Oeuvres de Pierre Teilhard de Chardin, tome 4: Le milieu divin. Essai de vie intérieure


 

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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Oeuvres de Pierre Teilhard de Chardin, tome 4: Le milieu divin. Essai de vie intérieure
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir des Oeuvres de Pierre Teilhard de Chardin, tome 4: Le milieu divin. Essai de vie intérieure. Paris: Les Éditions du Seuil, 1957, 203 pp. Collection: Oeuvres de Pierre Teilhard de Chardin, no 4. Une édition numérique réalisée par Gemma Paquet, bénévole, professeure de soins infirmiers retraitée du Cégep de Chicoutimi.

[21]

LE MILIEU DIVIN.

Essai de vie intérieure

Introduction

[23]

« In eo vivimus. »

L'ENRICHISSEMENT et le trouble de la pensée religieuse, en notre temps, tiennent sans doute à la révélation qui se fait, autour de nous et en nous, de la grandeur et de l'unité du Monde. - Autour de nous, les Sciences du Réel étendent démesurément les abîmes du temps et de l'espace ; et elles décèlent sans cesse des liaisons nouvelles entre éléments de l'Univers. - En nous, sous l'exaltation de ces découvertes, un monde d'affinités et de sympathies unitaires, aussi anciennes que l'âme humaine, mais rêvées jusqu'ici, plutôt que vécues, s'éveillent et prennent consistance. Savantes et nuancées chez les vrais penseurs, naïves ou pédantes chez les demi-instruits, les mêmes aspirations vers de l'Un plus vaste et mieux organise, les mêmes pressentiments d'énergies inconnues et employées sur des domaines nouveaux, apparaissent partout à la fois. Il est presque banal, aujourd'hui, de rencontrer l'homme qui, sans pose, tout naturellement, vit avec la conscience explicite d'être un atome ou un citoyen de l'Univers.

[24]

Cet éveil collectif, semblable à celui qui fait prendre, un beau jour, à chaque individu, la conscience des vrais dimensions de sa vie, a nécessairement sur la masse humaine un profond contrecoup religieux, - pour abattre ou pour exalter.

Pour les uns, le Monde se découvre trop grand. Dans un pareil ensemble, l'Homme est perdu, - il ne compte pas : nous n'avons dès lors qu'à ignorer et à disparaître. - Pour les autres, au contraire, le Monde est trop beau : c'est lui, et lui seul, qu'il faut adorer.

Il y a des chrétiens (comme des hommes) qui échappent encore à cette angoisse ou à cette fascination. Les pages qui suivent ne les intéresseront pas. Mais il y en a d'autres qui sont effrayes de l’émoi ou de l'attraction que produit invinciblement sur eux le nouvel Astre qui monte. - Le Christ évangélique, imaginé et aimé aux dimensions d'un Monde méditerranéen, est-il capable de recouvrir et de centrer encore notre Univers prodigieusement agrandi ? Le Monde n'est-il pas en voie de se montrer plus vaste, plus intime, plus éblouissant que Jehova ? Ne va-t-il pas faire éclater notre religion ? Éclipser notre Dieu ?

Sans oser peut‑être, encore, s'avouer cette inquiétude, beaucoup (je le sais, parce que je les ai rencontrés, souvent, et partout ... ) la sentent néanmoins tout éveillée au fond d'eux‑mêmes. C'est pour ceux‑là que j'écris.

Je ne chercherai pas à faire de la Métaphysique [25] ni de l'Apologétique. Mais je reviendrai, avec ceux qui voudront me suivre, sur l’Agora. Et là, tous ensemble, nous écouterons saint Paul dire aux gens de l'Aréopage : « Dieu, qui a fait l'Homme pour que celui‑ci le trouve, - Dieu que nous cherchons à saisir par le tâtonnement de nos vies, - ce Dieu est aussi répandu et tangible qu'une atmosphère où nous serions baignés. Il nous enveloppe de partout, comme le Monde lui‑même. Que vous manque-t-il donc pour que vous puissiez l'étreindre ? Une seule chose : le voir[1] »

Ce petit livre, où l'on ne trouvera que l'éternelle leçon de l'Église, répétée seulement par un homme qui croit sentir passionnément avec son temps, voudrait apprendre à voir Dieu partout : le voir au plus secret, au plus consistant, au plus définitif du monde. Ce que renferment et proposent ces pages, c'est donc uniquement une attitude pratique, - ou, plus exactement peut‑être, une éducation des yeux : - Ne discutons pas, voulez-vous ?

[26]

Mais placez-vous, comme moi, ici, et regardez. De ce point privilégié qui n'est pas le sommet difficile réserve à quelques élus, mais qui est la solide plateforme construite par deux mille ans d'expérience chrétienne, vous allez voir, très simplement, s'opérer la conjonction des deux astres dont les attractions diverses désorganisaient votre foi. Sans mélange, sans confusion, Dieu, le vrai Dieu chrétien, envahira, sous vos yeux, l'Univers. L'Univers, notre Univers d'aujourd'hui, l'Univers qui vous épouvantait par sa grandeur méchante ou sa beauté païenne. Il le pénétrera comme un rayon fait d'un cristal ; et, à la faveur des nappes immenses du créé, il se fera pour vous universellement tangible et actif, - tout proche et très lointain tout à la fois.

Si vous savez, accommodant le regard de votre âme, apercevoir cette magnificence, vous oublierez, je vous le promets, vos vaines craintes en face de la Terre qui monte ; et vous ne penserez plus qu'à vous écrier : « Plus grand encore, Seigneur ! toujours plus grand soit votre Univers, afin que, par un contact sans cesse intensifie et élargi, je vous tienne et sois tenu par Vous ! »

La marche que nous suivrons dans notre exposé sera toute simple. Puisque, dans le champ de l'expérience, l'existence de chaque homme se divise adéquatement en deux parts : ce qu'il fait et ce qu'il subit, nous envisagerons tour à tour le domaine de nos activités et celui de nos passivités. Pour [27] chacun d'eux nous constaterons, tout d'abord, que Dieu, suivant sa promesse, nous attend vraiment dans les choses., à moins qu'il n'y vienne à notre rencontre. Ensuite, nous admirerons comment, par la manifestation de sa sublime Présence, Il n'altère pas l'harmonie de l'attitude humaine, mais apporte au contraire à celle‑ci sa vraie forme et son achèvement. Ceci fait, c'est-à-dire les deux moitiés de notre vie - (et par conséquent la totalité de notre Monde lui‑même) s'étant montrées pleines de Dieu, il ne nous restera plus qu'a inventorier les propriétés merveilleuses de ce milieu partout répandu (et cependant ultérieur à tout !) en qui seul nous sommes construits, pour pouvoir, dès maintenant, respirer pleinement.



[1] L'auteur, à la fin de sa vie, est revenu sur Le Milieu Divin en deux écrits autobiographiques, développant ainsi ce qu'il entendait par « Le voir » :

« Le Monde au cours de toute ma vie, par toute ma vie, s'est peu à peu allumé, enflammé à mes yeux, jusqu'à devenir, autour de moi, entièrement lumineux par le dedans...

« Telle que je l'ai expérimentée au contact de la Terre : - la Diaphanie du Divin au coeur d'un Univers devenu ardent... Le Christ. Son Coeur. Un Feu : capable de tout pénétrer - et qui, peu à peu, se répandait partout. »  N. D. E.


Retour au texte de l'auteure: Simone Weil, philosophe Dernière mise à jour de cette page le mardi 20 novembre 2012 19:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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