Pour une Haïti heureuse.
Tome 1. Par l’éducation.

Préface

Encore élève de seconde au lycée de Port-au-Prince, je me fis inscrire en 1894 comme professeur bénévole au « Cours d'Adultes » de l'Association du Centenaire de l'Indépendance Nationale. Depuis ce jour déjà lointain jusqu'à la minute précise où j'écris ces lignes, une préoccupation a dominé ma pensée et dirigé mon activité sociale : celle de l'élévation du peuple haïtien par l'éducation et dans le travail. Il n'y pas une page sortie de ma plume qui ne témoigne de ce haut souci. Pas un acte de ma vie publique qui n'en ait été inspiré.

Si l'école du soir fondée par M. Jérémie, où mon cher et infortuné Massillon Coicou prodigua les trésors de son âme fraternelle, attira tout de suite mon dévouement juvénile, c'est qu'elle m'apparut — puisqu'elle faisait de l'ouvrier un écolier — comme le clair symbole de l'union des deux forces indispensables au développement harmonieux de la société haïtienne.

Je suis devenu plus tard professeur au lycée, et j'ai beaucoup enseigné dans d'autres écoles secondaires ou supérieures de Port-au-Prince. Jamais je ne me sentis plus fier de ma profession et ne me crus mieux récompensé de mon labeur que le jour où, visitant un chantier de constructions, je vis venir à moi un contremaître, qui me dit : « Vous m'avez appris à lire au Cours d'Adultes. Et c'est grâce à vous que je peux ici tenir ma place. Merci. »

Les articles que je réunis dans ce livre ont été écrits à des époques différentes. Sous ce titre commun : Pour une Haïti Heureuse, ils forment deux volumes, consacrés, le premier, à l'éducation nationale, le second au développement économique de notre pays.

[ii]

Ayant de bonne heure donné une orientation précise et pratique à mon activité, toute vouée aux œuvres d'éducation et de travail, j'ai tâché, dans les situations diverses où le sort m'a placé, de « réaliser » les idées que ma jeune intelligence et ma conscience avaient délibérément choisies comme seules capables de diriger mon effort social. Et c'est ma grande fierté de pouvoir affirmer, à ce moment d'une carrière déjà longue, l'accord constant de ma ce pensée » et de mon « action ».

Une femme et un homme de grand cœur et de haute intelligence ont exercé sur ma sensibilité et mon esprit l'influence la plus profonde : Argentine Bellegarde-Foureau et Justin Dévot. Je leur rends un hommage de filiale gratitude en inscrivant leurs noms aux premières pages de ce livre dédié au Peuple Haïtien, qu'ils aimèrent et servirent tous deux si passionnément.

D. B.

12 Septembre 1927.