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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Essai sur l’origine des connaissances humaines. [1746] (1798)
Avertissement de l'éditeur


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'Étienne Bonnot de Condillac, Essai sur l’origine des connaissances humaines. Tiré des oeuvres de Condillac, revues et corrigées par l’auteur. Paris: Ch. Houel, Imprimeur, 1798. Une édition réalisée à partir d'un fac-simile de la Bibliothèque nationale de France, Gallica, Bibliothèque numérique. Une édition numérique réalisée par Jean-Marc Simonet, professeur retraité de l'enseignement, Université de Paris XI-Orsay, bénévole.

Avertissement de l'éditeur
Exécuteurs testamentaires de Mably.


Nous désirions, depuis longtemps, donner une édition complète des ouvrages de Condillac : Mably, son frère, devait lui-même la donner ; sa mort en suspendit l’exécution : il nous a laissé ce soin. Nous remplissons aujourd’hui ce devoir, que l’amitié, l’estime et la reconnaissance nous ont imposé. Nous espérons que la reconnaissance nationale célébrera un jour la mémoire de ces deux grands hommes, qui ont éclairé leur patrie par leurs écrits, et qui l’ont honorée par leurs vertus.

Le public jouirait, depuis plus de dix ans, de cette édition, si divers accidents, que nous croyons inutile de rapporter ici, n’avaient opposé des difficultés que nous n’avons pu faire lever que depuis quelques mois.

Les ouvrages de Condillac sont en grand nombre ; il en a revu, corrigé et augmenté la presque totalité. Ces corrections sont considérables, et les augmentations le sont encore davantage. Les seuls, auxquels il n’ait pas touché, sont celui de l’Origine des Connaissances Humaines et la Logique.

Il a laissé un manuscrit sur la Langue des Calculs, ouvrage élémentaire des plus intéressants, qui manquait à son Cours d’Études : le lecteur en sera convaincu en lisant cette édition.

Condillac avait demandé à Mably un ouvrage sur l’Étude de l’Histoire, pour servir à l’éducation du Prince confié à ses talents, à ses lumières et à ses vertus ; Mably ne refusa pas ce secours à son frère. Nous avons joint cet ouvrage au Cours d’Études.

L’exemplaire sur lequel Condillac a fait ses corrections et ses additions, ainsi que le manuscrit autographe sur la Langue des Calculs, ont été déposés, par les éditeurs, dans la Bibliothèque Nationale.

Nous avons cru faire une chose très avantageuse à la nation française, utile même à toutes les nations civilisées, en donnant cette édition. Quel temps plus favorable pouvions-nous choisir pour cette publication ! La cessation de l’enseignement public et l’espérance de l’établissement de nouveaux collèges la faisaient désirer.

Nous présentons à cette intéressante jeunesse, qui doit être un jour la lumière, le conseil et le guide de la nation, tous les secours dont elle a besoin pour acquérir les connaissances qui doivent tourner à son avantage, à la prospérité et à la gloire de la nation. Nous présentons aux maîtres chargés de l’honorable et pénible emploi de l’instruction publique, la marche qu’ils doivent tenir dans leur ministère. Les maîtres commenceront eux-mêmes à la suivre, pour la faire suivre à leurs élèves.

Nous ne pouvons pas nous dissimuler tous les vices de l’enseignement des anciens collèges. Les collèges de Paris méritent ici une exception bien honorable pour eux : le grand nombre d’hommes célèbres qui y ont été élevés fait leur éloge ; il est bien satisfaisant pour nous de leur rendre cette justice. S’ils n’ont pas fait tous les changements que les lumières qu’ils avaient répandues demandaient, c’est qu’ils n’en ont pas été les maîtres ; ils ont été obligés de se conformer à des usages que le temps avait consacrés.

Condillac n’ignorait pas ces vices quand il a bien voulu se charger, de l’éducation d’un prince. Il a pensé avec raison qu’il fallait prendre une autre route ; l’ancienne était trop couverte d’épines et d’embarras, elle rebutait les élèves ; elle inspirait le dégoût de l’étude, au lieu d’en inspirer l’amour.

Pour marcher avec sûreté sur cette nouvelle route, il lui a fallu étudier l’homme, connaître ses facultés physiques et intellectuelles, et ne rien oublier de tout ce qui a quelque rapport à sa nature. Avec le secours de ces connaissances, il a donné son Cours d’Études, et composé tous ses autres ouvrages. Son génie, esprit simple, qui trouve ce que personne n’avait trouvé avant lui, le véritable génie est toujours tel, nous a démontré que l’homme, dont l’organisation n’est pas vicieuse, peut parvenir à toutes les connaissances que sa nature comporte, et qu’aucune science n’est au-dessus de ses facultés ; mais pour cela ses connaissances doivent être plutôt son ouvrage que celui des maîtres. On ne sait bien que ce qu’on a appris soi-même, et une chose qu’on sait bien conduit à celle qu’on ne sait pas et qu’on veut savoir.

Quand on ne met dans sa mémoire que les connaissances des autres, ces connaissances sont stériles, au lieu qu’elles deviennent fécondes quand nous les acquérons nous-mêmes.

Les maîtres dignes de ce nom savent que la nature est notre premier maître, qui ne nous égare jamais et qui nous conduit toujours sûrement quand nous sommes dociles à ses leçons ; ils savent aussi que les erreurs et les préjugés, qui font le malheur de l’individu et qui font le fléau de la société, ne sont que l’ouvrage de l’homme trop paresseux pour observer et trop vain pour suivre une route commune que la nature a tracée pour tous. Voulez-vous savoir et bien savoir ? Lisez et étudiez Condillac avec toute l’attention dont vous êtes capable, vous serez en état de vous approprier ses idées. Faites comme il a fait : vous avez ses moyens. La nature ne lui avait pas donné d’autres facultés que les vôtres ; il a su les faire valoir, parce qu’il l’a bien voulu ; si vous le voulez, comme lui, vos progrès n’auront t d’autre terme que celui de vos facultés.

Si on voulait descendre jusqu’au premier âge et se rappeler qu’alors nos besoins étaient nos seuls maîtres, on sentirait que, dans un âge plus avancé, ils ne doivent pas cesser de l’être. Nos instituteurs ont étudié ces besoins ; ils les connaissent ; ils se servent des premières connaissances que nous avons acquises par leurs moyens et qui tiennent à celles qu’ils nous font encore acquérir ; ils perfectionnent aussi le langage que les nourrices n’ont fait qu’ébaucher : leur surveillance, leurs lumières et leur expérience nous sont nécessaires, elles nous épargnent les écarts et les erreurs qui suspendraient le cours de nos succès.

Le don précieux de la parole nous a rendus capables de former une langue régulière ; c’est cette langue qui a succédé aux premiers signes quand nous avons commencé à en bégayer quelques mots. Elle a secondé notre éducation. L’analogie a présidé à sa formation. Nous devons la lui conserver pour la porter à sa plus grande perfection, et pour rendre nos idées avec plus de facilité et de précision ; sans cela nous nous exposerions à prendre les mots pour des choses.

Nous ne parlons que pour faire comprendre ce que nous pensons. Combien de fois nous parlons sans nous entendre nous-mêmes, et par conséquent sans être entendus ! Cela n’arriverait pas si nous avions soin de n’employer que les mots propres qui rendent parfaitement nos idées.

La langue vulgaire est celle que nous devons cultiver la première, puisqu’elle est la première que nous parlons ; il est de la plus grande importance que nous la sachions bien.

Rien n’était plus commun dans les anciens collèges que de trouver des écoliers qui faisaient souvent autant de fautes dans leurs versions françaises que dans leurs compositions latines. On s’y occupait plus de leur faire éviter les fautes latines que les fautes françaises. Tous ceux qui y ont été élevés conviendront de cette vérité ; ils conviendront encore qu’après en être sortis, ils ont été obligés, pour s’épargner la honte de mal parler, d’étudier leur propre langue.

Quant à la langue latine, qu’ils savaient très mal, ils l’oubliaient tout-à-fait, s’ils n’en faisaient pas une étude particulière et s’ils ne se familiarisaient longtemps avec elle.

Il serait à souhaiter que l’exemple du père de Montaigne fût suivi, non pour commencer à faire apprendre le latin à un enfant, la langue vulgaire doit précéder toute autre langue, mais pour le placer dans un établissement où l’on ne parlerait que le latin, et là sans art, sans livres, sans grammaire ou précepte, sans fouet et sans larmes, j’avais appris le latin, dit Montagne ; j’avais appris, ajoute-t-il, du latin tout aussi pur que mon maître d’école le savait ; car je ne pouvais l’avoir mêlé ni altéré [1]. Si nous avions cet établissement où tous ceux qui seraient employés à enseigner le latin sauraient bien cette langue et ne parleraient qu’elle, les élèves, dans deux ans, la parleraient avec la même facilité et la même élégance que leurs maîtres ; au lieu que, dans nos anciens collèges, les écoliers, après dix ans d’enseignement, étaient quelquefois embarrassés pour l’explication d’un passage latin ; et s’ils voulaient lire avec quelque peu de facilité les auteurs latins, ils étaient obligés d’en faire une nouvelle étude.

La cause de cet embarras était l’usage d’enseigner cette langue avec une métaphysique qui dégoûtait et rebutait les élèves. Si on voulait la leur enseigner comme Montaigne l’a apprise, cette méthode satisferait le maître et l’écolier. L’enseignement du grec demanderait le même établissement.

Ces deux langues mortes sont fort utiles, si elles ne sont pas nécessaires, quand on veut parcourir la carrière des lettres. Il n’y a point d’auteur, qui ait eu quelque réputation, qui n’ait su au moins une de ces deux langues : c’est dans ces deux langues que nous avons des modèles dans tous les genres. Les Grecs ont été les maîtres des Romains ; les Grecs et les Romains ont été les nôtres : ils le seront toujours, tant que le goût de la belle et de la bonne littérature régnera en France.

Quant aux langues vivantes, que nos relations commerciales et politiques rendent nécessaires, il conviendrait d’avoir un établissement conforme à ceux que nous proposons pour les langues grecque et latine. Des maîtres instruits, qu’on prendrait dans les pays où on les parle, formeraient des élèves qui rempliraient les vues du commerce et du gouvernement.

Les Grecs parcouraient les pays pour acquérir des connaissances : l’Égypte et l’Asie étaient les lieux où ils en trouvaient le plus ; à leur retour ils les répandaient dans leur patrie, avec cette satisfaction que l’amour et la gloire de la patrie inspirent aux grandes âmes.

Nous ne sommes pas obligés d’aller les chercher loin de nous ; nous avons dans notre sein des savants dans tous les genres : nos anciennes académies les possédaient. Il est vrai, qu’à notre grande satisfaction, une partie de leurs membres a été appelée à l’Institut national : les lettres et les sciences les y appellent tous. Cette réunion de talents et de lumières rendra à la France son premier éclat ; elle échauffera le génie naissant ; elle excitera à l’étude, et cette ardente Jeunesse, poussée par une noble émulation, travaillera à se rendre digne un jour d’y occuper une place. Combien de littérateurs et de savants, qui ont acquis une grande célébrité, seraient aujourd’hui dans l’oubli, et n’auraient fait que végéter dans l’ignorance, si les anciennes académies n’avaient pas existé ! Elles ne sont plus : une chose doit adoucir nos regrets. Espérons que l’Institut national deviendra un jour le temple des muses et le centre des arts.

A cet espoir flatteur nous joignons celui de voir les ouvrages de Condillac entre les mains des maîtres chargés de l’éducation de la jeunesse et entre celles de leurs élèves. Cette lecture, faite avec réflexion, assurera la gloire des maîtres et les progrès des élèves. C’est dans cette espérance que nous donnons cette édition. Les pères se féliciteront d’avoir pour l’éducation de leurs enfants des secours qui leur ont manqué.

Arnoux. Mousnier.



[1] Essais, tome I, chap. 25.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 11 janvier 2011 13:22
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cegep de Chicoutimi.
 



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