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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Lafcadio HEARN, TROIS FOIS BEL CONTE... (1939)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Lafcadio HEARN, TROIS FOIS BEL CONTE... Traduit de l’Anglais par Serge Denis. Avec le texte original en créole antillais. Paris : Éditions Mercure de France, 1939, 175 pp. Collection d’auteurs étrangers.

Introduction

Par Serge DENIS

En 1887, Lafcadio Hearn publiait, à la Nouvelle-Orléans, un recueil de six légendes : « Some Chinese ghosts ». Le volume lui parut mince, il s'excusa en invoquant Walter Scott : « Le surnaturel, rappelait-il, bien  que s'adressant à des sentiments très répandus et profondément enracinés dans l'espèce humaine, est un ressort qui perd aisément son élasticité si l'on appuie trop dessus. »  Le manuscrit que j'ai entre les mains contient six légendes qui font appel également au merveilleux. Lafcadio Hearn reprend la même formule. Mais il nous transporte aux Antilles françaises ; ses nouvelles légendes sont écrites en dialecte martiniquais.

*

Le texte fut établi - très minutieusement - sur un carnet recouvert de toile cirée noire, 16 x 10, à coins ferrés, paginé au recto (58 pages dont 56 manuscrites).

À quelle époque ? C'est ce que je ne saurais dire avec précision. Pendant le séjour de Lafcadio Hearn aux Antilles ? Je ne le pense pas. À son retour en Amérique en 1889 ? Peut-être, bien qu'il n'y ait fait alors qu'un court séjour et fort occupé. Au Japon ?...

Hearn écrivait de Saint-Pierre à Krehbriel en 1887

« J'ai établi une documentation que j'utiliserai à mon retour. » À G. M. Gould il disait l'année suivante « Je crois que les éléments fournis par les Tropiques ne peuvent être utilisés que dans l'atmosphère du Nord. » Ces déclarations présentent un grand intérêt, mais pour notre objet restent insuffisantes.

En débarquant à la Martinique, le voyageur constate que « les Antilles offrent un champ de recherches incomparable », « absolument inculte », que jamais « aucun créole ne cultivera » (Lettre à Krehbriel). - « Grâce à ma patience, écrira-t-il plus tard, je réussis à obtenir  bien des curiosités de la littérature orale, représentant un groupe d'histoires qui quelque puisse être  leur origine primitive, out été transformées par la  pensée et la couleur locale au point de former un type de folklore nettement martiniquais. »  Il nous dira lui-même où il a recueilli ces histoires et comment il les a recueillies.  « Adou me raconte des histoires créoles et des tims-tims. Elle sait tout concernant les fantômes. »  « Adou est la fille d'une vieille Capresse qui me loue la chambre que j'occupe dans cette petite chaumière au milieu des montagnes. » (Esquisses martiniquaises.)  Et encore : « Presque tous les soirs, un peu avant  l'heure du coucher, j'entendais un groupe d'enfants  qui se racontaient des histoires ; car les histoires, les  devinettes ou tims-tims, les chansons, font la joie des enfants de Saint-Pierre. Et j'aime tout particulièrement écouter ces histoires qui me semblent les plus  bizarres que j'aie jamais entendues. » 

Il s'adresse aussi à Cyrillia. La bonne ne laisse pas chômer sa langue : « A qui parlez-vous, Cyrillia ? - Je parle à mon corps. »

Cyrillia contait à son corps les légendes dont frémissait sa pauvre vieille âme.

Mme Robert, la marchande de bouts (cigares), lui offrait un siège dans sa boutique et lui « racontait plus de légendes du temps jadis et plus d'étranges histoires de cette île que personne d'autre à ma connaissance. » « Elle est toujours contente de me voir et de bavarder avec moi sur le folklore créole. »

Yébé aussi, son guide à travers la montagne ; les nègres des plantations, dans l'ajoupa, dans la rhumerie, aux veillées funèbres, enrichissaient son expérience des choses du pays.

Longtemps, au hameau, il s'arrêtait dans la « case» et longtemps à Saint-Pierre, dans les ruelles escarpées, « si escarpées qu'il est dangereux d’éternuer en descendant » il écouta les bonnes gens. « Car plus le voisinage est pauvre, plus on a des chances de se renseigner sur l'humanité de ce pays. »

Cette méthode, Prosper Mérimée[1] l'avait pratiquée en Espagne.

Il y a entre les deux hommes des rapports littéraires certains. Sans doute le lecteur qui se souvient de Clara Gazul - et de la Guzla - se méfie des confessions de Mérimée. Il a peine à s'imaginer la chemise plissée du dandy, la redingote du sénateur, au milieu des gitanes débraillées. D'instinct, au contraire - connaissant les ressources de son âme - il suit Lafcadio Hearn à travers la plèbe exotique du Nouveau Monde. Le lecteur est dupe des apparences. La sincérité de Mérimée ne peut être mise en doute. Après son double péché de jeunesse, il avait trouvé auprès d'Estebanez Calderon [2] son chemin de Damas.

Lafcadio Hearn suit, en fait, la même veine populaire. « Je voudrais, écrit-il, vous raconter à propos de Joséphine (de Beauharnais) une anecdote que l'on m'a racontée dans la rue et que je pense développer dans une étude la semaine prochaine, » (Lettre à Élisabeth Hisland, Fort-de-France, 1887.)

Mérimée dont il avait tant goûté les nouvelles ne procédait pas d'autre façon.

Mais le canevas fourni à Hearn est plus large ordinairement.

« Je suis parvenu à m'en faire dicter plusieurs. » « D'autres (légendes) furent notées à mon intention par des amis créoles, avec plus de succès. Afin de garder toute leur simplicité primitive et la naïveté harmonieuse des détails, il faudrait les noter sténographiquement à mesure qu'on vous les raconte. L'esprit simpliste du conteur est embarrassé par les interruptions et contraintes inévitables de la dictée . le conteur perd sa verve, se lasse et raccourcit volontairement la dictée. » (Contes des Tropiques.)

L'écrivain pourvoiera aux défaillances du conteur.

Un long séjour à la Nouvelle-Orléans, son voyage aux Isles et à la Guyane, en 1887, l'avaient familiarisé avec ces dialectes créoles dont la douceur avait séduit sa tendre nature :

« Le parler du peuple est doux comme un roucoulement » (Contes des Tropiques). - « ... le plus doux roucoulement qui fût jamais murmuré par des lèvres humaines. » (Un voyage d'été aux Tropiques). Sur son carnet il relevait - au jour le jour - les mots rares, les expressions, les images, les idiotismes typiques. Plus tard, il agencerait, à sa façon, il styliserait les histoires qu'on lui avait contées.

C'est dans ces conditions qu'il publia à New-York : « Two years in the French West Indies », où nous trouvons la première version de l'histoire de Yé.

La version que nous donnons aujourd'hui permettra d'utiles rapprochements.

Dans « Two years in the French West Indies » l'histoire de Yé est amputée de l'épisode initial des Poux-de-Bois. La portée de la légende s'en trouve modifiée.

Nous ignorions un fait essentiel : les Poux-de-Bois avaient jeté à Yé le mauvais sort ; de là tous ses malheurs.

La disposition des détails n'est pas moins saisissante.



[1] Plusieurs passages sont fort connus : « Hier, on est venu m'inviter à une Tertulia à l'occasion de l'accouchement d'une gitane... » Lorsque je suis à Madrid, je vais dans la mauvaise compagnie faire des études de moeurs. (La mauvaise compagnie pour Mérimée c'est tout ce qui n'est pas la haute société madrilène, pour laquelle, l'ayant vue de près, il n'avait pas une tendresse particulière.)

[2] Son ami Estebancz Calderon, le plus sûr folkloriste espagnol du XIXe siècle.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 19 décembre 2008 7:33
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



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