Avant-propos de l'auteur
5 Juin 1923.
On nous a suggéré qu’une édition abrégée du Folklore dans l’Ancien Testament serait bien accueillie par nombre de lecteurs qui n’ont ni les moyens d’acheter, ni le loisir de lire l’édition originale en trois gros volumes. Nous avons donc, par égard pour cette opinion, préparé l’abrégé que voici, en omettant entièrement certains chapitres et en raccourcissant la plupart des autres .................
Renan fait la remarque que pour un esprit philosophique, qui s’occupe de l’étude des origines, le passé de l’homme n’offre que trois histoires d’un intérêt primordial : l’histoire de la Grèce, celle d’Israël, et celle de Rome. A ces trois histoires, qui toutes reposent sur le témoignage de documents écrits, nous pouvons maintenant en ajouter une quatrième, l’histoire de l’humanité à des siècles et dans des pays où l’art d’écrire était inconnu. Car depuis l’époque où Renan a donné au monde sa grande histoire d’Israël et ses Origines du Christianisme, notre connaissance du passé humain s’est considérablement accrue et enrichie, d’une part, par les découvertes de l’archéologie préhistorique, d’antre part, par une étude plus soignée des races sauvages, qui représentent pour nous avec plus ou moins d’exactitude les divers stades d’évolution sociale qu’ont traversés, il y a longtemps, les ancêtres des races civilisées. Prises dans leur ensemble, ces sciences relativement neuves soulèvent un peu le voile qui a jusqu’ici recouvert l’enfance de l’humanité ; elles nous permettent de percer, si l’on peut dire, le mur fermé qui, jusqu’à ces derniers temps, paraissait arrêter les pas du chercheur au-delà des limites de l’antiquité classique ; elles nous ouvrent une perspective en apparence infinie de pensée et d’activité humaines, telles qu’elles existaient dans ces siècles obscurs et incalculables qui s’écoulèrent entre l’apparition de notre espèce sur la terre et sa pleine maturité dans l’humanité civilisée, d’où l’ardeur avec laquelle des cercles de chercheurs toujours plus nombreux poursuivent aujourd’hui les éludes de folklore et d’archéologie préhistorique. Nous pourrions presque dire que, parmi les forces qui façonnent et transforment l’opinion éclairée de notre temps, ces disciplines qui étudient l’homme commencent à exercer une influence qui ne le cède en importance qu’à cet élan que le progrès surprenant des sciences physiques a, de notre temps, donné au mouvement général de la pensée ; car on ne peut guère séparer la question de la validité des croyances et de la valeur des institutions de la question de leur origine, sur laquelle l’archéologie et le folklore jettent continuellement de nouvelles lumières.
Dans le présent ouvrage, nous nous sommes efforcés, dans le cadre du folklore, de faire remonter certaines des croyances et des institutions de l’ancien peuple d’Israël jusqu’à des étapes de pensée et de pratiques antérieures et plus grossières, qui trouvent leur analogie dans les croyances et les coutumes de sauvages existant encore. Si nous avons, en quelque mesure, réussi dans notre effort, on devrait maintenant pouvoir regarder l’histoire d’Israël sous un jour plus vrai et moins romantique, comme celle d’un peuple qui n’a pas été miraculeusement distingué de tous les autres par une révélation, divine, mais qui, comme eux, est sorti, par une lente sélection naturelle, d’une condition embryonnaire d’ignorance et de barbarie.
J. G. Frazer.
5 Juin 1923.
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