent lieu d’espérer qu’ils se querelleront et qu’ils mettront leurs sectateurs aux prises jusqu’à la consommation des siècles.

Loin de reprocher, comme on fait, l’avarice et la cupidité aux Ministres de l’Église, ne devrait-on pas montrer la reconnaissance la plus sincère à des hommes qui se dévouent pour nous, qui se chargent de nos possessions, souvent acquises par des voies iniques, qui nous débarrassent des richesses qui mettraient des obstacles infinis à notre salut ? C’est pour que les nations se sauvent que le Clergé les dépouille ; il ne les plonge dans la pauvreté que pour les détacher de la Terre et de ses bienfaits périssables, afin de s’attacher uniquement aux biens durables qui les attendent au Paradis, s’ils sont bien dociles à leurs Prêtres et bien généreux à leur égard.

Quant à l’inimitié pour la science dont on fait un crime au Clergé, elle est formellement prescrite par l’Ecriture Sainte ; la science enflerait les laïques, c’est-à-dire les rendrait insolents et peu dociles à leurs guides spirituels ; les Chrétiens doivent demeurer dans une enfance perpétuelle ; ils doivent rester toute leur vie sous la tutelle de leurs Prêtres, qui ne voudront jamais que leur bien. La science du salut est la seule qui soit vraiment nécessaire ; pour l’apprendre il suffit de se laisser mener. Que deviendrait l’Eglise si les hommes s’avisaient de raisonner ?

Que dirons-nous des avantages inestimables qui résultent pour les hommes de la Théologie ! De saints Prêtres sont perpétuellement occupés à méditer pour les autres les éternelles vérités. A force de rêver et de se creuser le cerveau, ils parviennent à découvrir les idées sans lesquelles les nations vivraient dans les ténèbres de l’erreur. A force de syllogismes, ils viennent à bout d’éteindre pour toujours l’affreux bon sens, de dérouter la logique mondaine, de fermer la bouche à la raison, qui jamais ne doit se mêler des affaires de l’Église. A l’aide de cette Théologie, les femmes mêmes sont à portée d’entrer dans les querelles de Religion, et le peuple est au fait des vérités nécessaires au salut.

A l’égard de la morale qu’on accuse les Prêtres de pervertir, de changer en pratiques et en cérémonies, de mépriser eux-mêmes ou de ne point enseigner aux hommes ; ceux-ci n’ont aucunement besoin d’une morale humaine, qui serait trop souvent incompatible avec la morale divine et surnaturelle. Les vertus Chrétiennes que nos Prêtres nous enseignent sont-elles donc faites pour être comparées avec ces vertus chétives et méprisables qui n’ont pour objet que le bonheur de la Société ? Cette Société est-elle donc destinée à être heureuse ici-bas ? Ne lui vaut-il pas mieux d’avoir la foi qui la soumet aux Prêtres, l’espérance qui la soutient dans les maux qu’on lui fait, la charité si utile au Clergé ? N’est-ce donc pas assez pour se sauver d’être humble, c’est-à-dire bien soumis, d’être dévot, c’est-à-dire bien dévoué à tous les saints caprices de l’Église, de se conformer aux pratiques qu’elle ordonne ; enfin d’être, sans y rien comprendre, bien zélé pour ses décisions ? Les vertus sociales ne sont bonnes que pour des Païens ; elles deviendraient inutiles ou même nuisibles à des Chrétiens. Pour se sauver, ils n’ont besoin que de la morale de leurs Prêtres ou de leurs casuistes, qui, bien mieux que des Philosophes, savent ce qu’il faut faire pour cela. Les vertus Chrétiennes, la morale Evangélique, les pratiques de dévotion, les cérémonies sont d’un grand produit pour l’Eglise ; les vertus humaines ou profanes ne lui donnent aucun profit et sont souvent très contraires à ses vues.

Cela posé, quel est l’homme assez ingrat ou assez aveugle pour refuser de reconnaître les fruits que la Société retire de ces prédications continuelles, de ces instructions réitérées que nous font des docteurs zélés, dont la fonction pénible est de nous répéter sans cesse les mêmes vérités Evangéliques, que le peu de foi des hommes les empêche de comprendre ? Depuis près de dix-huit siècles, les nations sont prêchées, et nous avons lieu de croire qu’elles le seront encore longtemps. Si l’on nous dit que malgré les efforts incroyables de nos Prêtres et de nos saints Moines, on ne voit guère d’amendement, nous dirons que c’est un effet sensible de la Providence, qui veille toujours sur ces Prêtres et qui sent bien que si les hommes se corrigeaient, s’ils avaient des lois plus sensées, une éducation plus honnête, une morale plus intelligible, une politique plus sage, les Prêtres ne nous seraient plus bons à rien. Il est, sans doute, entré dans les vues de la Providence que les hommes fussent toujours méchants pour que leurs guides spirituels eussent toujours le plaisir de les prêcher et d’être éternellement payés de leurs instructions éternelles.

La politique mondaine et la morale profane sont, grâce à notre sainte Religion, entièrement négligées. La première consiste à s’entendre avec les Prêtres, la seconde à se conformer exactement aux pratiques qu’ils ordonnent ; c’en est sans doute assez pour que la Religion fleurisse et que l’Église prospère. Aujourd’hui, toute la politique consiste à se lier d’intérêts avec le Clergé, et toute la morale consiste à l’écouter.

Si les hommes s’avisaient un jour de songer sérieusement à la politique ou à la morale humaine, ils pourraient bien se passer de la Religion et de ses Ministres. Mais sans Religion et sans Prêtres, que deviendraient les nations ? Elles seraient assurément damnées ; il n’y aurait plus chez elles ni sacrifices, ni couvents, ni expiations, ni pénitences, ni confessions, ni Sacrements, ni aucune de ces pratiques importantes ou de ces cérémonies intéressantes dont depuis tant de siècles nous éprouvons les bons effets, ou qui font que les Sociétés humaines sont si soumises au Sacerdoce. Si les hommes allaient se persuader qu’il faut être doux, humains, indulgents, équitables, on ne verrait plus de discordes, d’intolérance, de haines Religieuses, de persécutions, de criailleries, si nécessaires au soutien du pouvoir de l’Église. Si les Princes sentaient qu’il est utile que leurs sujets vivent dans l’union, que le bon sens et la justice exigent que l’on souffre que chacun pense comme il voudra pourvu qu’il agisse en honnête homme et en bon citoyen, si ces Princes, au lieu du Catéchisme, allaient faire enseigner une morale intelligible, que serait-il besoin de disputes Théologiques, de Conciles, de Canons, de formulaires, de profession de foi, de Bulles, etc. qui sont pourtant si nécessaires au bien de la Religion et si propres à exciter de saints tumultes dans les Etats ? Enfin, si des êtres raisonnables s’avisaient jamais de consulter leur raison, que le Sacerdoce a si sagement proscrite, que deviendrait la foi, sans laquelle nous savons que l’on ne peut être sauvé ?

Tout cela nous prouve évidemment que l’Église n’a nul besoin de cette morale humaine et raisonnable que l’on a la témérité d’opposer à la morale divine Evangélique et qui pourrait causer à la fois la ruine de la Religion et du Sacerdoce, dont on ne peut point se passer. Si les Souverains consultaient la raison, l’équité, les intérêts futiles d’une politique terrestre, ils veilleraient à l’instruction des peuples, ils feraient des lois sages, ils rendraient leurs sujets raisonnables, ils seraient adorés chez eux ; sur le pied où sont les choses, les Princes, ennemis de l’idolâtrie, n’ont pas tant de peines à prendre ; il leur suffit d’être dévots ou bien soumis aux Prêtres, qui seuls doivent être adorés, pour que tout aille le mieux du monde ; l’autorité temporelle n’est en danger que quand l’Église est mécontente, et dès lors, comme on sait, cette autorité ne peut plus être légitime.

Quant aux mœurs religieuses des sujets, les seules qui soient nécessaires à l’Eglise, les Prêtres y pourvoiront toujours ; ils les confesseront, ils les absolveront, ils leur diront des Messes, ils leur administreront des Sacrements, et quand ils seront à la mort, ils leur remettront facilement tous les crimes de leur vie pourvu qu’ils soient bien généreux à l’endroit du Clergé. Que peut-on désirer de plus que d’aller en Paradis ? Les Prêtres en ont les clefs, ainsi la morale des Prêtres suffit, toute autre morale est inutile ou dangereuse. Elle anéantirait les absolutions, les indulgences ; les expiations, les scrupules, les donations à l’Eglise ; en un mot, toutes les choses qui contribuent à la puissance du Sacerdoce et à la gloire de Dieu.

On nous dira peut-être que les Prêtres montrent souvent beaucoup de mépris pour les vertus mêmes qu’ils prêchent aux autres, que l’on voit quelquefois des Pontifes, des Ecclésiastiques, des Moines vivre dans le libertinage et se livrer ouvertement à des vices que la morale Chrétienne condamne ; en un mot, tenir une conduite opposée à leurs leçons. Je réponds 1°, que ce n’est point aux laïques à juger leurs Prêtres, qui ne sont comptables de leurs actions qu’à eux-mêmes. Je réponds 2°, que la charité veut que lorsqu’un Prêtre commet le mal, nous ne nous en apercevions jamais. Je réponds 3°, qu’un Prêtre, en commettant quelque action qui nous paraît criminelle, peut souvent faire du bien, et nous le sentirions si nous avions plus de foi. Si, par exemple, un Moine laisse ses sandales à la porte d’une femme (comme il arrive en Espagne), son mari doit supposer qu’il travaille au salut de sa femme ; s’il les surprend en flagrant délit, il doit remercier Dieu qui veut ainsi l’éprouver ou l’affliger par l’entremise de l’un de ses Serviteurs, qui se trouve par là lui rendre un très-grand service à lui-même. D’ailleurs, si par impossible des Prêtres manquaient de mœurs, il faut toujours se souvenir de faire ce qu’ils disent et non pas ce qu’ils font. Il faut avoir de l’indulgence pour des hommes qui sont de chair et d’os comme les autres. Dieu leur permet de tomber quelquefois pour apprendre aux Laïques à se défier de leurs propres forces, puisque les Prêtres eux-mêmes sont sujets à tomber [1].

En un mot, le bandeau de la foi doit toujours nous empêcher d’apercevoir les dérèglements du Clergé ; le manteau de la charité est fait pour les couvrir. Tout Chrétien qui sera pourvu de ces deux pièces importantes ne trouvera rien de choquant, ou qu’on ne puisse justifier, dans la conduite des Ministres de l’Église. Celui qui n’a pas bonne opinion des Prêtres du Seigneur devient bientôt un impie ; mépriser le Clergé, c’est mépriser l’Église ; mépriser l’Eglise, c’est mépriser la Religion ; mépriser la Religion, c’est mépriser le Dieu qui en est l’Auteur. D’où je conclus que mépriser les Prêtres c’est être un incrédule, un Athée, ou ce qui est encore pis, c’est être un Philosophe.

Il est évident qu’un homme qui pense ainsi sur le compte du Clergé ne peut avoir ni foi, ni loi, ne peut être vertueux, ne peut être bon citoyen, bon Père, bon Mari, bon ami, bon Soldat, bon Magistrat, bon Médecin etc. En un mot, il n’est bon qu’à brûler, afin d’empêcher les autres d’imiter sa façon de penser.

Ces réflexions sommaires doivent suffire pour nous faire sentir les obligations immenses que nous avons au Clergé ; je les récapitule en peu de mots. C’est à l’ambition si légitime des Prêtres que nous devons les combats continuels du Sacerdoce et de l’Empire, qui, pour le bien de nos âmes, ont depuis tant de siècles désolé les Etats, dérouté la politique humaine et rendu les gouvernements faibles et chancelants. C’est à la ligue du Sacerdoce et de l’Empire que les peuples, en plusieurs pays, sont redevables du despotisme, des persécutions, des saintes tyrannies qui ont dévasté pour la plus grande gloire de Dieu les plus florissantes contrées. C’est aux saintes querelles des Prêtres entre eux que nous devons les hérésies et les persécutions des hérétiques ; c’est aux hérésies que nous devons la très sainte Inquisition, ses bûchers et ses tortures, ainsi que les exils, les emprisonnements, les formulaires, les Bulles etc. qui, comme on sait, remédient parfaitement aux erreurs et les empêchent de s’étendre. C’est au zèle du Sacerdoce que nous devons les révolutions, les séditions, les guerres de Religion, les régicides et les autres spectacles édifiants que la Religion depuis dix-huit siècles procure à ses enfants chéris. C’est à la sainte avidité du Sacerdoce que les peuples sont redevables de l’indigence heureuse, de ce découragement salutaire, qui étouffent l’industrie partout où les Prêtres sont puissants. C’est à leur louable inimitié pour la science que nous devons le peu de progrès des esprits dans les connaissances mondaines et leurs progrès immenses dans la Théologie. C’est à leur morale toute divine que nous devons l’heureuse ignorance où nous sommes de la morale humaine, qu’il serait bon d’oublier : c’est à leurs Casuistes que nous devons cette morale merveilleuse et calculée qui nous rend à peu de frais les amis de Dieu : enfin, c’est à leurs vices mêmes, à leurs saintes tracasseries, que nous devons les épreuves qui nous conduiront au salut.

Joignez à tout cela les prières ferventes, les instructions charitables, l’éducation merveilleuse dont depuis tant de siècles les nations recueillent visiblement les fruits, et vous reconnaîtrez, mes frères, que vous ne sauriez trop faire pour des hommes qui se dévouent pour notre bien en ce monde et à qui, suivant toute apparence, nous devrons un jour le bonheur éternel en échange de celui dont ils nous privent ici-bas.

Ainsi, que tout bon Chrétien se pénètre d’un respect profond pour les Prêtres du Seigneur, qu’il sente les obligations immenses qu’il leur a ; que les princes les placent sur le trône à leurs côtés, ou plutôt qu’ils leur cèdent une place qui ne peut être plus dignement occupée ; qu’ils commandent également aux Souverains et aux sujets ; que revêtus d’un pouvoir illimité, toutes leurs volontés soient reçues sans murmure par les nations dociles ; ils ne peuvent jamais abuser de leur puissance ; elle tendra toujours nécessairement au bien-être de l’Église, qui ne sera jamais qu’une seule et même chose avec le Clergé.

En effet, ne nous y trompons pas, mes chers frères, l’Eglise, la Religion, la Divinité même sont des mots qui ne désignent que le Sacerdoce envisagé sous différents points de vue. L’Église est un nom collectif pour désigner le corps de nos guides spirituels ; la Religion est le système d’opinions et de conduite imaginé par ces guides pour vous mener plus sûrement. A force de Théologie, la Divinité s’est elle-même identifiée avec vos Prêtres, elle ne réside plus que dans leur cerveau, elle ne parle que par leur bouche, elle les inspire sans cesse, elle ne les dément jamais.

D’où vous voyez que vos Prêtres sont ce que vous connaissez de plus sacré dans l’univers. Ces Prêtres forment l’Église ; l’Église décide du culte et de la Religion ; la Religion est l’ouvrage de l’Église dans laquelle Dieu ou l’esprit de Dieu ne peut se dispenser de résider. D’après ces vérités si frappantes auxquelles l’incrédulité la plus audacieuse ne peut point se refuser, vous voyez que les droits du Clergé sont vraiment des droits divins, puisqu’ils ne sont que les droits de la Divinité même. Les intérêts du Clergé sont les intérêts de Dieu lui-même. Les droits, les intérêts, la cause du Clergé ne peuvent se séparer de ceux de la Divinité, qui réside en eux de même que l’âme réside dans le corps et s’affecte de tout ce qui fait impression sur ce corps. En un mot Dieu, la Religion, l’Église sont la même chose que les Prêtres. C’est de cette trinité que résulte l’être unique que l’on nomme le Clergé.

En fixant ou simplifiant ainsi vos idées, mes très chers Frères, tout le système de la Religion se découvrira sans nuages à vos yeux. Vous comprendrez que le Culte divin est l’hommage que le Clergé juge nécessaire d’imposer aux nations, vous sentirez que nos dogmes sont les opinions de ce même Clergé, vous verrez que la Théologie est l’enchaînement de ces mêmes opinions, vous concevrez que les disputes du Clergé sur les dogmes viennent du peu d’harmonie qui subsiste quelquefois entre Dieu, qui est l’âme de l’Église, et les Prêtres qui en sont le corps. Vous reconnaîtrez que Dieu, la Religion et l’Église doivent changer d’avis quelquefois puisque le Clergé est forcé d’en changer. Vous comprendrez qu’obéir à Dieu, à la Religion, à l’Église, c’est obéir au Clergé, et par conséquent que regimber contre le Clergé c’est se révolter contre le Ciel ; en médire c’est blasphémer ; le mépriser c’est être impie ; l’attaquer c’est s’en prendre à Dieu lui-même ; toucher à ce qui lui appartient c’est commettre un sacrilège ; enfin vous sentirez que ne point croire au Clergé c’est être Athée, c’est ne point croire en Dieu lui-même.

Monarques ! Grands de la terre ! Nations ! Tombez donc en tremblant dans la poussière aux pieds de vos Prêtres divins ; baisez les traces de leurs pas ; pénétrez-vous d’une sainte frayeur. Profanes ! Qui que vous soyez, rampez comme des insectes devant les Ministres du Très-Haut ; ne levez jamais un front audacieux devant les maîtres de votre sort ; ne portez jamais un œil curieux dans le sanctuaire redoutable, ni sur les importants mystères de vos guides sacrés ; tout ce qu’ils disent est vérité ; tout ce qu’ils ordonnent est utile et sage ; tout ce qu’ils exigent est juste, tout ce qu’ils enseignent sont des arrêts du Ciel, ce serait un crime affreux de les examiner. Souverains ! montrez l’exemple de l’obéissance, de la crainte, du respect le plus servile. Sujets ! quand vos Prêtres l’exigent, forcez vos Souverains à plier sous le joug. Princes de la Terre, votre pouvoir dépend de votre soumission aux Ministres du Ciel ; tirez donc l’épée pour eux, exterminez pour eux, appauvrissez vos peuples pour les faire vivre dans la splendeur et l’abondance. Nations ! dépouillez-vous vous-mêmes pour accumuler vos richesses périssables sur des hommes tout divins, à qui seuls la Terre appartient ; sinon, redoutez la vengeance des Ministres courroucés du dieu de la vengeance ; songez qu’il est en colère contre la race humaine ; songez que ses bienfaits ne sont dûs qu’aux prières de ses favoris, devant lesquels jamais vous ne pouvez trop vous abaisser. Enfin souvenez-vous toujours que ce n’est que par leurs recommandations et leur crédit que vous pourrez entrer dans le séjour de la gloire et mériter l’éternelle félicité, qui seule est digne d’occuper vos pensées ; vous ne l’obtiendrez qu’en vous rendant malheureux ici-bas, qu’en y rendant vos Prêtres heureux, qu’en vous soumettant sans examen à toutes leurs volontés : voilà le chemin du bonheur que je vous souhaite, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.

Ainsi soit-il.



[1] De tout temps et en tout pays les Prêtres ont joui, de droit divin et de droit naturel, du droit d’être paillards. Les Prêtres chrétiens l’exercent très ouvertement en Espagne, en Portugal, en Italie, et partout où l’Église est dûment respectée, c’est-à-dire où l’on a beaucoup de foi. Ce droit leur est sans doute bien plus acquis qu’aux Prêtres idolâtres qui en ont souvent joui. Les femmes de Babylone étaient forcées de venir une fois dans la vie se prostituer dans le temple de la Vénus Assyrienne. Le grand Prêtre de Calicut a les prémices de la femme de son Souverain. Pour sanctifier le mariage, nos Prêtres devraient avoir les prémices des femmes des Laïques, ou du moins les Curés devraient avoir la dîme des filles de leurs paroissiens.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 5 janvier 2009 6:16
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



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