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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Les caractères originaux de l'histoire rurale française. Tome II. (1956)
Préface


Une édition électronique sera réalisée à partir du texte de Marc Bloch, Les caractères originaux de l'histoire rurale française. Tome II. (1956) Supplément établi d'après les travaux de l'auteur (1931-1944). Paris: Librairie Armand Colin, 1968, nouvelle édition, 5e tirage, 230 pp. Collection: Économies, sociétés, civilisation. Une édition numérique réalisée par Jean-Marc Simonet, bénévole, professeur retraité de l'Université de Paris.

Préface

La réédition des Caractères originaux de l’histoire rurale française, parus à Oslo en 1931, était devenue une des préoccupations dominantes de Marc Bloch. Mobilisé, il écrivait à M. Lucien Febvre, en novembre 1939, que « le travail le plus urgent serait de mettre sur pied l’introduction de la réimpression de mes Caractères originaux », déjà épuisés. « Le livre est encore utile et demandé [1] .... » Réimpression, disait-il, car la guerre l’empêchait de mener à bien son véritable projet : une refonte totale. Marc Bloch avait une trop haute mission du « métier d’historien » pour considérer un instant comme définitif et intangible tout ce qu’il avait écrit dans les Caractères. N’avait-il pas employé dans la préface les termes, fort nets, de « synthèse provisoire », d’« hypothèses de travail », de « direction de recherches », de « suggestions » ? Bien des travaux avaient été publiés depuis 1931, souvent inspirés par lui-même. Ne souhaitait-il pas « la meilleure récompense que nous puissions rêver : celle de voir nos propres esquisses rendues caduques par des travaux plus approfondis » et vieillir du fait même des études qu’elles auront suscitées ? « La mission d’un livre, écrivait-il, n’est jamais mieux remplie que le jour où les conclusions en sont contestées [2]. » Son travail incessant, ses nouvelles recherches l’avaient amené à reprendre bien des idées de ses Caractères et à modifier ses opinions. Loin de penser avoir créé un dogme immuable, il ne voulait pas qu’on citât son livre sans « signaler, en même temps, les rectifications apportées par l’auteur aux thèses qu’il avait soutenues [3] ». Depuis longtemps, il projetait une nouvelle édition fort augmentée, pVI en remaniant certains chapitres de fond en comble, en donnant plus de place à des notions qu’il n’avait qu’effleurées [4]. D’après ses propos, ses lettres, ses articles eux-mêmes, on connaît bien le sens qu’il entendait donner à cette nouvelle édition. Projet longuement mûri dans son esprit et qu’il ne put, hélas ! réaliser. Il est impossible de dire, après les pillages successifs, si Marc Bloch, fort pris d’ailleurs jusqu’à la guerre par d’autres grandes publications, avait commencé le travail de rédaction. Rien n’en a été retrouvé, ni parmi ses manuscrits, ni dans ses magnifiques dossiers documentaires qui, heureusement sauvés pour la plus grande partie, sont conservés à la Bibliothèque de l’École Normale Supérieure.

Mais il reste, bien infiniment précieux, tout ce que Marc Bloch a publié sur l’histoire rurale française depuis 1930, tant dans ses volumes que dans les articles, les notes et les fort nombreux comptes rendus donnés en très grande majorité aux Annales d’histoire économique et sociale, qu’il avait fondées en 1929 avec M. Lucien Febvre : on peut tenir ces articles, ces comptes rendus, si denses, si nourris de vues personnelles, de caractère si constructif, comme des matériaux en vue de cette seconde édition, de même qu’il a incorporé à La société féodale, parue en 1939-1940, des réflexions et opinions publiées auparavant. En même temps, il multipliait les conseils et règles de méthode : « Nous nous sommes fait une loi de ne pas craindre de nous répéter [5]. » Cette collaboration fut menée malgré les pires difficultés jusqu’en 1943, jusqu’au moment où Marc Bloch se donna désormais tout à la Résistance, quelques mois avant son arrestation. Après des mois de tortures, il périt sous les balles allemandes à Saint-Didier-de-Formans, à 25 kilomètres au Nord-Est de Lyon, le 16 juin 1944 [6].

On dispose donc de travaux publiés et datés correspondant à quatorze années de travail de Marc Bloch sur l’histoire rurale française postérieurement à la parution des Caractères. A la réédition intégrale de ce volume (1952) devait donc succéder logiquement un supplément d’« additions » et de « corrections » d’après Marc Bloch lui-même. Deux idées m’ont guidé : l’enrichissement de la documentation et l’évolution de la pensée, pVII faits nouveaux, notions nouvelles, opinions modifiées. Malgré des précédents illustres [7], j’ai voulu composer ce supplément, nullement le rédiger. Agir autrement provoquait le risque très grave de faire émettre à Marc Bloch des idées qu’il n’aurait jamais eues. Mieux valait, de mon point de vue, s’en tenir à ce qu’il a écrit et publié, sans vouloir compléter, ajouter, suppléer à des silences quelquefois volontaires, et ne chercher pour ses jugements, les modifications de points de vue, les horizons nouveaux, les idées personnelles ou adoptées, que la certitude de son exacte pensée, exprimée et, j’insiste sur cette préoccupation, datée. Évidemment, dans la réédition projetée des Caractères, Marc Bloch aurait introduit des développements systématiques et ordonnés. Si riches qu’aient été les matériaux à ma disposition, ils présentaient cependant, par ci par là, des lacunes. Ainsi ces nombreux comptes rendus ne pouvaient citer et analyser tout ce qui paraissait, par exemple toutes les monographies départementales des Services agricoles : Marc Bloch s’est borné à sept d’entre elles. Mais les ouvrages essentiels ne lui ont jamais échappé et on peut être certain que ce qu’on lira ici — textes reproduits ou résumés — ne vient que de Marc Bloch, à deux exceptions près toutefois : quelques indications bibliographiques nouvelles vraiment indispensables et des comptes rendus parus dans les Annales, complément absolu et indiscutable de l’œuvre de Marc Bloch, dus avant tout à M. Lucien Febvre, qui du reste à partir de 1940 remplaça de plus en plus son ami dans sa tâche aux Annales. Pour rester maniable, ce supplément ne pouvait reproduire tout ce que Marc Bloch a écrit sur l’histoire rurale française depuis 1930 et où ne manquent pas les redites volontaires, comme on l’a vu. Il m’a donc fallu choisir et résumer : il sera facile au lecteur de se reporter aux textes originaux, ce supplément constituant en même temps un index. Mais, autant que je l’ai pu, j’ai évité ces coupures pour que, dans les limites du possible, on retrouve ce style au charme si attirant, dont la délicatesse nuancée et subtile savait si bien s’allier à la netteté et à la vigueur.

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner de la disproportion des chapitres de ce supplément, ni du caractère fragmentaire pVIII de certains d’entre eux. On ne trouvera ici, pour plusieurs sujets, que des réflexions, des remarques, des notes critiques, des conseils : je pense, en particulier, à la révolution agricole des xviiie-xixe siècles et à l’histoire des prix agricoles, qui lui était apparue de si grande importance. Au contraire, je crois que ce qui a été reproduit sur la seigneurie, la communauté rurale, les régimes agraires, la forme des champs, l’assolement, constitue des chapitres assez complets, pas très éloignés de ce que Marc Bloch aurait rédigé. Bien entendu, j’ai pensé d’abord à développer les parties qui modifiaient le texte de 1930. A chaque chapitre des Caractères correspond un chapitre du supplément. A l’intérieur de chacun les extraits sont groupés sous des rubriques, traduisant les idées essentielles et suivant, autant que possible, l’ordre même de l’exposé dans les Caractères.

Marc Bloch a souvent et longuement insisté sur la nécessité et le rôle capital de l’histoire comparée. Il a scruté l’histoire rurale de pays étrangers, de l’Angleterre et de l’Allemagne principalement [8]. Ce qu’il en a dit dans les Annales renferme aussi des principes de méthode valables pour toute l’histoire rurale. Comme dans les Caractères, l’histoire comparée s’en tient ici aux points fondamentaux, et les pays aux frontières de la France actuelle, la Belgique, la Rhénanie, la Suisse notamment, ont été compris dans le cadre de l’histoire rurale française, dont ils sont inséparables. Bibliographie et index ont été établis d’après les mêmes principes.

Il est une précision que je tiens à donner très nettement, pour prévenir toute erreur : je me suis tout à fait effacé et je n’ai pas incorporé ici la moindre opinion personnelle. Ma seule préoccupation a été de présenter, aussi fidèlement que possible, la pensée de cet admirable historien dans une des branches où il a exercé la plus forte, la plus féconde influence. Je souhaite ne l’avoir trahie, ni déformée d’aucune façon. 

Dans la réédition des Caractères originaux, M. Lucien Febvre a remercié pour leur désintéressement l’Institut pour l’étude comparative des civilisations d’Oslo, éditeur de 1931, et les enfants de Marc Bloch. En m’associant à ces sentiments, je suis heureux en tête de ce « supplément » d’exprimer ma gratitude à M. Lucien Febvre lui-même, et aussi à MM. Fernand Braudel, Michel de Boüard, Robert Boutruche, Jean Meuvret, Aimé Perpillou et Charles Parain, ainsi qu’aux deux bibliothécaires successifs de l’École Normale Supérieure, MM. Paul Étard et Roger Martin. 


[1] 1. Annales d’histoire sociale, 1945, I, p. 20.

[2] 2. Annales ... , 1933, p. 375, et 1936, p. 489. « Petit livre ... qui, je le crains, sera plein de conjectures téméraires et pour une part fautives, mais qui du moins pourra servir de guide aux travailleurs et provoquer d’utiles vérifications et objections ... C’est pour être critiqué qu’on écrit, surtout un ouvrage de cette sorte ... une synthèse largement provisoire, comme celle que j’ai tenté de donner ... ». Lettres de 1930, 1932 et 1933 à Robert Boutruche et publiées par lui dans le Mémorial des années 1939-1945 de la Faculté des Lettres de Strasbourg, 1947, p. 203 et 204.

[3] 3. Mélanges d’histoire sociale, 1942, II, p. 61.

[4] 1. Ces intentions, il les exprimait à nouveau, et nettement, en février 1944, à l’un des derniers historiens qui l’ont vu, M. Robert-Henri Bautier, archiviste aux Archives nationales, détaché alors comme archiviste de la Creuse.

[5] 2. Annales ..., 1933, p. 478.

[6] 3. Par une rencontre pathétique, Marc Bloch était né le 6 juillet 1886 à Lyon, où enseignait alors son père, l’historien Gustave Bloch, plus tard professeur à l’École Normale Supérieure, puis à la Sorbonne.

[7] 1. Ainsi le tome VI de l’Histoire des institutions politiques de l’ancienne France, de Fustel de Coulanges, intitulé Les transformations de la royauté pendant l’époque carolingienne, 1891, fut « entièrement composé par Jullian de pièces et de morceaux détachés. Le titre même est de Jullian ainsi que le plan ; la composition et les accords sont si parfaits que le lecteur s’aperçoit à peine de ce que l’éditeur a ajouté au travail du maître ». A. Grenier, Camille Juilian, 1944, p. 120.

[8] 1. Une prochaine publication groupera les articles et comptes rendus de Marc Bloch consacrés à l’histoire rurale de l’Allemagne et de l’Europe centrale.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 5 mars 2008 10:48
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



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