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Collection « Les auteur(e)s classiques »

“Honneur et patrie”. Une enquête sur le sentiment d'honneur et l'attachement à la patrie. (1945-46-47)
Introduction de Thérèse Charmasson et Brigitte Mazon


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Lucien FEBVRE, “Honneur et patrie”. Une enquête sur le sentiment d'honneur et l'attachement à la patrie. [Cours professé au Collège de France en 1945-46 et 1947.] Paris: Librairie Académique Perrin, 1996, 379 pp. Collection Agora. Une réalisation de Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec.

Introduction
de Thérèse Charmasson et Brigitte Mazon

« Honneur et patrie », tel était le thème des deux cours professés par Lucien Febvre au Collège de France en 1945-1946 et 1947. Ce fut aussi le titre d'un livre en gestation pendant dix ans et auquel Lucien Febvre semble s'être consacré pendant les derniers mois de sa vie.

Le texte que nous présentons aujourd'hui n'est toutefois pas le manuscrit d'un livre plus ou moins achevé par son auteur, mais les notes à partir desquelles il pensait écrire cet ouvrage.

Ce dossier a connu une étrange destinée. Il a été retrouvé au sein des archives de la présidence de la VIe section de l'École pratique des hautes études (EPHE), égarées et oubliées pendant plus de vingt ans dans un grenier du château normand d'Alexis de Tocqueville. C'est à la suite d'une erreur de déménagement que les archives de Fernand Braudel, secrétaire puis président de la VIe section de l'EPHE, ont été transportées en août 1966 au château de Tocqueville. Le comte Jean de Tocqueville avait en effet demandé alors la restitution d'ouvrages de son ancêtre confiés à l'historien Peter Mayer, ouvrages qui, semble-t-il, avaient été déposés dans une cave des locaux occupés par la VIe section, rue de la Baume. Les déménageurs ayant emballé indifféremment livres et archives entreposés dans ces lieux, trois caisses de documents de la présidence de la VIe section furent par erreur envoyées au château de Tocqueville où elles demeurèrent, ignorées de tous, pendant une vingtaine d'années.

La présence de ces caisses au château de Tocqueville a été signalée à Brigitte Mazon, chargée des archives de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), qui a succédé à la VIe section, par François Furet, alors président de l'École, en 1987. Brigitte Mazon identifia, dans ces documents recouverts d'une couche de livres de la Fondation Rockefeller, les archives du deuxième président de la VIe section, Fernand Braudel.

Au sein de ces dossiers se trouvait, placé à l’intérieur d'une chemise portant le nom de Marc Bloch (« Marc Bloch. Manuscrit tapé »), elle-même insérée dans une autre chemise intitulée « Mélanges Lucien Febvre », ce manuscrit de Lucien Febvre [1]. Ces Mélanges ayant été publiés en 1953, le dossier a donc pu être considéré comme celui d'une affaire classée [2]. Rien n'identifiait de l'extérieur le contenu réel de la liasse aux yeux de la personne qui fut chargée de ranger, probablement en 1959, lors du déménagement de la VIe section de la rue de Varenne vers la rue de la Baume, une série de dossiers selon leurs intitulés.

Les différentes strates de documents et d'hommes qui ont entouré la découverte de ce manuscrit nous amènent à interpréter le hasard en destin. Marc Bloch, Lucien Febvre, Fernand Braudel, François Furet, quelle étonnante filiation dans les hasards de cette perte et de cette re-découverte.

Cet étrange destin se double d'une référence supplémentaire, quoique secondaire, celle de l'Amérique. Dans l'évocation de l'événement majeur qui, en 1942, provoqua chez Lucien Febvre le choc et la cristallisation de sa pensée sur ces thèmes de l'honneur et de la patrie, l'Amérique est présente : c'est le débarquement des Alliés en Afrique du Nord et le déchirement des hommes, d'une nation, à la croisée des chemins. Lucien Febvre fait en effet allusion dans son avant-propos au double sort des fils d'Henriette Psichari, secrétaire de L'Encyclopédie française, dont l'un, officier de marine, est mort devant Oran le 8 novembre 1942, lors du débarquement des troupes américaines, et l'autre, officier de carrière, a suivi la colonne Leclerc à la suite de l'appel du 18 juin 1940 [3].

Ces événements sont, très directement, à l'origine de la réflexion de Lucien Febvre sur les thèmes qu'il aborde dès la Libération dans son cours au Collège de France : le sentiment de l'honneur et celui de la patrie, dans lesquels il identifie « les deux sources du sentiment national en France [4] ».

Lucien Febvre a en effet inscrit, pour l'année 1945-1946, au programme du cours qu'il professait le samedi matin au Collège de France, l'étude des deux sources du sentiment national en France « telles que les désigne la devise inscrite sur nos drapeaux : "Honneur et patrie" [5] ». N'ayant pu traiter cette année-là que du sentiment de l'honneur, il poursuit cette étude l'année suivante « par des leçons sur l'idée de patrie et surtout sur les manifestations réelles du sentiment patriotique en France du XVIe au XIXe siècle [6] ».

De ces cours, Lucien Febvre pensait retravailler la matière pour en tirer un livre. Il l'annonce très explicitement, et il en date l'origine : « L'idée de ce livre, d'historien et, j'espère, de pure histoire, m'est venue brusquement un triste jour de 1942. Il sera né, comme bien d'autres, d'une méditation engagée par la mort [7]. » Après avoir posé toute une série de questions auxquelles est confronté l'historien, Lucien Febvre conclut : « Et voilà comment naquit un livre qui fut parlé au Collège de France publiquement, dès 1945, et que l'auteur a gardé dans l'ombre pendant dix ans, volontairement et par un sentiment qui se passe d'exégèse [8]. »

Toutefois, le « manuscrit retrouvé », tel qu'il s'est présenté à nous, ne comporte de ce livre projeté que la préface, entièrement rédigée. Les autres parties de ce manuscrit sont en effet constituées par une première rédaction de cet avant-propos et des notes, classées en leçons numérotées, beaucoup moins achevées dans leur forme, et dans lesquelles nous avons identifié les notes de préparation du cours professé en 1945-1946 par Lucien Febvre au Collège de France [9].

Nombre d'indices permettent de penser que les deux rédactions de cet avant-propos sont séparées par une période de près de dix ans, la première pouvant être datée de 1947 et la seconde de 1955. Cette seconde rédaction, intitulée par Lucien Febvre « Honneur et patrie. Préface », représente une forme plus achevée et plus proche sans doute de ce qu'elle aurait été si Lucien Febvre en avait terminé la mise au point, et c'est pourquoi nous l'avons placée en tête de ce volume.

L'édition de cette préface est suivie de celle des notes des leçons du cours professé par Lucien Febvre en 1945-1946 et de la seule leçon retrouvée pour l'année 1947, et complétée par celle de la première rédaction de l'avant-propos primitivement intitulée par Lucien Febvre « Honneur, ou Patrie ? ».

Ce « manuscrit retrouvé » ne constitue pas toutefois la seule trace des recherches menées par Lucien Febvre sur ce thème des « deux sources du sentiment national en France » et de son projet de livre.

Ses réflexions, ses notes de lectures, organisées en dossiers suivant ce qui apparaît comme les articulations du livre qu'il projetait d'écrire, ont en effet été heureusement conservées à son domicile, et permettent d'éclairer la genèse de ce livre inachevé. Nous en donnons l'inventaire, à la suite de l'édition, ainsi que des extraits qui nous ont semblé particulièrement éclairants sur la conception que Lucien Febvre se faisait de l'honneur et de la patrie, de la nation et de l'État, et des rapports qu'ils entretiennent, conception qu'il aurait sans doute explicitée lors de la rédaction finale. Ces notes, regroupées sous le titre « Honneur, patrie : conception du livre »représentent sans doute l'état de la réflexion de Lucien Febvre lorsqu'il entreprit la rédaction de son avant-propos.

L'existence de ces différents dossiers, textes rédigés, notes de cours, notes de lecture et de travail, nous a semblé justifier une édition « critique », rendant compte de l'inachèvement même de l'œuvre de Lucien Febvre. De nombreuses ratures et reprises, dans les textes rédigés comme dans les notes de cours, l'existence même de deux rédactions successives de l'avant-propos, attestent en effet de l'incessant travail de réécriture auquel se livrait Lucien Febvre et témoignent d'une pensée encore en gestation. La fidélité au texte, dans toutes ses modifications, nous a paru être le seul moyen de rester fidèle à l'esprit même de celui-ci.

Les dossiers de travail, libéralement mis à notre disposition par le fils de Lucien Febvre, Henri Febvre, que nous remercions de son aide constante, ont permis d'identifier la plus grande partie des sources de Lucien Febvre. Là encore, nous avons tenu à rendre compte des ouvrages que Lucien Febvre avait utilisés. Confrontés au texte tel qu'il nous est parvenu, ces dossiers constituent un témoignage irremplaçable sur le travail de l'historien, l'appropriation et la re-création qui sont au cœur même de l'écriture de l'histoire.

Thérèse CHARMASSON et Brigitte MAZON.



[1]    La chemise intitulée « Marc Bloch. Manuscrit tapé » porte au verso : « Marc Bloch. Évolution économique et problèmes sociaux en France aux 14e et 15e siècles ».

[2]    Mélanges Lucien Febvre, introduction de Fernand Braudel, Paris, 1953.

[3]    H. PSICHARI, Des jours et des hommes (1890-1961), Paris, 1962, p. 199-207.

[4]    En 1945, Lucien Febvre indique, dans le programme des cours pour l'année scolaire 1945-1946, que son cours du samedi matin portera sur : « Deux notions, deux sentiments : l'Honneur et la Patrie. Enquête documentaire », voir Annuaire du Collège de France, 45e année, Paris, 1945, p. 168-169 ; voir le résumé du cours publié en 1946 dans : Annuaire du Collège de France, 46e année, Paris, 1946, p. 150-151 ; ci-dessous, p. 267.

[5]    Ibid.

[6]    En 1946, Lucien Febvre, dans le programme des cours pour l'année scolaire 1946-1947, intitule son cours du samedi matin : « Recherches sur le sentiment national en France », voir Annuaire du Collège de France, 46e année, Paris, 1946, p. 187 ; voir le résumé de ce cours dans : Annuaire du Collège de France, 47e année, Paris, 1947, p. 167-168 ; ci-dessous, p. 268.

[7]    « Honneur et patrie. Préface », avant-propos 2, ci-dessous, p. 29.

[8]    Ibid., p. 32.

[9]    Pour une présentation détaillée du manuscrit et des problèmes de datation qu'il pose, voir à la fin du volume, p. 353-370.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 31 décembre 2009 12:57
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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