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Collection « Les auteur(e)s classiques »

La vie affective. Physiologie - Psychologie - Socialisation (1948).
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Georges Dumas (1866-1946), La vie affective. Physiologie - Psychologie - Socialisation. (1948). [Recueil de textes publiés entre 1892 et 1935] Paris: Les Presses universitaires de France, 1re édition, 1948, 408 pages. Collection: Bibliothèque de philosophie contemporaine. [Une suggestion de M. Rémi Guérinel]. Une édition numérique réalisée par Marcelle Bergeron, bénévole.

Préface

Je réunis ici sous le litre de psychologie affective un certain nombre de chapitres déjà publiés dans la Revue philosophique ou le Nouveau Traité de Psychologie, après les avoir remaniés, raccourcis, rajeunis et complétés dans leur ensemble par quelques additions et par un chapitre nouveau, celui des Passions. C'est une sorte de refonte de tout ce que j'ai publié de 1892 à 1935 sur les phénomènes affectifs. Il va de soi que j'ai laissé le plus d'étendue aux chapitres où j'ai le sentiment, illusoire ou non, d'avoir apporté quelque chose. Ces chapitres sont les suivants: l'Agréable et le désagréable, la Douleur et le plaisir, l'Émotion, l'Expression des émotions, les Larmes, les Mimiques.

Le lecteur qui désirerait des explications plus détaillées que celles qui sont données ici, pourra se reporter aux ouvrages et articles suivants: L'association des idées dans les passions, Revue philosophique, 1891; Les états intellectuels dans la mélancolie, Thèse de Médecine (Paris, Alcan, 1894); Traduction de Lange, Les émotions, avec préface (Paris, Alcan, 1895); Traduction de William James, La Théorie de l'émotion (Paris, Alcan, 1901) avec préface, Le sourire et l'expression des émotions (Paris, Alcan, 1906, 2e éd., 1946); Comment aiment les mystiques chrétiens (Revue des Deux Mondes, 1908); Troubles mentaux et troubles nerveux provoqués par la guerre (Paris, Alcan, 1918); Nouveau Traité de Psychologie, vol. 2, 3, et 4 (Paris Alcan, 1932) sqq.

Telle que je la présente, la psychologie de la vie affective peut se subdiviser en une psychologie statique qui comprend les plaisirs, les douleurs, les états agréables ou pénibles, les émotions et une psychologie dynamique qui comprend les besoins, les tendances instinctives, les passions orientées vers le but inconscient ou conscient qui caractérise les états dynamiques et qui manque toujours dans les états que nous appelons statiques.

Les derniers chapitres sont consacrés à l'expression des émotions, et aux mimiques qui font de ces expressions une manière de langage.

Dans chacun des chapitres, on a tâché d'étudier les phénomènes affectifs dans leur origine physiologique, dans leur nature psychologique et dans leur adaptation à la vie sociale qu'ils conditionnent et par laquelle ils sont conditionnés.

Il est des questions pour lesquelles ce plan tripartite est facile à exécuter et où l'on peut distinguer facilement la part qui revient à la physiologie, à la psychologie et à la sociologie, telle la question de la faim, de la soif, de l'instinct sexuel dans la psychologie dynamique, la question des émotions et de leur expression mimique dans la psychologie statique, et d'autre part, il est des questions comme celles des passions comme la curiosité scientifique ou l'avarice dont il est fort difficile d'indiquer la racine biologique à moins qu'on ne se contente de parler de tempérament, de caractère et de prédisposition. C'est dire que notre division tripartite, si elle est théoriquement défendable, n'est pas dans l'état actuel de nos connaissances complètement réalisable ou ne l'est pas également dans tous les chapitres.

On ne devra pas être surpris que nous ne parlions pas de l'expression des passions si l'on veut bien réfléchir que suivant la remarque de Darwin lui-même (285) les passions n'ont guère d'expression ; l'expression ne s'attache en effet qu'à leur triomphe ou à leur échec qui sont des émotions et non des passions. L'envie n'a pas d'expression tant qu’elle n'est que de l'envie, la haine n'en a pas davantage quand elle n'est que de la haine, l'amour n'a pas d'expression tant qu'il n'est que de l'amour. Ce qui donne de l'expression à ces passions, c'est l'espérance, c'est la crainte avec les représentations corrélatives, c'est l'anticipation représentée de leur satisfaction, etc. Mais ce sont encore là des émotions, non des passions. Les regards obliques du traître, les doigts crochus de l'avare sont des inventions de romans-feuilletons. Ce n'est pas que des mouvements musculaires ne se produisent pas dans les différentes formes du désir ou de la crainte, nous en avons noté quelques-uns ; mais ce sont des mouvements à peine ébauchés et qui se marquent bien rarement sur le visage.

*
* *
Je ne ferai pas l'historique des théories de la vie affective. La physiologie de l'émotion n'a été étudiée qu'à notre époque et l'historique n'aurait pas dans celle partie du sujet sa raison d'être.

Il y a eu au contraire au cours des trois derniers siècles de nombreuses théories des expressions émotionnelles mais dans l'ignorance où les auteurs étaient des conditions physiologiques et mécaniques de ces expressions comme des conditions sociales de la mimique qui les reproduit, ils n'ont guère apporté que des explications systématiques, tendancieuses, fantaisistes et même puériles, sans préjudice de remarques justes et fines qu'on peut relever chez les meilleurs.

Je voudrais cependant, dans un ouvrage qui va s'inspirer dans ses grandes lignes du mécanisme cartésien, rendre à notre Descartes la justice qui lui est due dans le domaine de la vie affective, où il a été, comme en beaucoup d'autres, un initiateur.

Les ouvrages modernes qui traitent de l'expression des émotions ne mentionnent même pas son nom et Darwin, comme Mantegazza, comme Piderit et comme Wundt, paraissent avoir complètement ignoré qu'il se soit occupé de la question. Descartes n'en a pas moins été le premier qui se soit fait une idée claire du problème de mécanique posé par les manifestations diffuses comme par les localisations apparentes des réactions émotionnelles et il pourrait, sur ce chapitre, en remontrer à tous ses successeurs, sans exception.

En fait de connaissances physiologiques, il en avait puisé quelques-unes de très rudimentaires dans la science de son temps sur l'anatomie du cerveau, du cœur, de l'estomac, des artères, des veines et quelques autres, plus sommaires encore, sur la physiologie des muscles fléchisseurs et extenseurs, des nerfs sensitifs et moteurs, du cerveau qui en subit l'influence ou les gouverne par l'intermédiaire des esprits animaux et sur la circulation du sang. Mais il croyait, avec tous ses contemporains, que le suc des aliments qui descendent dans l'estomac et les intestins, coule dans le foie et s'y élabore; il ignorait, avec eux, le rôle des fonctions respiratoires; il ne savait rien de la vie végétative, et l'on n'en finirait pas si l'on voulait énumérer toutes les erreurs et toutes les ignorances auxquelles il participait.

Pour suppléer, du moins en partie, aux insuffisances dont il avait conscience, il avait construit, par l'expérience et par le raisonnement, une physiologie à la fois simpliste, conjecturale et profonde. où il essayait d'expliquer, par les lois de la mécanique, les principaux phénomènes de la vie.

Il pensait qu'il y a, pendant toute la vie, une chaleur naturelle dans notre cœur, une espèce de leu, et que ce feu, qui dilate le sang dont les cavités du cœur sont remplies, est la cause que ce sang circule dans les artères et les veines par où il porte nourriture et chaleur à toutes les parties du corps (8, 9).

Il était persuadé également que les parties les plus subtiles du sang constituaient cette espèce de vent qu'on appelait, depuis Galien, les esprits animaux et que ces esprits, dilatés et raréfiés par la chaleur du corps, entrent sans cesse en grande quantité dans les cavités du cerveau «parce que tout le sang qui sort du cœur par la grande artère prend son cours en ligne droite vers ce lieu et que, n'y pouvant entrer tout entier, à cause qu'il n'y a que des passages fort étroits, celles des parties qui sont les plus agitées et les plus subtiles passent seules, pendant que le reste se répand en tous les endroits du corps» (10).

Il admettait aussi que si le cerveau meut les muscles en différentes manières et tel muscle plutôt que tel autre, c'est d'abord à cause de la diversité des mouvements qui sont excités dans les organes des sens par leurs objets et aussi parce que les esprits animaux qui parlent du cerveau sont diversement agités, diversement forts, diversement abondants et atteignent des muscles différents suivant le degré de leur agitation, de leur abondance ou de leur force (13-14).

Réserves faites sur la question de la volonté qu'il rattache à l'action de l'âme, ses principes d'explication sont strictement mécanistes. «Les mouvements ne dépendent, dit-il, que de la conformation de nos membres et du cours que les esprits, excités par la chaleur du cœur, suivent naturellement dans le cerveau, dans les nerfs et dans les muscles, en même façon que le mouvement d'une montre est produit par la force de son ressort et la figure de ses roues» (10).

Qu'il y eût là-dedans beaucoup d'erreurs et de grossières, il est superflu de le constater. Descartes s'est trompé souvent, et il ne pouvait pas ne pas se tromper, mais, en dépit de ses erreurs et de son vocabulaire périmé, il a pressenti ou formulé des lois biologiques capitales et si bien indiqué la route à suivre pour fonder une physiologie objective et mécaniste que ses erreurs même ont été fécondes.

Il est aujourd'hui classé par tous les physiologistes comme le précurseur de la physiologie moderne. Verworn (15) qui lui reproche le dualisme, pourtant inévitable en son temps, de sa méthode, scientifique à l'égard de la nature et métaphysique à l'égard de l'âme, n'en proclame pas moins l'influence considérable qu'il exerça sur le développement ultérieur de la physiologie par «la claire conception que tous les animaux, aussi bien que le corps de l'homme, se comportent entièrement comme des machines artificiellement construites et qu'ils se meuvent d'après des lois purement mécaniques» (16).

Cette conception de l'animal machine fut profitable, dès le XVIIe siècle, à tous les physiologistes par l'application qu'en fil Borelli à l'élude du mouvement animal et elle inspire encore aujourd'hui la physiologie des appareils moteurs comme la physiologie tout entière.

Dans l'ordre des vérités particulières, Descartes a formulé, d'après les faits, la conception moderne du réflexe; il a expliqué l'accommodation de l'œil par les variations de la courbure du cristallin, il a énoncé, à propos des muscles antagonistes, la loi de l'innervation réciproque, etc. Il a, conformément à son mécanisme et à ses observations, affirmé des lois que trois cents ans de patientes recherches n'ont fait que confirmer.

Les choses se sont passées de même quand il a étudié la physiologie des passions dans cet admirable traité des Passions de l’âme si souvent inexact dans ses affirmations physiologiques mais si jeune et si rapproché de nous par ses directions, en dépit du temps écoulé. «Bien qu'il ait été écrit dans les premiers jours de la science moderne, ce livre, dit justement Irons, supporte la comparaison avec tout ce qui a été écrit dans ces dernières années. Il serait difficile de trouver un traité des émotions qui lui fût supérieur en originalité, en profondeur, en suggestions» (296).

Descartes y traite de la définition des passions, de leurs causes organiques et mentales, de leurs signes extérieurs; il les explique, dans leur physiologie et leurs expressions, par les mêmes lois mécaniques que les autres faits du corps et s'il se trompe, ici comme ailleurs et, pour les mêmes raisons, dans le détail, il n'en a pas moins le mérite de voir ce qu'il convient de faire et d'indiquer la direction.

Les passions, ce sont pour lui tous les phénomènes affectifs, c'est-à-dire qu'il désigne ainsi non seulement ce que nous appelons aujourd'hui les passions, amour, haine, ambition, désir, mais aussi les émotions comme la surprise, la joie, la peur, etc.

D'une façon plus précise, il considère que toute passion peut être nommée perception dans la mesure où elle n'est pas une action de l'âme, une volonté; mais c'est une perception confuse et obscure, de par l'étroite union entre l'âme et le corps qui s'y révèle, et l'expérience fait voir d'autre part que «ceux qui sont le plus agités par leurs passions ne sont pas ceux qui les connaissent le mieux».

Il ajoute que toutes les passions peuvent être nommées des sentiments «à cause qu'elles sont reçues en l'âme, en même façon que les objets extérieurs et ne sont pas autrement connues par elle».

Enfin, il pense qu'on peul encore mieux les nommer des émotions de l'âme, non seulement à cause que ce nom peut être attribué à tous les changements qui viennent en l'âme, c'est-à-dire à toutes les pensées qui lui viennent, mais particulièrement parce que, de toutes les pensées qu'elle peut avoir, il n'y en a point d'autres qui l'agitent et l'émeuvent aussi fort que les passions (27-28).

Le terme d'émotion peut ainsi convenir à toutes les passions, particulièrement dans la mesure où elles agitent et ébranlent notre âme.

Descartes a expliqué, conformément à sa physiologie, et en se tenant aussi près que possible des faits, le mécanisme de l'expression dans les émotions ainsi définies. Nous ne résumerons pas ses explications, d'autant plus que beaucoup d'entre elles, toutes vraisemblables qu'elles lui aient paru, sont aujourd'hui caduques, mais nous voudrions au moins donner quelques exemples des résultats obtenus par lui dans la direction mécaniste qu'il a suivie.

Quand il parle des expressions diffuses communes à des émotions différentes, comme les changements de couleur, la pâmoison, la langueur, il va de soi qu'il est particulièrement enclin à invoquer des lois générales de mécanique neuro-musculaire ou neuro-cardiaque et c'est ainsi qu'il écrit à propos du tremblement: «Les tremblements ont deux diverses causes; l'une est qu'il vient quelquefois trop peu d'esprits du cerveau dans les nerfs, l'autre qu'il y en vient quelquefois trop. La première cause paraît en la tristesse et en la peur, comme aussi lorsqu'on tremble de froid, car ces passions peuvent, aussi bien que la froideur de l'air, tellement épaissir le sang qu'il ne fournisse pas assez d'esprits animaux pour en envoyer dans les nerfs, L'autre cause paraît souvent en ceux qui désirent ardemment quelque chose et en ceux qui sont fort émus de colère, comme aussi en ceux qui sont ivres, car ces deux passions, aussi bien que le vin, font aller quelquefois tant d'esprits animaux dans le cerveau qu'ils ne peuvent pas être réglément conduits de là dans les muscles.»

C'est une explication très analogue au moins dans son principe, à celle que nous offre aujourd'hui la physiologie et que nous exposons au chapitre IX.

Lorsque Descartes parle de l'étonnement qui peut précéder des émotions plus qualifiées de joie, de tristesse, de colère et de peur, mais qui n'est en lui-même qu'une réaction générale et non qualifiée de l'organisme, plus apparentée au choc émotionnel qu'aux émotions véritables, il utilise encore, avec succès, les mêmes principes généraux d'explication mécanique. Au lieu de s'arrêter sur l'ouverture de la bouche et des yeux qui nous a valu, chez ses successeurs, quelques explications puériles, voici ce qu'il écrit: «Cette surprise a tant de pouvoir pour faire, que les esprits qui sont dans les cavités du cerveau y prennent leur cours vers le lieu où est l'impression de l'objet qu'on admire, qu'elle les y pousse quelquefois et fait qu'ils sont tellement occupés à conserver cette impression qu'il n'y en a aucun qui passe de là dans les muscles ni même qui se détourne, en aucune façon, des premières traces qu'ils ont suivies dans le cerveau et fait que tout le corps demeure immobile comme une statue.»

C'est une conception de l'inhibition et c'est l'explication même de l'étonnement que Gratiolet n'a eu qu'à développer, en 1865, pour paraître la rajeunir.

Pour ce qui concerne les expressions localisées des émotions particulières de joie, de tristesse, de colère et de peur, Descartes a parfaitement vu ce que Darwin et Wundt ont trop rarement aperçu : c'est que la plupart de ces expressions ne sont que des manifestations locales, particulièrement apparentes, d'une expression générale et qu'elles relèvent d'explications analogues aux explications précédentes.

La joie se caractérise, remarque Descartes, par la coloration plus vive et plus vermeille comme par l'enflement modéré de toutes les parties du visage, ce qui en rend l'air plus riant et plus gai (1); il explique ces deux expressions bien connues par le fait que, les orifices du cœur étant élargis dans la joie, le sang sort plus rapidement, avec plus d'abondance que de coutume et remplit les muscles du visage dont il distend les parties.

La tristesse, au contraire, «en rétrécissant les orifices du cœur, fait que le sang coule plus lentement et avec moins d'abondance dans les veines et que, devenant plus froid et plus épais, il a besoin d'y occuper moins de place, en sorte que se retirant dans les plus larges qui sont les plus proches du cœur, il quitte les plus éloignées dont les plus, apparentes étant celles du visage, cela le fait paraître pâle et décharné (2), principalement lorsque la tristesse est grande et qu'elle survient promptement» (118).

Les expressions du visage dans la joie et la tristesse rentrent ainsi dans l'expression générale du corps et n'ont pas à recevoir de ces explications particulières dont on a tant abusé depuis Descartes. Nous dirions aujourd'hui que ce sont des manifestations du tonus et de l'hypotonus musculaires particulièrement visibles sur la face, à cause de la mobilité des muscles faciaux, des faits de vaso-dilatation ou de vaso-constriction cutanée particulièrement apparents dans les réseaux vasculaires délicats de la face; mais Descartes, qui ignore ces faits et qui ne les soupçonne même pas, est obligé de faire jouer un rôle décisif à d'autres facteurs généraux.

Il a eu ainsi le très grand mérite de montrer que les expressions diffuses s'étendent beaucoup plus loin qu'on ne l'avait pensé jusqu'à lui et que ne l'ont pensé, depuis lors, la plupart des psychologues de l'expression; il a présenté comme des faits de mécanique générale des réactions qui apparaissaient à tort comme des réactions locales, il a posé et, dans une certaine mesure, résolu comme ils devaient être posés et résolus, un certain nombre de problèmes d'expression considérés à tort comme particuliers ; il a ouvert largement, en grand physiologiste, en grand philosophe et en pleine clarté, la voie mécaniste où Spencer s'engagera deux siècles plus tard sans sortir assez de quelques généralités et en s'empêtrant par ailleurs dans des explications finalistes.

S'il a laissé inexpliquées un grand nombre d'expressions qui lui ont apparu comme locales c'est qu'il a été hors d'état, étant donné ses connaissances physiologiques, de les analyser dans leur complexité et c'est aussi parce qu'il a très bien vu que beaucoup d'entre elles relevaient de la mimique et non de l'expression naturelle. Il déclare, par exemple, que les expressions de l'œil ne sont pas aisées à décrire «à cause que chacune est composée de plusieurs changements qui arrivent au mouvement et en la figure de l’œil, lesquels sont si particuliers et si petits que chacun d'eux ne peut être aperçu séparément bien que ce qui résulte de leur conjonction soit fort aisé à remarquer... Il est vrai qu'il y en a quelques-unes qui sont assez remarquables, comme sont les rides du front en la colère et certains mouvements du nez et des lèvres en l'indignation et en la moquerie. Mais elles ne semblent pas tant être naturelles que volontaires (3) (113).» Et c'est tout.

Le mécanisme de Descartes a été comme déconcerté par les expressions dont il ne voyait pas clairement par quel biais elles pouvaient rentrer dans les lois simples de l'équilibre, de la direction du mouvement dans le sens de la moindre résistance et autres lois analogues. Mais, en dépit de cette limitation et des réserves qui précèdent, il a toujours pensé juste. Comme on le verra par les pages qui suivent, c'est de ses principes et de son esprit, sinon de ses explications, que nous nous inspirerons pour expliquer nombre d'expressions émotionnelles et, lorsque nous serons satisfait d'une explication, c'est qu'elle nous apparaîtra comme cartésienne.

Notes:

(1) C'est nous qui soulignons.
(2) Id.
(3) C'est nous qui soulignons.

Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 22 avril 2007 19:16
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue,
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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