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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Socialismes français: du socialisme utopique à la démocratie industrielle. (1932)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre Célestin Bouglé (1870-1940), Socialismes français: du socialisme utopique à la démocratie industrielle (1932). Paris : Armand Colin, 1951, c1932. Collection : Collection Armand Colin (Section d’Histoire et Sciences économiques) n° 149, 200 pages. Une édition numérique réalisée par Jean-Claude Bonnier, bénévole, professeur d'histoire et d'économie au Lycée de Douai, dans le département du nord de la France.

Préface

L’histoire est souvent un moyen de s’évader du présent. Surtout s’il s’agit de l’histoire des doctrines. Les constructions intellectuelles des grands inventeurs offrent à la pensée un abri commode, refugium ac solatium. On s’y installe en laissant tomber à la porte le souci du lendemain.

Mais cette tactique n’est pas toujours également facile à appliquer. Lorsque nous nous trouvons en présence de systèmes qui tendent à la réorganisation de la société – ceux qui sont du ressort de l’économie sociale -, et qu’un siècle à peine, ou moins d’un siècle, nous sépare du moment où ils ont été élaborés, alors il est quasiment impossible d’arrêter la vibration, de s’abstraire des problèmes encore posés qu’ils ont tenté de résoudre, et d’oublier des inquiétudes toujours actuelles. Surtout si l’on a soi-même participé d’une façon ou d’une autre à l’action sociale, on ne peut s’empêcher d’opérer une incessante confrontation entre ces systèmes et la vie, on cherche à préciser et ce qu’ils lui ont donné déjà, et ce qu’ils pourraient lui donner encore.

Ainsi s’expliquent les visées et la méthode de ce petit livre. Chargé depuis vingt-cinq ans bientôt d’enseigner l’histoire de l’économie sociale à la Sorbonne, mon attention a été longtemps retenue par les doctrines qui préparent, pour résoudre les questions sociales, une transformation des institutions. On sait combien ces tentatives ont été nombreuses en France dans la première moitié du XIXème siècle. Notre moisson d’idées-programmes, dans cette période, est incomparable. L’Allemagne se glorifie avec raison d’avoir vu naître, après Kant, Fichte, Schelling, Hegel. Mais nous avons aussi une trinité d’inventeurs à honorer: Saint-Simon, Fourier entre 1800 et 1830, et un peu plus tard Proudhon, construisent à leur tour de vastes systèmes. Des systèmes dominés sans doute, plus encore que ceux des Allemands, par une volonté d’action, et tendant plus directement à une refonte de l’organisation sociale. Mais eux aussi, nos « réformateurs » - c’est le titre sous lequel Louis Reybaud les raille- allèguent des principes, formulent des lois d’évolution, invitent les esprits à une sorte de tour du monde intellectuel. J’ai plus d’une fois essayé, tant à la Sorbonne qu’au Centre de Documentation sociale de l’Ecole Normale Supérieure, d’aider à la résurrection de ces penseurs, et de mettre en lumière pour la nouvelle génération la fécondité de leurs œuvres. Ayant eu d’ailleurs moi-même l’occasion, naguère, de suivre de près le mouvement des partis ou des ligues, des coopératives ou des syndicats, j’avais pu relever directement, dans les programmes des hommes d’action d’aujourd’hui, plus d’une trace de l’influence exercée par ces systèmes, ou en tout cas plus d’une tendance conforme, que l’on s’en doutât ou non, à leur esprit. Ainsi étais-je amené, en cherchant à pressentir ce que serait demain, à faire à chaque instant la navette entre les réalités d’aujourd’hui et les théories d’hier.

Et lorsque des Universités étrangères – en Belgique ou en Roumanie, en Portugal ou en Argentine, en Turquie ou en Allemagne - m’ont fait l’honneur de me demander de les renseigner sur les tendances économiques et sociales caractéristiques de la France contemporaine, il m’est arrivé d’emprunter mes cadres à l’histoire de l’économie sociale: allant par exemple des Saint-Simoniens à la grande industrie, du fouriérisme aux coopératives, du proudhonisme au syndicalisme.

Non que je veuille prétendre que tous nos capitaines d’industrie connaissent Saint-Simon, tous nos gérants de coopératives Fourier, tous nos secrétaires de syndi-cats Proudhon. Bien peu ont lu sans doute les œuvres de leurs parrains. Mais n’arrive-t-il pas souvent qu’un système, par divers intermédiaires, exerce une action sur ceux-là mêmes qui l’ignorent ? Des militants qui n’ont pas lu une ligne de Hegel ou de Darwin, sont pourtant imprégnés de hégélianisme ou de darwinisme. Il y a des idées qui sont « dans l’air »; on les respire sans s’en apercevoir. Et puis et surtout, sans s’inspirer d’une théorie, même indirectement, même inconsciemment, il arrive qu’on accomplisse des prédictions qu’elle légitimait, qu’on exécute des programmes qu’elle préconisait. On la retrouve, alors, sans la reconnaître. On ne l’applique pas, et pourtant on la vérifie. On en démontre la fécondité par une action conforme à ses principes, que ses principes n’ont pas engendrée. Coïncidences si l’on veut, ou convergences spontanées qui ne sont pas moins instructives pour l’historien que les influences proprement dites, directes ou indirectes.

Ces remarques valent surtout pour ce que nous appelons la trinité socialiste française: Saint-Simon, Fourier, Proudhon. Il va sans dire qu’autour d’eux, autour des deux premiers surtout, gravitent beaucoup de satellites, dont l’influence aussi mérite-rait d’être relevée. Buchez, par exemple, préconise l’association ouvrière et montre ce que peut une pensée catholique en face du problème social. Louis Blanc demande, au-dessus de l’action des associations ouvrières, celle de l’État organisateur du travail, serviteur du peuple; il soude étroitement le sentiment socialiste au sentiment démocratique. Nous ne négligerons pas de noter chemin faisant ce qui, dans les institutions ou les programmes d’aujourd’hui, rappelle l’un ou l’autre. Mais nous estimons qu’en nous installant au cœur des systèmes saint-simonien, fouriériste, proudhonien nous avons toutes chances de voir s’ouvrir les grandes avenues où la pensée sociale fran-çaise devait s’engager : ils nous fournissent les meilleurs des centres de perspective. Et c’en est assez pour expliquer l’attention particulière que nous donnons à ces trois doctrines.

Il reste que pour comprendre l’action qu’elles ont exercée sur le XIXème siècle, et celle qu’elles ont chance d’exercer sur le XXème siècle, encore faut-il se représenter les tendances qu’elles ont rencontrées sur leur route, - celles qu’elles contredisent, celles qu’elles continuent, celles avec qui elles composent. Et ainsi se justifie le plan de cette étude : avant de dresser le bilan du saint-simonisme, du fouriérisme, du proudhonisme, nous avons cru devoir rappeler sommairement le legs du XVIIIème siècle et celui de la Révolution française.


Retour au texte de l'auteur: Célestin Bouglé Dernière mise à jour de cette page le mardi 30 janvier 2007 7:26
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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