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Collection « Les auteur(e)s classiques »

LA PENSÉE EUROPÉENNE AU XVIIIe SIÈCLE (1946)
Table des matières analytique


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Paul HAZARD (1878 - 1944), LA PENSÉE EUROPÉENNE AU XVIIIe SIÈCLE. Paris: Librairie Arthème Fayard, 1979, 470 pages. 1e édition : Boivin et Cie, Paris, 1946. Une édition numérique réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

Table des matières analytique

PREMIÈRE PARTIE
LE PROCÈS DU CHRISTIANISME.

 

Chapitre I. — LA CRITIQUE UNIVERSELLE.

Le XVIIIe siècle s’annonce comme l’ère de la critique universelle. De l’irrespect où avait fini le XVIIe siècle se dégage l’ironie par où commence l’âge nouveau. — La raillerie s’affirme par trois symptômes : la faveur du burlesque et de l’héroï-comique ; le foisonnement des récits de voyageurs imaginaires qui exercent leur verve aux dépens des institutions et des mœurs de la vieille Europe ; la résurrection des anciennes Utopies que l’on réimprime. — Swift, maître du genre, et son Gulliver. — Double caractère de la satire nouvelle : elle procède plutôt de l’inquiétude sociale que d’une conception pessimiste de la condition humaine ; elle trahit une foi obscure dans un progrès possible. — John Gay et The Beggar’s Opera ; Parini et Il Mattino suivi de Il Mezzogiorno. — La critique s’achève en appel et bientôt en exigence d’un bien dont l’homme s’estime frustré et qui s’appelle le Bonheur. 

Chapitre II. — LE BONHEUR.

Le bonheur, obsession universelle de ce temps : abondance de la spéculation philosophique sur la félicité des individus et des peuples ; — Seules importent désormais les valeurs qui contribuent au bonheur dont la recherche forme le thème favori des écrivains en vers et en prose. — Rêveries ; évasions : le Mis de Lassay et le royaume des Féli­ciens ; l’appel du large, Robinson. — Collèges, salons, théâtres, sociétés secrètes même rivalisent de zèle dans cette quête du prestigieux Graal. — Fermant les yeux aux maux de l’humanité, l’Europe pensante se réfugie dans l’optimisme. — Caractères du bonheur selon les rationaux.du XVIIIe siècle : il est avant tout un bonheur terrestre. — Sécheresse de ce bonheur. — Devant lui, s’abolit toute convoitise de l’absolu. — La philosophie s’avilit en une méthode pour la recherche des moyens du bonheur, lequel devient un droit dont l’idée se substitue à celle du devoir. — Erreurs à ce sujet des âges précédents. — Réaction de l’esprit nouveau qui dénonce la vanité des valeurs jusqu’alors maîtresses de la. vie, et se réclame de la raison, des lumières. 

Chapitre III. — LA RAISON. LES LUMIÈRES.

Limites imposées par les nouveaux venus à l’empire de la Raison proclamée impuissante dans l’ordre métaphysique.Jadis faculté innée, elle devra désormais se borner à dégager les idées abstraites des données des sens et à percevoir les rapports des idées entre elles. — D’où sa méthode : l’analyse, sa fonction : l’établissement de lois générales. — Sa garantie contre l’erreur : l’Expérience. — Son infail­libilité qui rend caduques autorité et tradition ; Pietro Verri et son Temple de l’Ignorance. — Son caractère universel, critérium de vérité. — Sa vertu bienfaisante, promesse du bonheur par la Lumière.Le nouveau siècle, siècle des lumières : l’Aufklärung. — LAufklärung selon Kant : l’affranchissement de l’esprit par une prudente évolu­tion qui prépare lentement, sur le double plan de l’action et de la pensée, le passage de l’état de tutelle à l’état de liberté. — Faits qui expliquent l’Aufklärung : l’influence de Bayle toujours très active ; l’échec de Vico et de sa Scienza Nova ; le succès de Christian Wolff, apôtre d’un rationalisme universel ; la royauté enfin de John Locke dont l’Essay on human understanding sera jusqu’à Kant le bréviaire des philosophes et des gens du monde. 

Chapitre IV. — LE DIEU DES CHRÉTIENS MIS EN PROCÈS.

Les lumières à l’assaut de la foi chrétienne. — Ouver­ture, sans distinction de confession, du procès du Dieu des chrétiens. — Les nouveaux venus réclament des comptes et dénoncent l’incohérence du plan divin. — Pietro Giannone et sa démonstration passionnée des empiétements de l’Église sur le pouvoir civil dans l’Istoria civile del regno di Napoli. — Jean Meslier. — Johann Christian Edelmann proclame dans ses Unschuldige Warheiten l’indiffé­rence des religions et en arrive, dans Die Göttlichkeit der Vernunft, à diviniser la Raison. 

Chapitre V. — CONTRE LA RELIGION RÉVÉLÉE.

Dialectique des rationaux : sur le plan logique ; sur le plan historique. — Diversité des champs de bataille. En Angleterre, où depuis Toland et Collins tous s’accordent pour substituer la raison à la révélation, Tyndall surtout qui, dans son Christianity as old as the Creation, fait de l’Évangile une modalité de la révélation éternelle. — La polémique, moins vive à partir de 1740, continuera d’alimenter l’étranger. — En France : nos opposants, réfractaires à l’exégèse, sont surtout des vulgarisateurs qui travaillent pour le grand public ; — Voltaire, Montesquieu, Toussaint, Helvétius ; leurs attaques sur tous les points ; leurs traits, parfois camouflés de pharisaïsme, sont souvent relevés d’une pointe de libertinage sensuel. — En Allemagne : la lutte, tardive, accuse un double courant : l’un mondain venu de France et d’Angleterre ; exemple de Wieland ; l’autre érudit et de source proprement luthérienne, véritable Aufklärung des Universités allemandes. — S.‑J. Baumgarten, Ch. B. Michaëlis font du débat question de critique historique et Johann Auguste Ernesti affaire de critique philologique ; J. D. Michaëlis croit défendre l’Écriture par l’abandon des textes controversés ; Semler enfin ne voit dans les religions que des formes locales et occasionnelles de la révélation éternelle et réduit, aux dépens du dogme, la religion à la moralité, atteignant ainsi le Christianisme dans son essence. 

Chapitre VI. — L’APOLOGÉTIQUE.

Attitude des pouvoirs civils devant le choc : différente selon les pays. — En France, le ridicule, arme majeure des antiphilosophes : l’Histoire des Cacouacs, les Philosophes de Palissot ; Fréron surtout, dans l’Année littéraire, mène la campagne avec autant de bon sens que de verve. — Foisonnement de la littérature apologétique. — Les apologistes regroupent leurs forces : leurs efforts pour réconcilier religion et raison. — Les apologistes anglicans. — Mouvement général en Europe pour rendre le Christianisme acceptable à la raison par le libéralisme de la doctrine et la pureté de la morale. — La part des Con-grégations. — Pour Antonio Genovesi, prêtre italien, l’hostilité des adversaires ne provient que d’ignorance et il fonde son apologétique sur l’enseignement en profondeur de la doctrine. — Transferts de la pensée chrétienne de nation à nation. 

Chapitre VII. — LES PROGRÈS DE L’INCRÉDULITÉ. LE JANSÉNISME. L’EXPULSION DES JÉSUITES.

L’apologétique, pesante, ennuyeuse, et parfois ridicule. — La philosophie, atmosphère du temps. Organisations clandestines et ruses pour la diffusion de la libre pensée et la circulation des ouvrages défendus. — Complicité des gouvernements qui encouragent tout bas ce qu’ils blâment tout haut. Malesherbes directeur de la librairie. — Les obstacles cèdent l’un après l’autre : dernière phase et mort du jansénisme. — Avec le jansénisme, disparaît une des plus puissantes digues aux ravages du torrent philosophique. — L’expulsion des Jésuites : à Lisbonne, le Mis de Pombal ; en France, affaires du P. Berruyer, du P. La Valette ; en Espagne, bannissement manu militari. — Les Jésuites, victimes des lumières et de la volonté de sécularisa­tion des États. — Les philosophes croient avoir abattu le dernier rempart contre le flot montant de l’impiété : par quoi proposent‑ils de remplacer le Christianisme ? 

DEUXIÈME PARTIE
LA CITÉ DES HOMMES.

 

Chapitre I. — LA RELIGION NATURELLE.

Prestige de la Nature, source des lumières et garantie de la raison. La religion, désormais naturelle, se réduira à l’affirmation de l’existence de Dieu, Être suprême, et à la croyance aux causes finales. — Les pratiques extérieures, sacrements, rites, images, représentations anthropomorphiques feront place au culte intérieur, seul nécessaire. — Le déisme, seule religion vraiment universelle. — Excuses, indul-gence et sympathie du siècle pour l’athéisme. — Ten-dance au matérialisme philosophique. — Tendance au matérialisme scientifique ; les explications mécanistes de la Nature, du monde et de la vie : la Mettrie et son Homme‑machine, son Homme plante. — Vulgarisation de l’athé­isme : un athée de profession, le baron d’Holbach : son Système de la Nature. — La troupe des exécutants semblent en proie à une monomanie. — L’étranger, réfractaire à ces excès, ne dépasse guère le stade du déisme. — En France, les déistes, tels d’Alembert et Voltaire, s’élèvent contre l’athéisme, et le siècle, plus travaillé que conquis par la bruyante acti-vité des athées, reste déiste dans son ensemble. 

Chapitre II. — LES SCIENCES DE LA NATURE

Les sciences naturelles prennent le pas sur les mathématiques, et l’observation sur l’abstraction : au règne de Des­cartes succède celui de Newton. — Le goût des curio­sités naturelles, mode du jour. — Multiplication des publications scientifiques ; Académies nouvelles. — République idéale des savants : les Cassini, de Saussure, Linné, les Jussieu, Réaumur, etc., Galvani et Lavoisier. — Difficulté de s’affranchir de l’idéologie : Linné et sa classifica­tion des plantes. — Exaltations et joies devant l’asser­vissement de la Nature par le moyen de la découverte, pro­messe de bonheur ; espérances indéfinies. — Buffon, génie représentatif du temps. — Ses théories font succéder une conception évolutive à une conception statique de la science. — L’immense effort de l’époque aboutit à la démonstration de la primauté de l’observation dans l’élaboration de la science. 

Chapitre III. — LE DROIT

Le Droit nouveau : droit naturel. Efforts des spécialistes pour donner à la loi un fondement rationnel. — En ce sens travaux et œuvres de Heinecke, J.‑C. Wolff, Strube de Piermont, d’Aube, Burlamaqui, Hubner, Filangieri. — Magnifique effort de Montesquieu pour débrouiller ce chaos : travaux, lectures, voyages, méditations ; son œuvre, l’Esprit des Lois. — Sa définition de la loi ; rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. — Difficulté de faire passer dans la pratique les résultats de l’ordre spéculatif. — Cependant, une volonté de justice se fait jour et les esprits mûrissent pour les réformes. 

Chapitre IV. — LA MORALE

Nécessité d’instaurer une morale nouvelle sur les débris des morales chrétienne, stoïcienne ou mondaine. — La nouvelle morale, éclairée par les lumières, fondée sur la bonté naturelle de l’homme, sur l’obéissance à la loi de la nature, et sur l’instinct qui nous porte à la poursuite du bonheur. — Réhabilitation de la passion, du plaisir et de la volupté, faits naturels et, comme tels, rationnels. — Légitimation de l’amour‑propre réglé par l’intérêt personnel et limité par le respect de l’intérêt d’autrui. — Ainsi fondée sur la raison, la morale prend le caractère de science expérimentale. — Active propagande en faveur de la nouvelle éthique. — Grimm et son Essai de catéchisme pour les enfants ; Saint‑Lambert et son Catéchisme universel. — Trois vertus essentielles à la nouvelle morale : la tolérance, la bienfaisance, et l’humanité. 

Chapitre V. — LE GOUVERNEMENT

Foisonnement en Europe des naïfs théoriciens d’une politique dont la vertu serait le principe, la bonne foi, le moyen et la prospérité, la récompense. — De l’idée d’un contrat social primitif naît, par l’intermédiaire du concept de nature, la notion de liberté politique et celle d’égalité. — Nature et limites de cette égalité, acceptable sur le plan poli-tique, inconcevable sur le plan social où elle rencontre l’infranchissable barrière de la propriété. — Critique du droit de propriété : Morelly et son Code de la Nature ; Mably, apôtre de la communauté de biens, et son traité de la Législation : cependant l’époque demeure fermement attachée à la défense de la propriété, surtout de la propriété foncière — Apologie de la liberté sous toutes ses formes et d’un état libéral. — La forme des Gouvernements est indiffé­rente, mais un juste équilibre nécessaire entre les éléments qui constituent l’État. — La constitution anglaise, modèle idéal. — Devoirs réciproques des nations, conséquence de la loi naturelle, d’où nécessité de pactes destinés à régler les conflits d’intérêts et à prévenir les guerres. — L’abbé de Saint Pierre et son Projet de paix perpétuelle en Europe. — Évolution des données du problème poli­tique dont l’intérêt de l’État devient le principe : le souverain subordonné à la nation ; le sujet, devenu citoyen. — Passage dans les faits de ces idées nouvelles : Révolution d’Amérique, Révolution de France, aboutissement logique du travail des philosophes. 

Chapitre VI. — L’ÉDUCATION

Rollin et son Traité des Études, charte attardée de la discipline classique et du goût de l’âge précédent. — Réaction des nouveaux venus qui dénoncent l’éducation d’hier comme anachronique et routinière. — Les nécessités de la vie moderne seront la loi de l’enseignement nouveau, les humanités céderont la plus grande place aux langues vivantes, à l’histoire moderne, à la géographie, aux sciences, surtout naturelle. — Basedow pose le principe de la progres-sivité de l’éducation en rapport avec le développement de l’être physique, intellectuel et moral. — Vertus, abnégation et prudence nécessaires aux nouveaux maîtres qui devront substituer à la férule de jadis le dévouement et l’amour. — Caractère civique et national de l’éducation ; idée qui provoque l’État à mettre la main sur l’éducation : l’abbé de Saint Pierre, la Chalotais. — Ce sont toutes ces idées que trouvera tout élaborées le génie de Rousseau. 

Chapitre VII. — L’ENCYCLOPÉDIE

Son double caractère qui répond aux besoins du temps : œuvre de science et de vulgarisation. — Écrite sous la dictée de la raison et la loi de la nature, l’Encyclopédie sera l’inventaire indépendant, fidèle et vivant de toutes les con-naissances humaines à la date de la publication. — Leur enthousiasme au départ pour cette croisade de la philosophie rendue plus émouvante par les péripéties dramatiques de la lutte. — Difficulté de concilier l’ordre alphabé-tique et une ordonnance logique et de trouver un principe de classification des sciences. — Les auteurs adoptent une classification établie en fonction des trois facultés : mémoire, imagination et raison qui engendrent toutes connaissances. — L’homme se trouve ainsi placé, par élimination de Dieu, au centre de l’Univers. — Oeuvre de vulgarisation, l’Encyclopédie répond au besoin du siècle. — Importance sociale de son objet qui constitue l’artisan en dignité et confère à la pratique une valeur au moins égale à celle de la spéculation en tant qu’instrument immédiat du bonheur par le progrès matériel. — Défauts de l’Encyclopédie : emprunts indiscrets, erreurs, rédaction inégale, contradictions, répétitions, lacunes. — Son influence : elle ruine peu à peu par une hostilité diffuse les valeurs anciennes et substitue au sens du divin le sens du social. — Fut-elle un instrument entre les mains de la Franc-Maçon-nerie ? — Son action servie par une immense diffusion. 

Chapitre VIII. — LES IDÉES ET LES LETTRES.

Le siècle de Louis XIV, modèle idéal de l’époque : d’où naît, dans toute l’Europe et dans tous les genres, une littéra­ture d’imitation. — A peu près épuisé en France, le classicisme offre encore, dans les autres pays d’Europe, de riches possibilités, ce dont témoigne l’abondance des Arts poétiques étrangers. — L’époque aspire à une révision des valeurs : développement de la critique littéraire. — Guiseppe Baretti et sa Frusta letteraria. — Samuel Johnson et sa critique du Paradis Perdu, traditionnelle et conservatrice ; sa critique de Shakespeare conçue en fonction de la vérité des peintures ; sa résistance aux nouveautés. — La littérature de l’intelligence ; Marivaux, Goldoni, Ramon de la Cruz, Wieland. — L’esprit, fleur de ce temps : l’abbé Galiani, Voltaire. — Absence de sens poétique ; la prose, simple, directe, limpide. — La littérature du plaisir social : les correspondances ; Mme du Deffand, Mme de Graffigny, etc., Horace Walpole, Frédéric II, Voltaire. — Les gazettes et les revues nationales et internationales. — Les petits genres préférés aux grands. — L’Opéra de Métastase, les vers légers de Voltaire ou le Musa­rion de Wieland, parfaite expression de cette littérature du plaisir. — La littérature du fait : L’Histoire ; désir de rénovation des méthodes historiques. — Obstacles ren­contrés par les novateurs. — Leurs volontés positives et constructives : remplacer la fable par la critique des témoi­gnages. — Limitation de leur effort à des monogra­phies. — Renoncement au merveilleux, y compris le surnature. — Attribution enfin de la première place à l’étude de la civilisation : Voltaire et l’Essai sur les mœurs. — Malgré ces efforts ils n’ont pas atteint le concret dans sa complexité. — Ils n’ont pas renoncé à toute métaphysique et le conflit entre leur philosophie empiriste et leur tendance à l’abstraction a déterminé le caractère de leur œuvre historique. 

Chapitre IX. — LES IDÉES ET LES MŒURS.

Les types sociaux de l’époque.

L’Aventurier : Du goût du voyage était né le cosmopolite : la tendance s’affirmant, surgit l’Aventurier : Cagliostro et Casanova.

La Femme : De la poursuite du plaisir et de la volupté dérive logiquement l’apothéose de la Femme, reine de l’époque : le Temple de Gnide, le Voyage à Paphos, le Congrès de Cythère, Angola. Les maîtresses, usage universel, suivi par tous, des rois et des grands jusqu’aux philosophes. Paris donne le ton ; l’Europe entière suit. — Les femmes s’associent au mouvement des esprits ; leur rôle intellectuel : Voltaire et Mme du Châtelet, Les salons ; Mme Montagu à Londres, d’autres ailleurs, surtout Mme du Deffand à Paris.

L’Homme de Lettres : il vit à présent de son métier, ce qui relève la dignité de sa condi­tion sociale. De cet affranchissement de la tutelle des grands seigneurs naît la souveraineté de l’homme de lettres, roi de l’opinion.

Le Bourgeois : Avènement d’une classe nouvelle : le Bourgeois tend à remplacer le noble dont la valeur sociale est contestée et qui se défend mal ; le mérite personnel désormais condition de l’ascension sociale. — Entre la noblesse déchue et le petit peuple étranger aux lumières s’élève la classe nouvelle dont les titres se fondent sur l’idée de liberté et la puissance sur le fait de la propriété.

Le Franc‑Maçon : représentant de l’esprit du siècle, il répudie l’austérité, prêche et pratique la concorde, réclame la liberté politique, déclare la guerre aux despotes et aux privilèges, se fait l’apôtre du déisme. — Diffusion rapide de la maçonnerie, partie d’Angleterre, dans toute l’Europe : adhésion, en dépit de l’Église, des grands et des souverains.

Le Philosophe : nouveau modèle d’humanité. Son caractère essentiel : l’esprit d’examen sous le contrôle de la raison mis, par vertu sociale, au service de l’humanité.

Près de la Victoire : Angleterre, France, Suisse, fort avancées ; les pays latins sont en retard mais les pays du Nord sont, avec leurs souverains, à la tête du mouvement. — « Presque toute l’Europe a changé de face depuis cinquante ans », dit Voltaire. 

TROISIÈME PARTIE
DÉSAGRÉGATION

 

Chapitre I. — LE DEVENIR.

Principes de ruine au sein même de la doctrine philosophique : triple cause qui en prépare l’échec. — Erreur initiale des philosophes sur l’idée de nature fort bien démêlée par Kant, lequel, dans sa Critique de la Raison pure, en ramenant tous les problèmes à celui de la connaissance, a rétabli l’âme dans ses droits. — D’autre part, le cœur n’avait pas abdi­qué les siens ; l’abbé Prévost et Manon Lescaut, Richardson et Paméla, Rousseau et la Nouvelle‑Héloïse, Gœthe et Werther, Bernardin de Saint‑Pierre et les Études de la Nature, promesses d’une épiphanie de l’homme de sentiment. — Enfin le défaut d’unité et de cohérence dans la doctrine des philosophes et les divergences entre leurs conceptions du déisme est une cause majeure de leur défaite. — Ce sont les phases chronologiques mêmes par où est passée l’histoire de la philosophie des lumières. 

Chapitre II. — NATURE ET RAISON.

Antinomies qui s’opposent à l’effort des philosophes pour identifier nature et raison : défaut d’une définition précise du concept de nature ; critique de Voltaire. — L’empirisme lui‑même, en réduisant la connaissance à la perception des sensations par l’âme, interdit aux philosophes de supposer l’existence d’un être extérieur à cette âme, tel que la nature. Critique de la connaissance ; Berkeley, dans ses Dialogues entre Hylas et Philonous et ses Recherches sur l’eau de goudron, tire de la négation du monde extérieur la nécessité de l’existence d’un esprit qui est Dieu. — Enquêtes en vue de déterminer si la sensation est purement subjective ou si elle répond à une réalité hors de nous : hypothèses de Molineux, de Locke, de Berkeley confirmées par les expériences de Cheseldon et de Hilmer. — Condillac, dans son essai de réfutation de Berkeley, aboutit de l’empirisme initial à une conclusion spiritualiste, p 287. — David Hume reproche aux déistes d’imaginer leur Être suprême à la façon d’un surhomme. — Sa critique de la notion de causalité qu’il réduit à la succession des phénomènes ; son pyrrhonisme absolu. — Antinomie de la notion d’évidence dont se réclament les empiriques avec l’empirisme lui-même : origine cartésienne de cette notion : l’influence de Descartes toujours active et parallèle à celle de Locke dans le sens opposé est propagée par Fontenelle, l’abbé Terrasson, Mairan ; par le P. André et les Jésuites, conquis à la longue ; par les matérialistes comme La Mettrie en souvenir des animaux-machines. — L’époque est également acquise à l’empirisme de Locke et au rationalisme de Descartes, doctrines contradic-toires. — L’influence de Leibniz persiste toujours d’Alembert, Diderot, Buffon rendent hommage à son génie, dont l’action représente la revanche de la métaphysique sur l’esprit du siècle. — L’influence de Spinoza d’abord très faible va grandissant et intègre son panthéisme métaphy-sique à la pensée des Aufklärer. — Tous ces éléments divers, empirisme, cartésianisme, leibnizianisme et spinozisme, plus ou moins harmonieusement fondus ont introduit, dans la théorie de la connaissance, nombre d’incohérences qui ne seront résolues que par Kant. 

Chapitre III. — NATURE ET BONTÉ. L’OPTIMISME.

Le problème du mal passe du plan religieux au plan philosophique. — Leibniz réduit l’importance du mal phy­sique, nie l’existence du mal métaphysique, explique le mal moral comme la condition nécessaire d’un plus grand bien. — D’où Pope, confiant dans la Sagesse infinie, tire l’affirmation que tout est bien. — Haller, aboutissant aux mêmes conclusions, préconise l’accomplissement du devoir et la volonté de consentir au plan divin. — Ainsi se forme l’optimisme. Concours institué en 1759 par l’Académie de Berlin pour définir la doctrine. — La même année, le tremblement de terre de Lisbonne jette l’émoi au camp des philosophes : le Poème sur le désastre de Lisbonne témoigne de l’évo­lution de la pensée de Voltaire qui se précise dans Candide, satire étincelante de la naïveté philosophique des optimistes. — L’optimisme discrédité se survit dans l’ironie et la rancune. — Kant, d’abord leibnizien, proclamera la faillite philosophique de son maître. — Rousseau enfin, déplaçant le problème, défend la nature et accuse les hommes auxquels il va proposer le remède du Contrat Social

Chapitre IV. — LA POLITIQUE NATURELLE ET LE DESPOTISME ÉCLAIRÉ.

Conception naïve d’une politique fondée sur la vertu et rêve d’un pouvoir exercé par la philosophie. — Difficulté d’instaurer le règne de la raison parmi les hommes. — Mélancolique aveu de Grimm devant son illusion perdue. — Philosophes et rois en coquetterie ; avances réciproques. Conciliatiorr entre les deux puissances cherchée dans le despotisme éclairé par les lumières. — Impossibilité de résoudre l’antagonisme entre l’État absolu et l’État libéral : les despotes les plus éclairés ne tendent qu’à établir la supré-matie de l’État sur toutes choses : Frédéric II, Marie-Thérèse, Joseph II, Catherine II et tous les autres, appuyés par leurs ministres, n’agissent que par raison d’État. De ces politiques réalistes, les philosophes se font les thuriféraires enthousiastes croyant susciter en eux des alliés. — Frédéric II, entre tous, a leur préférence pour son amour des lettres et sa haine philosophique de l’Église. — Les philosophes ne laissent pas toutefois de manifester quelque inquiétude sur la loyauté de leurs alliés couronnés : ils ont cru se servir des rois et ce sont les rois qui se sont servis d’eux. 

Chapitre V. — NATURE ET LIBERTÉ : LES LOIS SONT LES RAPPORTS NÉCESSAIRES QUI DÉRIVENT DE LA NATURE DES CHOSES.

Difficulté d’instaurer une morale naturelle sur les ruines de la morale dogmatique : la morale de l’intérêt et la morale du plaisir également décevantes.Désarroi des consciences prouvé par le nombre des tentatives pour établir une éthique nouvelle : Hutcheson la fonde sur l’instinct, Lévesque de Pouilly sur une disposition spéciale des fibres du cerveau, Hume sur l’approbation ou le blâme d’autrui, Adam Smith sur la sympathie. Bentham, Oswald, Reid multiplient les explications toutes différentes, toutes incomplètes, du fait moral. — Erreur initiale des partisans de la morale naturelle : leur postulat démenti par les faits. — Vauvenargues : le pathétique de sa destinée ; principe de sa morale de l’héroïsme ; son idéal stoïcien ; pas de morale sans le choix du plus difficile et du plus haut. — Liberté ou déterminisme ? l’époque, partagée, incline vers le second.Embarras de Montesquieu : sa définition des lois, « rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses » ferait de lui un fataliste s’il n’avait nié qu’une fatalité aveugle pût pro­duire des êtres intelligents et affirmé la nature rationnelle de la fatalité telle qu’il l’entend. Par où il se rapproche, en dépit de ses protestations, de Spinoza et des Stoïciens. — Sa plus subtile dialectique n’aboutit qu’à le montrer incertain et impuissant à concilier la fatalité et le progrès. 

Chapitre VI. — LE SENTIMENT : UNEASINESS ; POTENCIA SENSITIVA EN EL OMBRE.

Des causes profondes ont préparé, après le règne de l’homme de raison, l’avènement de l’homme de sentiment.De l’observation scientifique des formes de l’être, l’esprit s’est élevé à la contemplation préparant l’admiration. Linné, Buffon découvrent l’immensité de la Nature mais ils en révè­lent aussi la beauté.Le principe de révolte anarchique sensible chez un Byron, un Shelley, un Stendhal trouve une de ses origines dans la pensée du XVIIIe siècle.Efforts de l’époque pour découvrir un principe indépendant de la raison, propre à percevoir et à créer le beau. — Insuffisance des anciennes conceptions rationnelles du beau : les nouvelles définitions du beau en consacrent l’objectivité et la relativité et le proclament d’origine passionnelle. — Winckelmann et son Histoire de l’art chez les anciens : nouvelle conception de l’art considéré comme un phénomène vital soumis à la loi générale d’évolution. — Locke d’abord, puis Condillac, théoriciens de la psychologie du désir. Le second fait de l’ennui le mobile universel et Helvétius de la passion le principe de toute poésie : nous sommes en plein romantisme. 

Chapitre VII. — LE SENTIMENT. PRIMITIVISME ET CIVILISATION.

L’excès de la civilisation en provoque la nausée et suscite des volontés d’évasion. Recours au merveilleux et surtout à l’exotisme.Apologie du Bon Sauvage : l’Adario du baron de La Hontan.D’autres, mieux informés sur l’état de pure nature, tournent leur rêve vers l’avenir, confiants dans le progrès certain de l’humanité.En regard du primitivisme, la civilisation. — Son apologie, spirituelle et mordante par Voltaire dans le Mondain et la Défense du mondain. Infinies controverses où s’opposent l’idée de dégénérescence et celle de progrès, idéologies qui se tra-duisent dans l’ordre économie par le conflit de deux grands systèmes : le mercantilisme jadis prôné par Colbert, et la physiocratie fondée sur la vertu productrice de la terre.Diffusion de la doctrine en Europe. Expérience économique de Louis XV sur la libre circulation des grains : déboires de Terray, puis de Turgot ; échec définitif de la physiocratie. — Bientôt Adam Smith proclamera dans ses Causes de la Richesse des Nations que la valeur suprême est représentée par le travail : l’ère de l’Industrie commencera. 

Chapitre VIII. — DIDEROT

Diderot, synthèse de l’homme de sentiment et de l’homme de raison ; richesse incomparable de son génie qui réunit tous les contrastes. — Sa faculté maîtresse : Denis le Philosophe ; sa foi dans la Science fondée sur l’Expérience souveraine ; ses hésitations en morale et son déterminisme qui exclut mérite et démérite ; ses revendications en faveur de la liberté politique, de l’éducation d’État et de la formation technique ; ses recherches sur le Beau ; son anticléricalisme qui évolue du déisme à l’athéisme ; son matérialisme combiné d’Épicure et de Maupertuis ; surabondance de sa pensée toujours au regret d’abandonner un parti au profit de l’autre, le non au profit du oui. Il est le héraut du siècle des lumières. — Il est aussi le prophète du Sturm und Drang, l’initiateur du romantisme européen : son imagination supplée la vision directe et recrée pour lui la Nature par l’intermédiaire des tableaux ; sa sensibilité toujours en effervescence met sans cesse en lui l’homme de sentiment en contradiction avec l’homme de raison : athée, il s’attendrit aux cérémonies du culte catholique ; matérialiste, il a foi dans la suprématie de l’esprit ; déterministe, il croit au libre choix dans l’amour ; ennemi des tyrans, il s’enthousiasme pour Catherine II ; il professe la morale de l’intérêt et pratique la morale du sentiment ; esthéticien, il proclame la valeur émotive de l’art avec un enthousiasme qui confine au lyrisme de nos romantiques. — Sa conception de la Nature, aussi complexe que contradictoire. — Pour lui, le Nature est avant tout l’instinct, l’intensité des puissances de l’individu par où l’homme naturel se retrouve dans sa liberté primitive et s’affranchit des contraintes de la civilisation. Diderot prépare Rousseau et l’attitude des nouvelles générations devant la vie. 

Chapitre IX. — LES DÉISMES : BOLINGBROKE ET POPE.

Le déisme n’est pas une religion, car il affecte autant de formes qu’il existe de penseurs. — Bolingbroke et Pope. — Bolingbroke initiateur de Pope à la pensée philosophique. Son enseignement. — Pope, poétique interprète de la pensée de Bolingbroke : l’Essay on Man, 1733-1734, profession de foi de la religion nouvelle. — Polémiques soulevées par l’ouvrage : réfutations et critiques, J.-R. de Crousaz, Louis Racine et son poème de La Religion, l’abbé J.‑B. Gauthier ; les défenseurs de Pope, War­burton, Ramsay, le P. Tournemine. Réponse de Pope : son hymne The Universal Prayer écrit pour démontrer sa fidélité à l’esprit de l’Évangile offre surtout le caractère contradictoire d’une tentative de conciliation de doctrines apparem-ment opposées et de dogmes incompatibles avec toute inter-prétation personnelle. Le Déisme de Pope apparaît comme le fruit d’un effort de la volonté plutôt que d’une évidence rationnelle. 

Chapitre X. — LES DÉISMES : VOLTAIRE.

Du fatras des doctrinaires du Déisme, Voltaire dégage une agile dialectique, d’une simplicité souveraine. — Le Credo de la doctrine formulé dans une page du Dictionnaire Philosophique, Article Théiste. — Le secret de Voltaire : substituer à l’abstraction philosophique un art concret, alerte et vivant : son aversion pour la métaphysique procède de sa passion de la clarté. — Il est épris de fixité : son embarras devant les régions obscures de l’inconscient, du devenir, de l’évolution. — Aristocratique chez Bolingbroke, poétique chez Pope, le Déisme chez Voltaire est intimement mêlé à la vie et à l’action. — Voltaire contre Pascal. — Opposition entre les lumières naturelles avec Voltaire et les lumières surnaturelles avec Pascal. — Prince reconnu de l’Europe pensante, son opposition au Christianisme devient idée fixe. — Idée fixe dont l’obsession l’entraîne aux procédés de polémique les moins dignes d’un écrivain de sa classe. — Cette formé inférieure et bassement agressive du Déisme est à l’origine de l’anticléricalisme moderne dont nul n’est plus responsable que Voltaire. 

Chapitre XI. — LES DÉISMES : LESSING.

Traits communs de Lessing et des penseurs contemporains, anglais et français : clarté, ardeur critique, infinie curiosité,  puissance infatigable de travail, volonté de se mêler à la vie. — Son activité et sa perpétuelle instabilité procèdent d’un besoin de libération et d’enrichissement spirituel par la variété des expériences. — Ses insuffisances et ses limites : défaut de souplesse, de nuance ; dureté et pédantisme ; sa raison est fermée aux valeurs de sentiment. — Nature dominatrice de son génie qui ne fraie qu’avec ses pairs intellectuels, les Leibniz ou les Spinoza. — Sa polémique avec Winckelmann ; ses théories renouvellent l’esthétique littéraire et artistique. — Sa préoccupation majeure : la solution du problème religieux ; il est pénétré du sérieux de la religion, valeur éternelle. — Cette austérité forme le caractère spécifique de son Déisme, radicalement opposé à celui de Voltaire pour lequel Lessing professe une véhémente antipathie. — Son effort pour faire naître en Allemagne une âme commune en suscitant une philosophie fondée sur la raison : il est un des créateurs de l’esprit nouveau de l’Allemagne dont il contribue à éveiller la pensée nationale. — Il entreprend d’affranchir l’Allemagne du joug de la vieille orthodoxie luthérienne. — Il publie les fragments posthumes de Reimarus, critique des Écritures et des confessions chrétiennes. — Le scandale excite sa verve. — Il renouvelle d’anciens thèmes polémiques. — Il voit dans la révélation le guide, par l’intermédiaire des Écritures, de la raison humaine sur la voie du progrès moral et dans les religions positives les épisodes d’une lente conquête spirituelle — Le Déisme aboutit, dans la masse, à l’abolition de la notion du divin. 

CONCLUSION : L’EUROPE ET LA FAUSSE EUROPE.

L’Europe, imprécise dans ses limites orientales, incertaine dans ses divisions, forme, dans la diversité de ses éléments, un tout merveilleux. — A l’inertie des races de l’Orient, elle oppose une curiosité inlassable et un perpétuel effort vers le mieux. — D’où sa suprématie dans l’ordre matériel et, plus encore, sa prééminence dans l’ordre intellectuel qui fait d’elle la partie pensante du monde. — L’activité des Européens, moyen de connaissance ; leurs voyages sont des enquêtes ; échanges par lesquels tend à se constituer un esprit commun et une littérature internationale. — Entre les nations diverses s’établit spontanément une hiérarchie des valeurs où domine la suprématie de la France. — Rayonnement intellectuel qui s’explique par sa stabili-té qui rassure et sa quête incessante du mouvement qui est la vie : universalité de la langue française. — L’art de vivre est un art français. — Le cosmopolite d’alors, est celui qui pense et vit à la française : le prince de Ligne. — Effort de l’Europe pour réaliser son unité spirituelle dans une gravitation des peuples occidentaux autour de la France secondée de la Hollande et de la Suisse. — A ces forces convergentes en faveur d’un ordre européen s’opposent des forces divergentes et des ferments de dissociation : des critiques s’élèvent, des querelles éclatent, des écrits satiriques voient le jour, des rivalités surgissent. — Le génie propre de chaque nation tend à s’affirmer aux dépens de ses voisins ; exemple de l’Allemagne, de l’Angleterre. — La France, sympathique à ces souffles nouveaux, encourage l’essor et aide inconsciemment l’Europe à se libérer de la suprématie intellectuelle qu’elle-même exerce. — Les nationalismes qui s’affirmeront au XIXe siècle se préparent au XVIIIe. — Exemple de l’Espagne, très soumise aux influences françaises, qui prend conscience de son propre génie ; nationalismes anglais et français : Du Belloy et le Siège de Calais. — Origine et caractère particulier du sentiment national en Italie : le Risorgimento date du XVIIIe siècle. — Attitude irritée de l’Allemagne devant la critique étrangère : Lessing, dans sa Dramaturgie de Hambourg (1767-1769) entre en révolte ouverte contre le génie français ; mystique nationale qui se crée autour de Frédéric II et qui ouvre le passage de l’idée prussienne à l’idée allemande. — Stades de cette évolution : les Lettres sur l’amour de la patrie de Frédéric II, lyrique apologie de l’idéal patriotique ; De la littérature allemande par le même Frédéric II, défense et illustration de la langue nationale mise à l’école des classiques anciens et français ; Sur la langue et la littérature allemandes de Justus Möser, refus de tout ferment d’origine étrangère au profit du seul génie allemand qui n’est grand que quand il s’inspire de lui-même. — La vieille Europe, unie par une culture commune, offre donc en elle des éléments et un principe de dissociation. — L’Europe nouvelle doit-elle pour cela renoncer à jamais au bienfait d’une union véritable pour rouler de catastrophe en catastrophe à l’anéantissement ? La fausse Europe, chaos d’intérêts et de passions, triomphera-t-elle de l’Europe idéale dans son unité harmonieuse ? — Quelle force intellectuelle lui permettra de persévérer dans son être ? — Ce principe sauveur, c’est sa pensée perpétuellement insatis-faite dans la poursuite du bonheur et de la vérité, c’est l’inquiétude éternelle de l’esprit.

Retour au livre de l'auteur: Paul Hazard (1878-1944) Dernière mise à jour de cette page le Lundi 15 août 2005 17:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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