Auguste Bebel (1891), La femme et le socialisme. Traduit de l'Allemand par Henri Bavé


 

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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Gaston Bachelard, LA POÉTIQUE DE LA RÊVERIE. (1960 [1968])
Introduction


Une édition numérique réalisée à partir du livre de Gaston Bachelard, LA POÉTIQUE DE LA RÊVERIE. Paris: Les Presses universitaires de France, 4e édition, 1968, 185 pp. Collection: Bibliothèque de philosophie contemporaine. 1ère édition, 1960. Une édition numérique réalisée par Daniel Boulagnon, bénévole, professeur de philosophie au lycée Alfred Kastler de Denain (France).

[1]

LA POÉTIQUE DE LA RÊVERIE

Introduction

Méthode, Méthode, que me veux-tu ? Tu sais bien que j'ai mangé du fruit de l'inconscient.
Jules LAFORGUE,
Moralités légendaires,
Mercure de France, p. 24.

I

Dans un livre récent complétant des livres antérieurs consacrés à l'imagination poétique, nous avons essayé de montrer l'intérêt que présente, pour de telles enquêtes, la méthode phénoménologique. Suivant les principes de la Phénoménologie, il s'agissait de mettre en pleine lumière la prise de conscience d'un sujet émerveillé par les images poétiques. Cette prise de conscience, que la Phénoménologie moderne veut adjoindre à tous les phénomènes de la Psyché, nous semblait donner un prix subjectif durable à des images qui n'ont souvent qu'une objectivité douteuse, qu'une objectivité fugitive. En nous obligeant à un retour systématique sur nous-même, à un effort de clarté dans la prise de conscience, à propos d'une image donnée par un poète, la méthode phénoménologique nous amène à tenter la communication avec la conscience créante du poète. L'image poétique nouvelle — une simple image ! — devient ainsi, bien simplement, une origine absolue, une origine de conscience. Dans les heures de grandes trouvailles, une image poétique peut être le germe d'un monde, le germe d'un univers imaginé devant la rêverie d'un poète. La conscience d'émerveillement devant ce monde créé par le poète s'ouvre en toute naïveté. Sans doute, la  conscience est promise à de plus grands exploits. Elle se constitue d'autant plus fortement qu'elle se donne à des œuvres de mieux en mieux coordonnées. En particulier, « la conscience de rationalité » a une vertu de permanence qui pose un difficile problème au phénoménologue : il s'agit pour lui de dire comment la conscience s'enchaîne dans une chaîne de vérités. Au contraire, [2] en s'ouvrant sur une image isolée, la conscience imaginante a — du moins à première vue — de moindres responsabilités. La conscience imaginante considérée vis-à-vis des images séparées pourrait alors apporter des thèmes à une pédagogie élémentaire des doctrines phénoménologiques.

Mais nous voici devant un double paradoxe. Pourquoi, demandera le lecteur non averti, surchargez-vous un livre sur la rêverie avec le lourd appareil philosophique qu'est la méthode phénoménologique ?

Pourquoi, dira, de son côté, le phénoménologue de métier, choisir une matière aussi fluante que les images pour exposer des principes phénoménologiques ?

Tout serait plus simple, semble-t-il, si nous suivions les bonnes méthodes du psychologue qui décrit ce qu'il observe, qui mesure des niveaux, qui classe des types — qui voit naître l'imagination chez les enfants, sans jamais, à vrai dire, examiner comment elle meurt chez le commun des hommes ?

Mais un philosophe peut-il devenir psychologue ? Peut-il plier son orgueil jusqu'à se contenter de la constatation des faits alors qu'il est entré, avec toutes les passions requises, dans le règne des valeurs ? Un philosophe reste, comme on dit aujourd'hui, « en situation philosophique », il a parfois la prétention de tout commencer mais, hélas ! il continue... Il a lu tant de livres de philosophie Sous prétexte de les étudier, de les enseigner, il a déformé tant de « systèmes » ! Quand le soir est venu, quand il n'enseigne plus, il croit avoir le droit de s'enfermer dans le système de son choix.

Et c'est ainsi que j'ai choisi la phénoménologie dans l'espoir de réexaminer d'un regard neuf les images fidèlement aimées, si solidement fixées dans ma mémoire que je ne sais plus si je me souviens ou si j'imagine quand je les retrouve en mes rêveries.

II

L'exigence phénoménologique à l'égard des images poétiques est d'ailleurs simple : elle revient à mettre l'accent sur leur vertu d'origine, à saisir l'être même de leur originalité et à bénéficier ainsi de l'insigne productivité psychique qui est celle de l'ima-gination.

Cette exigence, pour une image poétique, d'être une origine psychique, aurait cependant une dureté excessive si nous ne pouvions trouver une vertu d'originalité aux variations mêmes qui jouent sur les archétypes les plus fortement enracinés. Puisque [3] nous voulions approfondir, en phénoménologue, la psychologie de l'émerveillement, la moindre variation d'une image merveilleuse devait nous servir à affiner nos enquêtes. La finesse d'une nouveauté ranime des origines, renouvelle et redouble la joie de s'émerveiller.

A l'émerveillement s'ajoute en poésie la joie de parler. Il faut la prendre, cette joie, dans son absolue positivité. L'image poétique, apparaissant comme un nouvel être du langage, n'est en rien comparable, suivant le mode d'une métaphore commune, à une soupape qui s'ouvrirait pour dégager des instincts refoulés. L'image poétique éclaire d'une telle lumière la conscience, qu'il est bien vain de lui chercher des antécédents inconscients. Du moins, la phénoménologie est fondée à prendre l'image poétique dans son être propre, en rupture avec un être antécédent, comme une conquête positive de la parole. Si l'on écoutait le psychanalyste, on en viendrait à définir la poésie comme un majestueux Lapsus de la Parole. Mais l'homme ne se trompe pas en s'exaltant. La poésie est un des destins de la parole. En essayant d'affiner la prise de conscience du langage au niveau des poèmes, nous gagnons l'impression que nous touchons l'homme de la parole nouvelle, d'une parole qui ne se borne pas à exprimer des idées ou des sensations, mais qui tente d'avoir un avenir. On dirait que l'image poétique, dans sa nouveauté, ouvre un avenir du langage.

Corrélativement, en employant la méthode phénoménologique à l'examen des images poétiques, il nous apparaissait que nous étions automatiquement psychanalysé, que nous pouvions, avec une conscience claire, refouler nos anciennes préoccupations de culture psychanalytique. Nous nous sentions, en phénoménologue, débarrassé de nos préférences — ces préférences qui transforment le goût littéraire en habitudes. Nous étions, du fait du privilège donné à l'actualité par la phénoménologie, tout à l'accueil des images nouvelles que nous offre le poète. L'image était présente, présente en nous, écartée de tout le passé qui pouvait l'avoir préparée dans l'âme du poète. Sans nous soucier des « complexes » du poète, sans fouiller dans l'histoire de sa vie, nous étions libre, systématiquement libre, de passer d'un poète à un autre, d'un grand poète à un poète mineur, à l'occasion d'une simple image qui révélait sa valeur poétique par la richesse même de ses variations.

Ainsi la méthode phénoménologique nous enjoignait de mettre en évidence toute la conscience à l'origine de la moindre variation de l'image. On ne lit pas de la poésie en pensant à autre chose. [4] Dès qu'une image poétique se renouvelle, en un seul de ses traits, elle manifeste une naïveté première.

C'est cette naïveté, systématiquement réveillée, qui doit nous donner le pur accueil des poèmes. Dans nos études sur l'imagination active, nous suivrons donc la Phénoménologie comme une école de naïveté.

III

Devant les images que nous apportent les poètes, devant des images que nous n'aurions jamais pu imaginer nous-mêmes, cette naïveté d'émerveillement est toute naturelle. Mais à vivre passivement un tel émerveillement, on ne participe pas assez profondément à l'imagination créante. La phénoménologie de l'image nous demande d'activer la participation à l'imagination créante. Puisque le but de toute phénoménologie est de mettre au présent, en un temps d'extrême tension, la prise de conscience, il faut conclure qu'il n'y a pas, en ce qui concerne les caractères de l'imagination, de phénoménologie de la passivité. Au delà du contresens souvent fait, rappelons que la phénoménologie n'est pas une description empirique des phénomènes. Décrire empiriquement serait une servitude à l'objet, en se faisant une loi de maintenir le sujet dans la passivité. La description des psychologues peut sans doute apporter des documents, mais le phénoménologue doit intervenir pour mettre ces documents sur l'axe de l'intentionnalité. Ah ! que cette image qui vient de m'être donnée soit mienne, vraiment mienne, qu'elle devienne — sommet d'un orgueil de lecteur ! — mon œuvre ! Et quelle gloire de lecture si je pouvais, aidé par le poète, vivre l'intentionnalité poétique ! C'est par l'intentionnalité de l'imagination poétique que l'âme du poète trouve l'ouverture conscientielle de toute vraie poésie.

Devant une ambition si démesurée, jointe au fait que tout notre livre doit sortir de nos rêveries, notre entreprise de phénoménologue doit faire face à un paradoxe radical. Il est commun, en effet, d'inscrire la rêverie parmi les phénomènes de la détente psychique. On la vit dans un temps détendu, temps sans force liante. Comme elle est sans attention, elle est souvent sans mémoire. Elle est une fuite hors du réel, sans toujours trouver un monde irréel consistant. En suivant « la pente de la rêverie » — une pente qui toujours descend — la conscience se détend et se disperse et par conséquent s'obscurcit. Ce n'est donc jamais l'heure, quand on rêve, de « faire de la phénoménologie ».

En présence d'un tel paradoxe, quelle va être notre attitude ? [5] Loin de tenter de rapprocher les termes de l'antithèse évidente entre une étude simplement psychologique de la rêverie et une étude proprement phénoménologique, nous en augmenterons encore le contraste en mettant nos recherches sous la dépendance d'une thèse philosophique que nous voudrions d'abord défendre : Pour nous, toute prise de conscience est un accroissement de conscience, une augmentation de lumière, un renforcement de la cohérence psychique. Sa rapidité ou son instantanéité peuvent nous masquer la croissance. Mais il y a croissance d'être dans toute prise de conscience. La conscience est contemporaine d'un devenir psychique vigoureux, un devenir qui propage sa vigueur dans tout le psychisme. La conscience, à elle seule, est un acte, l'acte humain. C'est un acte vif, un acte plein. Même si l'action qui suit, qui devait suivre, qui aurait dû suivre reste suspendue, l'acte conscienciel a sa pleine positivité. Cet acte, nous ne l'étudierons, dans le présent essai, que dans le domaine du langage, plus précisément encore, dans le langage poétique, quand la conscience imaginante crée et vit l'image poétique. Augmenter le langage, créer du langage, valoriser le langage, aimer le langage, voilà autant d'activités où s'augmente la conscience de parler. Dans ce domaine si étroitement délimité, nous sommes assuré de trouver de nombreux exemples qui prouveront notre thèse philosophique plus générale sur le devenir essentiellement augmentatif de toute prise de conscience.

Mais alors, devant cette accentuation de la clarté et de la vigueur de la prise de conscience poétique, sous quel angle devons-nous étudier la rêverie si nous voulons nous servir des leçons de la Phénoménologie ? Car, enfin notre propre thèse philosophique accroît les difficultés de notre problème. Cette thèse a en effet un corollaire : une conscience qui diminue, une conscience qui s'endort, une conscience qui rêvasse n'est déjà plus une conscience. La rêverie nous met sur la mauvaise pente, sur la pente qui descend.

Un adjectif va tout sauver et nous permettre de passer outre aux objections d'une psychologie de premier examen. La rêverie que nous voulons étudier est la rêverie poétique, une rêverie que la poésie met sur la bonne pente, celle que peut suivre une conscience qui croît. Cette rêverie est une rêverie qui s'écrit, ou qui, du moins, se promet d'écrire. Elle est déjà devant ce grand univers qu'est la page blanche. Alors les images se composent et s'ordonnent. Déjà le rêveur entend les sons de la parole écrite. Un auteur, que je ne retrouve plus, disait que le bec de la plume était un organe du cerveau. J'en suis convaincu : quand ma plume [6] crache je pense de travers. Qui me rendra aussi la bonne encre de ma vie d'écolier ?

Tous les sens s'éveillent et s'harmonisent dans la rêverie poétique. C'est cette polyphonie des sens que la rêverie poétique écoute et que la conscience poétique doit enregistrer. À l'image poétique convient ce que Frédéric Schlegel disait du langage : c'est « une création d'un seul jet » [1]. Ce sont ces élans d'imagination que le phénoménologue de l'imagination doit essayer de revivre.

Certes, un psychologue trouverait plus direct d'étudier le poète inspiré. Il ferait, sur des génies particuliers, des études concrètes de l'inspiration. Mais vivrait-il pour autant les phénomènes de l'inspiration [2] ? Ses documents humains sur les poètes inspirés ne pourraient guère être relatés que dans un idéal d'observations objectives, extérieurement. La comparaison entre poètes inspirés ferait bientôt perdre l'essence de l'inspiration. Toute comparaison diminue les valeurs d'expression des termes comparés. Le mot inspiration est trop général pour dire l'originalité des paroles inspirées. En fait, la psychologie de l'inspiration, même lorsqu'on s'aide des récits sur les paradis artificiels, est d'une évidente pauvreté. Les documents sur lesquels peut travailler le psychologue sont, dans de telles études, trop peu nombreux et surtout ils ne sont pas vraiment assumés par le psychologue.

La notion de Muse, notion qui devrait nous aider à donner de l’être à l'inspiration, à nous faire croire qu'il y a un sujet transcendant pour le verbe inspirer, ne peut naturellement entrer dans le vocabulaire d'un phénoménologue. Déjà tout jeune adolescent, je ne comprenais pas qu'un poète que j'aimais tant pût user de luths et de muses. Comment dire avec conviction, comment réciter en retenant un fou-rire, ce premier vers d'un grand poème :

Poète, prends ton luth et me donne un baiser

C'était plus que ne pouvait supporter un enfant champenois.

Non ! Muse, Lyre d'Orphée, fantômes du haschich ou de l'opium ne peuvent que nous masquer l'être de l’inspiration. La rêverie poétique écrite, conduite jusqu'à donner la page littéraire, [7] va au contraire être pour nous une rêverie transmissible, une rêverie inspirante, c'est-à-dire une inspiration à la mesure de nos talents de lecteurs.

Alors les documents abondent pour un phénoménologue solitaire, systématiquement solitaire. Le phénoménologue peut réveiller sa conscience poétique à l'occasion de mille images qui dorment dans les livres. Il retentit à l'image poétique dans le sens même du « retentissement » phénoménologique si bien caractérisé par Eugène Minkowski [3].

Notons d'ailleurs qu'une rêverie, à la différence du rêve, ne se raconte pas. Pour la communiquer, il faut l'écrire, l'écrire avec émotion, avec goût, en la revivant d'autant mieux qu'on la récrit. Nous touchons là au domaine de l'amour écrit. La mode s'en perd. Mais le bienfait demeure. Il est encore des âmes pour lesquelles l'amour est le contact de deux poésies, la fusion de deux rêveries. Le roman par lettres exprime l'amour dans une belle émulation des images et des métaphores. Pour dire un amour, il faut écrire. On n'écrit jamais trop. Que d'amants qui rentrés des plus tendres rendez-vous ouvrent l'écritoire ! L'amour n'a jamais fini de s'exprimer et il s'exprime d'autant mieux qu'il est plus poétiquement rêvé. Les rêveries de deux âmes solitaires préparent la douceur d'aimer. Un réaliste de la passion ne verra là que formules évanescentes. Mais il n'en reste pas moins que les grandes passions se préparent en de grandes rêveries. On mutile la réalité de l’amour en la détachant de toute son irréalité.

Dans ces conditions, on comprend tout de suite combien les débats vont être complexes et mouvants entre une psychologie de la rêverie appuyée par des observations sur des rêveurs et une phénoménologie des images créantes, phénoménologie tendant à restituer, même chez un modeste lecteur, l'action novatrice du langage poétique. D'une manière plus générale, on comprend aussi tout l'intérêt qu'il y a, croyons-nous, à déterminer une phénoménologie de l'imaginaire où l'imagination est mise à sa place, à la première place, comme principe d'excitation directe du devenir psychique. L'imagination tente un avenir. Elle est d'abord un facteur d'imprudence qui nous détache des lourdes stabilités. Nous verrons que certaines rêveries poétiques sont des hypothèses de vies qui élargissent notre vie en nous mettant en confiance dans l'univers. Nous donnerons, dans le cours de notre ouvrage, de nombreuses preuves de cette mise en confiance dans [8] l'univers par la rêverie. Un monde se forme dans notre rêverie, un monde qui est notre monde. Et ce monde rêvé nous enseigne des possibilités d'agrandissement de notre être dans cet univers qui est le nôtre. Il y a du futurisme dans tout univers rêvé. Joé Bousquet a écrit :

Dans un monde qui naît de lui, l'homme peut tout devenir [4].

Dès lors si l'on prend la poésie dans sa fougue de devenir humain, au sommet d'une inspiration qui nous livre la parole nouvelle, à quoi peut bien servir une biographie qui nous dit le passé, le lourd passé du poète ? Si nous avions la moindre inclination pour la polémique, quel dossier nous pourrions amasser touchant les excès de biographie. N'en donnons qu'un échantillon.

Il y a un demi-siècle, un prince de la critique littéraire se donnait pour tâche d'expliquer la poésie de Verlaine, poésie qu'il aimait peu. Car comment aimer la poésie d'un poète qui vit en marge des lettrés :

Nul ne l'a jamais vu ni sur le boulevard, ni au théâtre, ni dans un salon. Il est quelque part, à un bout de Paris, dans l'arrière-boutique d'un marchand où il boit du vin bleu.

Du vin bleu ! Quelle injure pour le beaujolais qu'on buvait alors dans les petits cafés de la montagne Sainte-Geneviève !

Le même critique littéraire achève de déterminer le caractère du poète par le chapeau. Il écrit : « Son chapeau mou semblait lui-même se conformer à sa triste pensée, inclinant ses bords vagues tout autour de sa tête, espèce d'auréole noire à ce front soucieux. Son chapeau ! Pourtant joyeux à ses heures, lui aussi, et capricieux comme une femme très brune, tantôt rond, naïf, comme celui d'un enfant de l'Auvergne et de la Savoie, tantôt en cône fendu à la tyrolienne et penché, crâne, sur l'oreille, une autre fois facétieusement terrible : on croirait voir la coiffure de quelque banditto, sens dessus dessous, une aile en bas, une aile en haut, le devant en visière, le derrière en couvre-nuque [5]. »

Est-il un seul poème, dans toute l'œuvre du poète, qui puisse être expliqué par ces contorsions littéraires du chapeau ?

Il est si difficile de joindre la vie et l'œuvre ! Le biographe [9) peut-il nous aider en nous disant que tel poème a été écrit alors que Verlaine était à la prison de Mons :

Le ciel est par dessus le toit

Si bleu, si calme.

En prison ! qui n'est pas en prison aux heures de mélancolie ? Dans ma chambre parisienne, loin de mon pays natal, je mène la rêverie verlainienne. Un ciel d'autrefois s'étend sur la ville de pierre. Et dans ma mémoire chantent les stances musicales que Reynaldo Hahn a écrites sur les poèmes de Verlaine. Toute une épaisseur d'émotions, de rêveries, de souvenirs croît pour moi au-dessus de ce poème. Au-dessus — non pas au-dessous, non pas dans une vie que je n'ai pas vécue — non pas dans la vie mal vécue du malheureux poète. En lui-même, pour lui-même, l'œuvre n'a-t-elle pas dominé la vie, l'œuvre n'est-elle pas un pardon pour celui qui a mal vécu ?

En tout cas, c'est dans ce sens que le poème peut amasser des rêveries, assembler des songes et des souvenirs.

La critique littéraire psychologique nous dirige vers d'autres intérêts. D'un poète elle fait un homme. Mais dans les grandes réussites de la poésie, le problème reste entier : comment un homme peut-il, malgré la vie, devenir poète ?

Mais revenons à notre simple tâche d'indiquer le caractère constructif de la rêverie poétique et, pour préparer cette tâche, demandons-nous si la rêverie est, en toute circonstance, un phénomène de détente et d'abandon comme le suggère la psychologie classique.

IV

La psychologie a plus à perdre qu'à gagner si elle forme ses notions de base sous l'inspiration des dérivations étymologiques. C'est ainsi que l'étymologie amortit les différences les plus nettes qui séparent le rêve et la rêverie. D'autre part, comme les psychologues courent au plus caractéristique, ils étudient d'abord le rêve, l'étonnant rêve nocturne, et ils donnent peu d'attention aux rêveries, à des rêveries qui ne sont pour eux que des rêves confus, sans structure, sans histoire, sans énigmes. La rêverie est alors un peu de matière nocturne oubliée dans la clarté du jour. Si la matière onirique se condense un peu en l'âme du rêveur, la rêverie tombe au rêve, les « bouffées de rêverie », notées par les psychiatres, asphyxient le psychisme, la rêverie devient somnolence, le rêveur s'endort. Une sorte de destin de chute marque ainsi une continuité de la rêverie au rêve. Pauver [10] rêverie que celle qui invite à la sieste. Il faut même se demander si dans cet « endormissement » l'inconscient lui-même ne subit pas un déclin d'être. L'inconscient reprendra son action dans les rêves du vrai sommeil. Et la psychologie travaille vers les deux pôles de la pensée claire et du rêve nocturne, sûre ainsi d'avoir sous son examen tout le domaine de la psyché humaine.

Mais il est d'autres rêveries qui n'appartiennent pas à cet état crépusculaire où se mélangent vie diurne et vie nocturne. Et la rêverie diurne mérite, par bien des côtés, une étude directe. La rêverie est un phénomène spirituel trop naturel — trop utile aussi à l'équilibre psychique — pour qu'on en traite comme une dérivation du rêve, pour qu'on la mette, sans discussion, dans l'ordre des phénomènes oniriques. Bref, il convient pour déterminer l'essence de la rêverie de revenir à la rêverie elle-même. Et c'est précisément par la phénoménologie que la distinction entre le rêve et la rêverie peut être tirée au clair, puisque l'intervention possible de la conscience dans la rêverie apporte un signe décisif.

On a pu se demander s'il y avait vraiment une conscience du rêve. L'étrangeté d'un rêve peut être telle qu'il semble qu'un autre sujet vienne rêver en nous. « Un rêve me visita. » Voilà bien la formule qui signe la passivité des grands rêves nocturnes. Ces rêves, il faut que nous les réhabitions pour nous convaincre qu'ils furent les nôtres. Après coup, on en fait des récits, des histoires d'un autre temps, des aventures d'un autre monde. A beau mentir qui revient de loin. Nous ajoutons souvent, innocemment, inconsciemment, un trait qui augmente le pittoresque de notre aventure dans le royaume de la nuit. Avez-vous remarqué la physionomie de l'homme qui raconte son rêve ? Il sourit de son drame, de ses effrois. Il s'en amuse. Il voudrait que vous vous en amusassiez [6]. Le conteur de rêves jouit parfois de son rêve comme d'une œuvre originale. Il y vit une originalité déléguée, aussi est-il très surpris quand un psychanalyste lui dit qu'un autre rêveur a connu la même « originalité ». La conviction d'un rêveur de rêves d'avoir vécu le rêve qu'il raconte ne doit pas nous faire illusion. C'est une conviction rapportée qui se renforce chaque fois qu'on le raconte. Il n'y a [11] certainement pas identité entre le sujet qui raconte et le sujet qui a rêvé. Une élucidation proprement phénoménologique du rêve nocturne est, de ce fait, un difficile problème. On aurait sans doute des éléments pour résoudre ce problème si l'on développait davantage une psychologie et consécutivement une phénoménologie de la rêverie.

Au lieu de chercher du rêve dans la rêverie, on chercherait de la rêverie dans le rêve. Il y a des plages de tranquillité au milieu des cauchemars. Robert Desnos a noté ces interférences du rêve et de la rêverie : « Bien qu'endormi et rêvant sans pouvoir faire la part exacte du rêve et de la rêverie, je garde la notion de décor [7]. » Autant dire que le rêveur, dans la nuit du sommeil, retrouve les splendeurs du jour. Il est alors conscient de la beauté du monde. La beauté du monde rêvé lui rend un instant sa conscience.

Et c'est ainsi que la rêverie illustre un repos de l'être, que la rêverie illustre un bien-être. Le rêveur et sa rêverie entrent corps et âme dans la substance du bonheur. Dans une visite à Nemours en 1844, Victor Hugo était sorti au crépuscule pour « aller voir quelques grès bizarres ». La nuit vient, la ville se tait, où est la ville ?

Tout cela n'était ni une ville, ni une église, ni une rivière, ni de la couleur, ni de la lumière, ni de l'ombre ; c'était de la rêverie.

Je suis resté longtemps immobile, me laissant doucement pénétrer par cet ensemble inexprimable, par la sérénité du ciel, par la mélancolie de l'heure. Je ne sais ce qui se passait dans mon esprit et je ne pourrais le dire, c'était un de ces moments ineffables où l'on sent en soi quelque chose qui s'endort et quelque chose qui s'éveille [8].

Ainsi, c'est tout un univers qui vient contribuer à notre bonheur quand la rêverie vient accentuer notre repos. À qui veut rêver bien, il faut dire : commencez par être heureux. Alors la rêverie parcourt son véritable destin : elle devient rêverie poétique — tout par elle, en elle, devient beau. Si le rêveur avait « du métier », avec sa rêverie il ferait une œuvre. Et cette œuvre serait grandiose puisque le monde rêvé est automatiquement grandiose.

Les métaphysiciens parlent souvent d'une « ouverture au monde ». Mais à les entendre, il semble qu'ils n'aient qu'un rideau à tirer pour se trouver d'un coup, en une seule illumination, en [12] face du Monde. Que d'expériences de métaphysique concrète nous aurions si nous donnions plus d'attention à la rêverie poétique. S'ouvrir au Monde objectif, entrer dans le Monde objectif, constituer un Monde que nous tenons pour objectif, longues démarches qui ne peuvent être décrites que par la psychologie positive. Mais ces démarches pour constituer à travers mille rectifications un monde stable nous font oublier l'éclat des ouvertures premières. La rêverie poétique nous donne le monde des mondes. La rêverie poétique est une rêverie cosmique. Elle est une ouverture à un monde beau, à des mondes beaux. Elle donne au moi un non-moi qui est le bien du moi ; le non-moi mien. C'est ce non-moi mien qui enchante le moi du rêveur et que les poètes savent nous faire partager. Pour mon moi rêveur, c'est ce non-moi mien qui me permet de vivre ma confiance d'être au monde. En face d'un monde réel, on peut découvrir en soi-même l'être du souci. Alors on est jeté dans le monde, livré à l'inhumanité du monde, à la négativité du monde, le monde est alors le néant de l'humain. Les exigences de notre fonction du réel nous obligent à nous adapter à la réalité, à nous constituer comme une réalité, à fabriquer des œuvres qui sont des réalités. Mais la rêverie, dans son essence même, ne nous libère-t-elle pas de la fonction du réel ? Dès qu'on la considère en sa simplicité, on voit bien qu'elle est le témoignage d'une fonction de l'irréel, fonction normale, fonction utile, qui garde le psychisme humain, en marge de toutes les brutalités d'un non-moi hostile, d'un non-moi étranger.

Il est des heures dans la vie d'un poète où la rêverie assimile le réel lui-même. Ce qu'il perçoit est alors assimilé. Le monde réel est absorbé par le monde imaginaire. Shelley nous livre un véritable théorème de la phénoménologie quand il dit que l'imagination est capable « de nous faire créer ce que nous voyons » [9]. En suivant Shelley, en suivant les poètes, la phénoménologie de la perception elle-même doit céder la place à la phénoménologie de l'imagination créatrice.

Par l'imagination, grâce aux subtilités de la fonction de l'irréel, nous rentrons dans le monde de la confiance, le monde de l'être confiant, le propre monde de la rêverie. Nous donnerons par la suite bien des exemples de ces rêveries cosmiques qui lient le rêveur et son monde. Cette union s'offre d'elle-même à l'enquête phénoménologique. La connaissance du monde réel demanderait [13] des recherches phénoménologiques complexes. Les mondes rêvés, les mondes de la rêverie diurne, en bon éveil, relèvent d'une phénoménologie vraiment élémentaire. Et c'est ainsi que nous en sommes venu à penser que c'est avec la rêverie qu'il faut apprendre la phénoménologie.

La rêverie cosmique, telle que nous l'étudierons, est un phénomène de la solitude, un phénomène qui a sa racine dans l'âme du rêveur. Elle n'a pas besoin d'un désert pour s'établir et croitre. Il suffit d'un prétexte — non d'une cause — pour que nous nous mettions « en situation de solitude », en situation de solitude rêveuse. Dans cette solitude, les souvenirs eux-mêmes s'établissent en tableaux. Les décors priment le drame. Les tristes souvenirs prennent du moins la paix de la mélancolie. Et cela encore met une différence entre la rêverie tt le rêve. Le rêve reste surchargé des passions mal vécues dans la vie du jour. La solitude dans le rêve nocturne a toujours une hostilité. Elle est étrange. Ce n'est pas vraiment notre solitude.

Les rêveries cosmiques nous écartent des rêveries de projets. Elles nous placent dans un monde et non pas dans une société. Une sorte de stabilité, de tranquillité, appartient à la rêverie cosmique. Elle nous aide à échapper au temps. C'est un état. Allons au fond de son essence : c'est un état d'âme. Nous disions, dans un livre antérieur, que la poésie nous apporte des documents pour une phénoménologie de l'âme. C'est toute l'âme qui se livre avec l'univers poétique du poète.

À l'esprit reste la tâche de faire des systèmes, d'agencer des expériences diverses pour tenter de comprendre l'univers. À l'esprit convient la patience de s'instruire tout le long du passé du savoir. Le passé de l'âme est si loin ! L'âme ne vit pas au fil du temps. Elle trouve son repos dans les univers que la rêverie imagine.

Nous croyons donc pouvoir montrer que les images cosmiques appartiennent à l'âme, à l'âme solitaire, à l'âme principe de toute solitude. Les idées s'affinent et se multiplient dans le commerce des esprits. Les images, dans leur splendeur, réalisent une très simple communion des âmes. Deux vocabulaires devraient être organisés pour étudier, l'un le savoir, l'autre la poésie. Mais ces vocabulaires ne se correspondent pas. Il serait vain de dresser des dictionnaires pour traduire une langue dans une autre. Et la langue des poètes doit être apprise directement, très précisément comme le langage des âmes.

Sans doute, on pourrait demander à un philosophe qu'il étudiât cette communion des âmes dans des domaines plus dramatiques, en engageant des valeurs humaines ou surhumaines [14] qui passent pour plus importantes que les valeurs poétiques. Mais les grandes expériences d'âme gagnent-elles à être proclamées ? Ne peut-on se confier à la profondeur de tout « retentissement » pour que chacun, lisant des pages sensibles, participe à sa manière à l'invitation d'une rêverie poétique ? Nous croyons quant à nous — nous l'expliquerons dans un chapitre de ce livre — que l'enfance anonyme révèle plus de chose sur l'âme humaine que l'enfance singulière, prise dans le contexte d'une histoire familiale. L'essentiel, c'est qu'une image touche juste. On peut espérer alors qu'elle prendra le chemin de l'âme, qu'elle ne s'embarrassera pas dans les objections de l'esprit critique, qu'elle ne sera pas arrêtée par la lourde mécanique des refoulements. Comme c'est simple de retrouver son âme à fond de rêverie ! La rêverie nous met en état d'âme naissante.

Ainsi, dans notre étude modeste des plus simples images, notre ambition philosophique est grande. C'est de prouver que la rêverie nous donne le monde d'une âme, qu'une image poétique porte témoignage d'une âme qui découvre son monde, le monde où elle voudrait vivre, où elle est digne de vivre.

V

Avant d'indiquer plus précisément les questions particulières qui sont traitées dans cet essai, je voudrais en justifier le titre.

En parlant d'une Poétique de la rêverie, alors que le titre tout simple : « La rêverie poétique » m'a longtemps tenté, j'ai voulu marquer la force de cohérence que reçoit un rêveur quand il est vraiment fidèle à ses songes et que ses songes prennent précisément une cohérence du fait de leurs valeurs poétiques. La poésie constitue à la fois le rêveur et son monde. Alors que le rêve nocturne peut désorganiser une âme, propager, dans le jour même, les folies essayées dans la nuit, la bonne rêverie aide vraiment l'âme à jouir de son repos, à jouir d'une unité facile. Les psychologues, dans leur ivresse de réalisme, insistent trop sur le caractère d'évasion de nos rêveries. Ils ne reconnaissent pas toujours que la rêverie tisse autour du rêveur des liens doux, qu'elle est du « liant », bref que, dans toute la force du terme, la rêverie « poétise » le rêveur.

Du côté du rêveur, constituant le rêveur, on doit donc reconnaître une puissance de poétisation qu'on peut bien désigner comme une poétique psychologique ; une poétique de la Psyché où toutes les forces psychiques trouvent une harmonie.

Nous voudrions donc faire glisser la puissance de coordination [15] et d'harmonie depuis l'adjectif jusqu'au substantif et établir une poétique de la rêverie poétique, marquant ainsi, en répétant le même mot, que le substantif vient de gagner la tonalité de l'être. Une poétique de la rêverie poétique ! Grande ambition, trop grande ambition puisqu'elle reviendrait à donner à tout lecteur de poèmes une conscience de poète.

Sans doute, nous ne réussirons jamais pleinement ce renversement qui nous ferait passer de l'expression poétique à une conscience de créateur. Du moins, si nous pouvions amorcer un tel renversement qui redonnerait bonne conscience à un être rêveur, notre Poétique de la rêverie aurait atteint son but.

VI

Disons donc maintenant brièvement dans quel esprit nous avons écrit les différents chapitres de cet essai.

Avant de nous engager dans les recherches de Poétique positive, recherches appuyées, suivant notre coutume de philosophe prudent, sur des documents précis, nous avons voulu écrire un chapitre plus fragile, sans doute trop personnel, sur lequel nous devons, dès cette Introduction, nous expliquer. Nous avons pris pour titre de ce chapitre : Rêveries sur la rêverie et nous l'avons divisé en deux parties, la première partie ayant pour titre : Le rêveur de mots et la seconde : Animus et Anima. Nous avons développé, au cours de ce double chapitre, des idées aventureuses, faciles à contredire, bien propres, nous le craignons, à arrêter le lecteur qui n'aime pas trouver des oasis d'oisiveté dans un ouvrage où l'on promet d'organiser des idées. Mais, puisqu'il s'agissait pour nous de vivre dans la brume du psychisme rêvant, ce nous était un devoir de sincérité de dire toutes les rêveries qui nous tentent, les rêveries singulières qui dérangent souvent nos rêveries raisonnables, un devoir de suivre jusqu'au bout les lignes d'aberration qui nous sont familières.

Je suis, en effet, un rêveur de mots, un rêveur de mots écrits. Je crois lire. Un mot m'arrête. Je quitte la page. Les syllabes du mot se mettent à s'agiter. Des accents toniques se mettent à s'inverser. Le mot abandonne son sens comme une surcharge trop lourde qui empêche de rêver. Les mots prennent alors d'autres significations comme s'ils avaient le droit d'être jeunes. Et les mots s'en vont cherchant, dans les fourrés du vocabulaire, de nouvelles compagnies, de mauvaises compagnies. Que de conflits mineurs ne faut-il pas résoudre quand, de la rêverie vagabonde, on revient au vocabulaire raisonnable.

[16]

Et c'est pis lorsqu'au lieu de lire je me mets à écrire. Sous la plume, l'anatomie des syllabes se déroule lentement. Le mot vit syllabe par syllabe, en danger de rêveries internes. Comment le maintenir en bloc en l'astreignant à ses habituelles servitudes dans la phrase ébauchée, une phrase qu'on va peut-être rayer du manuscrit ? La rêverie ne ramifie-t-elle pas la phrase commencée ? Le mot est un bourgeon qui tente une ramille. Comment ne pas rêver en écrivant. C'est la plume qui rêve. C'est la page blanche qui donne le droit de rêver. Si seulement on pouvait écrire pour soi seul. Qu'il est dur le destin d'un faiseur de livres ! Il faut tailler et recoudre pour avoir de la suite dans les idées. Mais, écrivant un livre sur la rêverie, le jour n'est-il pas venu de laisser courir la plume, de laisser parler la rêverie et mieux encore de rêver la rêverie dans le temps même où l'on croit la transcrire ?

Je suis — ai-je besoin de le dire ? — un ignorant en linguistique. Les mots, dans leur lointain passé, ont le passé de mes rêveries. Ils sont, pour un rêveur, pour un rêveur de mots, tout gonflés de vésanies. D'ailleurs, que chacun y songe, qu'il a couve » un peu un mot familier entre tous. Alors, l'éclosion la plus inattendue, la plus rare, sort du mot qui dormait dans sa signification inerte comme un fossile de significations [10]. — Oui, vraiment, les mots rêvent.

Mais je ne veux dire qu'une des vésanies de mes rêveries de mots : pour chaque mot masculin je rêve un féminin bien associé, maritalement associé. J'aime à rêver deux fois les beaux mots de la langue française. Bien entendu, une simple désinence grammaticale ne me suffit pas. Elle donnerait à croire que le féminin est un genre subalterne. Je ne suis heureux qu'après avoir trouvé un féminin quasi à sa racine, dans l'extrême profondeur, autant dire dans la profondeur du féminin.

Le genre des mots, quelle bifurcation. Mais est-on jamais sûr de bien faire le partage ? Quelle expérience ou quelle lumière a guidé les premiers choix ? Le vocabulaire, semble-t-il, est
partial, il privilégie le masculin en traitant bien [17] souvent le féminin comme un genre dérivé, subalterne.

Rouvrir, dans les mots eux-mêmes, des profondeurs féminines, voilà donc un de mes songes sur les vertus linguistiques.

Si nous nous sommes permis de faire confidence de tous ces vains songes, c'est qu'ils nous ont préparé à accepter une des thèses principales que nous voulons défendre dans le présent ouvrage. La rêverie, si différente du rêve, qui, lui, est si souvent marqué des durs accents du masculin, nous est en effet apparue — au delà des mots cette fois — d'essence féminine. La rêverie menée dans la tranquillité de la journée, dans la paix du repos — la rêverie vraiment naturelle — est la puissance même de l'être au repos. Elle est vraiment, pour tout être humain, homme ou femme, un des états féminins de l'âme. Nous essayons dans le deuxième chapitre d'apporter des preuves moins personnelles à cette thèse. Mais, pour gagner quelques idées, il faut aimer beaucoup les chimères. Nous avons avoué nos chimères. Qui acceptera de suivre ces chimériques indices, qui groupera ses propres rêveries en rêveries de rêveries trouvera peut-être, à fond de songe, la grande tranquillité de l'être féminin intime. Il retournera à ce gynécée des souvenances qu'est toute mémoire, très ancienne mémoire.



Notre second chapitre, plus positif que le premier, doit cependant être mis encore sous la mention générale des Rêveries de Rêveries. Nous nous servons de notre mieux des documents fournis par les psychologues, mais comme nous mêlons ces documents à nos propres idées-songes, il convient que le philosophe qui utilise le savoir des psychologues garde la responsabilité de ses propres aberrations.

La situation de la femme dans le monde moderne a fait l'objet de nombreuses recherches. Des livres comme ceux de Simone de Beauvoir et de F. J. J. Buytendijk sont des analyses qui touchent le fond des problèmes [11]. Nous ne bornons nos observations qu'à des « situations oniriques », en essayant de préciser un peu comment le masculin et le féminin — le féminin surtout — travaillent nos rêveries.

Nous emprunterons alors la plupart de nos arguments à la Psychologie des profondeurs. Dans de nombreuses œuvres, C. G. Jung a montré l'existence d'une dualité profonde de la [18] Psyché humaine. Il a mis cette dualité sous le double signe d'un animus et d'une anima. Pour lui, et pour ses disciples, en tout psychisme, que ce soit celui d'un homme ou celui d'une femme, on trouve, tantôt coopérant, tantôt se heurtant, un animus et une anima. Nous ne suivrons pas tous les développements que la psychologie des profondeurs a donnés à ce thème d'une dualité intime. Nous voulons simplement montrer que la rêverie dans son état le plus simple, le plus pur, appartient à l'anima. Certes, toute schématisation risque de mutiler la réalité ; mais elle aide à fixer des perspectives. Disons donc que pour nous, en gros, le rêve relève de l’animus et la rêverie de l'anima. La rêverie sans drame, sans événement, sans histoire nous donne le véritable repos, le repos du féminin. Nous y gagnons la douceur de vivre. Douceur, lenteur, paix, telle est la devise de la rêverie en anima. C'est dans la rêverie qu'on peut trouver les éléments fondamentaux pour une philosophie du repos.


Vers ce pôle de l'anima vont nos rêveries qui nous ramènent à notre enfance. Ces rêveries vers l'enfance feront l'objet de notre troisième chapitre. Mais, dès maintenant, il nous faut indiquer sous quel angle nous examinons les souvenirs d'enfance.

Au cours de travaux antérieurs, nous avons souvent dit qu'on ne pouvait guère faire une psychologie de l'imagination créatrice si l'on ne parvenait pas à distinguer nettement l'imagination et la mémoire. S'il y a un domaine où la distinction soit difficile entre toutes, c'est le domaine des souvenirs d'enfance, le domaine des images aimées, gardées, depuis l'enfance, dans la mémoire. Ces souvenirs qui vivent par l'image, dans la vertu d'image, deviennent, à certaines heures de notre vie, en particulier dans le temps de l'âge apaisé, l'origine et la matière d'une rêverie complexe : la mémoire rêve, la rêverie se souvient. Quand cette rêverie du souvenir devient le germe d'une œuvre poétique, le complexe de mémoire et d'imagination se resserre, il a des actions multiples et réciproques qui trompent la sincérité du poète. Plus exactement, les souvenirs de l'enfance heureuse sont dits avec une sincérité de poète. Sans cesse l'imagination ranime la mémoire, illustre la mémoire.

Nous essaierons de présenter, sous une forme condensée, une philosophie ontologique de l'enfance qui dégage le caractère durable de l'enfance. Par certains de ses traits, l'enfance dure toute la vie. Elle revient animer de larges secteurs de la vie adulte. D'abord, l'enfance ne quitte jamais ses gîtes nocturnes. En nous, un enfant vient parfois veiller dans notre sommeil. Mais, dans [19] la vie éveillée elle-même, quand la rêverie travaille sur notre histoire, l'enfance qui est en nous nous apporte son bienfait. Il faut vivre, il est parfois très bon de vivre avec l'enfant qu'on a été. On en reçoit une conscience de racine. Tout l'arbre de l'être s'en réconforte. Les poètes nous aideront à retrouver en nous cette enfance vivante, cette enfance permanente, durable, immobile.

Dès notre Introduction, il nous faut souligner que dans ce chapitre sur « La rêverie vers l'enfance », nous ne développons pas une psychologie de l'enfant. Nous n'envisageons l'enfance que comme un thème de rêverie. Thème retrouvé dans tous les âges de la vie. Nous nous maintenons dans une rêverie et dans une méditation d'anima. Bien d'autres recherches seraient nécessaires pour éclairer les drames de l'enfance, pour montrer surtout que ces drames ne s'effacent pas, qu'ils peuvent renaître, qu'ils veulent renaître. La colère dure, les colères primitives réveillent des enfances endormies. Parfois dans la solitude, ces colères refoulées nourrissent des projets de vengeance, des plans de crime. Ce sont là des constructions d'animus. Ce ne sont pas des rêveries d'anima. Il faudrait un autre plan d'enquête que le nôtre pour les examiner. Mais tout psychologue étudiant l'imagination du drame doit se référer aux colères d'enfant, aux révoltes d'adolescence. Un psychologue des profondeurs comme est le poète Pierre-Jean Jouve n'y manque pas. Ayant à mettre une préface à des contes auxquels il a donné le titre : Histoires sanglantes, le poète, dans une condensation de culture psychanalytique, dit qu'à la base de ses histoires, il y a des « états d'enfance » [12]. Les drames inaccomplis donnent des œuvres, des œuvres où l’animus est actif, clairvoyant, prudent et audacieux, complexe. Tout à notre tâche d'analyser des rêveries, nous laissons de côté les projets d'animus. Notre chapitre sur les rêveries vers l'enfance n'est donc qu'une contribution à la métaphysique du temps élégiaque. Après tout, ce temps de l'élégie intime, ce temps du regret qui dure est une réalité psychologique. C'est lui qui est la durée qui dure. Notre chapitre se présente donc comme une ébauche d'une métaphysique de l'inoubliable.



Mais il est difficile à un philosophe de se distraire de ses longues habitudes de pensée. Même en écrivant un livre de loisir, les mots, les anciens mots, veulent rentrer en service. [20] Et c'est ainsi que nous avons cru devoir écrire un chapitre sous un titre bien pédant : « Le cogito du rêveur ». Dans les quarante ans de ma vie de philosophe, j'ai entendu dire que la philosophie reprenait un nouveau départ avec le cogito ergo sum de Descartes. J'ai dû aussi énoncer moi-même cette leçon initiale. Dans l'ordre des pensées, c'est une devise si claire ! Mais n'en dérangerait-on pas le dogmatisme si l'on demandait au rêveur s'il est bien sûr d'être l'être qui rêve son rêve ? Une telle question ne troublait guère un Descartes. Pour lui, penser, vouloir, aimer, rêver, c'est toujours une activité de son esprit. Il était sûr, l'heureux homme, que c'était lui, bien lui, lui seul qui avait passions et sagesse. Mais un rêveur, un vrai rêveur qui traverse les folies de la nuit, est-il si sûr d'être lui-même ? Quant à nous, nous en doutons. Nous avons toujours reculé devant l'analyse des rêves de la nuit. Et c'est ainsi que nous sommes arrivé à cette distinction un peu sommaire qui cependant devait éclairer nos enquêtes. Le rêveur de la nuit ne peut énoncer un cogito. Le rêve de la nuit est un rêve sans rêveur. Au contraire, le rêveur de rêverie garde assez de conscience pour dire : c'est moi qui rêve la rêverie, c'est moi qui suis heureux de rêver ma rêverie, c'est moi qui suis heureux du loisir où je n'ai plus la tâche de penser. Voilà ce que nous avons essayé de montrer, en nous aidant des rêveries des poètes, dans le chapitre qui a pour titre : « Le cogito du rêveur ».

Mais le rêveur de rêveries ne s'abstrait pas dans la solitude d'un cogito. Son cogito qui rêve a tout de suite, comme disent les philosophes, son cogitatum. Tout de suite, la rêverie a un objet, un simple objet, ami et compagnon du rêveur. C'est naturellement aux poètes que nous avons demandé nos exemples d'objets poétisés par la rêverie. En vivant de tous les reflets de poésie que lui apportent les poètes, le je qui rêve la rêverie se découvre non pas poète, mais je poétiseur.



Après cet accès de philosophie indurée, nous sommes revenu, dans un dernier chapitre, à un examen des images extrêmes de la rêverie sans cesse tentée par la dialectique du sujet excité et du monde excessif ; j'ai voulu suivre les images qui ouvrent le monde, qui agrandissent le monde. Les images cosmiques sont quelquefois si majestueuses que les philosophes les prennent pour des pensées. Nous avons essayé, en les revivant à notre mesure, de montrer qu'elles étaient pour nous des détentes de rêverie. La rêverie nous aide à habiter le monde, à habiter le bonheur du monde. Nous avons donc pris pour titre de ce chapitre : « Rêverie et Cosmos ». On comprendra que ce n'est pas dans un [21] court chapitre qu'on peut traiter d'un si vaste problème. Nous l'avons abordé bien des fois au cours de nos recherches précédentes sur l'imagination, sans jamais le traiter à fond. Nous serions heureux aujourd'hui si nous pouvions du moins poser le problème un peu plus nettement. Les mondes imaginés déterminent de profondes communions de rêveries. C'en est au point qu'on peut interroger un cœur en lui demandant de confesser ses enthousiasmes devant la grandeur du monde contemplé, du monde imaginé en de profondes contemplations. Comme les psychanalystes, ces maîtres de l'interrogation indirecte, trouveraient de nouvelles clés pour aller à fond d'âme s'ils pratiquaient un peu la cosmo-analyse ! De cette cosmo-analyse, voici un exemple emprunté à une page de Fromentin [13]. Dominique, dans les instants décisifs de sa passion, conduit Madeleine en des sites qu'il a longuement choisis : « J'aimais surtout à essayer sur Madeleine l'effet de certaines influences plutôt physiques que morales auxquelles j'étais moi-même si continuellement assujetti. Je la mettais en face de certains tableaux de la campagne, choisis parmi ceux qui, invariablement composés d'un peu de verdure, de beaucoup de soleil et d'une immense étendue de mer, avaient le don infaillible de m'émouvoir. J'observais dans quel sens elle en serait frappée, par quels côtés d'indigence ou de grandeur ce triste et grave horizon toujours nu pourrait lui plaire. Autant que cela m'était permis, je l'interrogeais sur ces détails de sensibilité tout extérieure. »

Ainsi, devant une immensité, il semble que l'être interrogé soit naturellement sincère. Le site domine les pauvres et fluentes « situations » sociales. Quel prix alors aurait un album de sites pour interroger notre être solitaire, pour nous révéler le monde où il nous faudrait vivre pour être nous-mêmes ! Cet album de sites, nous le recevons de la rêverie avec une prodigalité que nous ne trouverions pas dans de multiples voyages. Nous imaginons des mondes où notre vie aurait tout son éclat, toute sa chaleur, toute son expansion. Les poètes nous entraînent dans des cosmos sans cesse renouvelés. Durant le romantisme, le paysage a été un outil de sentimentalité. Nous avons donc essayé dans le dernier chapitre de notre livre, d'étudier l'expansion d'être que nous recevons des rêveries cosmiques. Avec des rêveries de cosmos, le rêveur connaît la rêverie sans responsabilité, la rêverie qui ne sollicite pas de preuve. Finalement imaginer un cosmos c'est le destin le plus naturel de la rêverie.

[22]

VII

Au terme de cette Introduction, disons en quelques mots où, dans notre solitude, sans possibilité de recours à des enquêtes psychologiques, nous devons chercher nos documents. Ils viennent des livres, toute notre vie est lecture.

La lecture est une dimension du psychisme moderne, une dimension qui transpose les phénomènes psychiques déjà transposés par l'écriture. Il faut prendre le langage écrit comme une réalité psychique particulière. Le livre est permanent, il est sous vos yeux comme un objet. Il vous parle avec une autorité monotone que n'aurait pas son auteur même. Il faut bien lire ce qui est écrit. Pour écrire, d'ailleurs, l'auteur a déjà opéré une transposition. Il ne dirait pas ce qu'il écrit. Il est entré -qu'il s'en défende ne change rien à l'affaire — dans le règne du psychisme écrit.

Le psychisme enseigné prend là sa permanence. Qu'elle va loin cette page où Edgar Quinet dit la force de transmission du Ramayana [14]. Valmiki dit à ses disciples : « Apprenez le poème révélé ; il donne la vertu et la richesse : plein de douceur lorsqu'il est adapté aux trois mesures du temps, plus doux s'il est marié au son des instruments, ou s'il est chanté sur les sept cordes de la voix. L'oreille ravie excite l'amour, le courage, l'angoisse, la terreur... O le grand poème, l'image fidèle de la vérité. » La muette lecture, la lente lecture donne à l'oreille tous ces concerts.

Mais la meilleure preuve de la spécificité du livre, c'est qu'il est à la fois une réalité du virtuel et une virtualité du réel. Nous sommes placés, lisant un roman, dans une autre vie qui nous fait souffrir, espérer, compatir, mais tout de même avec l'impression complexe que notre angoisse reste sous la domination de notre liberté, que notre angoisse n'est pas radicale. Tout livre angois-sant peut alors donner une technique de réduction de l'angoisse. Un livre angoissant offre aux angoissés une homéopathie de l'angoisse. Mais cette homéopathie agit surtout dans une lecture méditée, dans la lecture valorisée par l'intérêt littéraire. Alors deux plans du psychisme se scindent, le lecteur participe à ces deux plans et quand il devient bien conscient de l'esthétique de l'angoisse, il est bien près d'en découvrir la facticité. Car l'angoisse est factice : nous sommes faits pour bien respirer.

Et c'est en cela que la poésie — sommet de toute joie esthétique — est bienfaisante.

[23]

Sans l'aide des poètes, que pourrait faire un philosophe chargé d'ans, qui s'obstine à parler de l'imagination ? Il n'a personne à tester. Il se perdrait tout de suite dans le labyrinthe des tests et contre-tests où se démène le sujet examiné par le psychologue. D'ailleurs existe-t-il vraiment dans l'arsenal du psychologue des tests d'imagination ? Y a-t-il des psychologues assez exaltés pour sans cesse renouveler les moyens objectifs d'une étude de l'imagination exaltée ? Les poètes toujours imagineront plus vite que ceux qui les regardent imaginer.

Comment entrer dans la poético-sphère de notre temps ? Une ère d'imagination libre vient de s'ouvrir. De toute part, les images envahissent les airs, vont d'un monde à l'autre, appellent et l'oreille et les yeux à des rêves agrandis. Les poètes abondent, les grands et les petits, les célèbres et les obscurs, ceux qu'on aime et ceux qui éblouissent. Qui vit pour la poésie doit tout lire. Que de fois, d'une simple brochure, a jailli pour moi la lumière d'une image neuve ! Quand on accepte d'être animé par des images nouvelles, on découvre des irisations dans les images des vieux livres. Les âges poétiques s'unissent dans une mémoire vivante. Le nouvel âge réveille l'ancien. L'ancien âge vient revivre dans le nouveau. Jamais la poésie n'est aussi une que lorsqu'elle se diversifie.

Quels bienfaits nous apportent les nouveaux livres ! Je voudrais que chaque jour me tombent du ciel à pleine corbeille les livres qui disent la jeunesse des images. Ce vœu est naturel. Ce prodige est facile. Car, là-haut, au ciel, le paradis n'est-il pas une immense bibliothèque ?



Mais il ne suffit pas de recevoir, il faut accueillir. Il faut, disent d'une même voix, le pédagogue et la diététicienne « assimiler ». Pour cela, on nous conseille de ne pas lire trop vite et de prendre garde d'avaler de trop gros morceaux. Divisez, nous dit-on, chacune des difficultés en autant de parcelles qu'il se peut pour les mieux résoudre. Oui, mâchez bien, buvez à petites gorgées, savourez vers par vers les poèmes. Tous ces préceptes sont beaux et bons. Mais un principe les commande. Il faut d'abord un bon désir de manger, de boire et de lire. Il faut désirer lire beaucoup, lire encore, lire toujours.

Aussi, dès le matin, devant les livres accumulés sur ma table, au dieu de la lecture je fais ma prière de lecteur dévorant :

« Donnez-nous aujourd'hui notre faim quotidienne... »

[24]



[1] « Eine Hervorbringung im Ganzen. » C'est Ernest Renan qui donne la belle traduction que nous utilisons. Cf. De l'origine du langage, 3e éd., 1859, p. 100.

[2] « La poésie est quelque chose de plus que les poètes », George Sand, Questions d'art et de littérature, p. 283.

[3] Cf. La poétique de l'espace, P.U.F., p. 2.

[4] Cité sans référence par Gaston Puel dans un article de la revue : Le temps et les hommes, mars 1958, p. 62.

[5] Cité par Antheaume et Dromard, Poésie et folie, Paris, 1908, p. 351.

[6] Bien souvent, je le confesse, le raconteur de rêves m'ennuie. Son rêve pourrait peut-être m'intéresser s'il était franchement œuvré. Mais entendre un récit glorieux de son insanité ! Je n'ai pas encore tiré au clair, psychanalytiquement, cet ennui durant le récit des rêves des autres. J'ai peut-être conservé des raideurs de rationaliste. Je ne suis pas docilement un récit d'une incohérence revendiquée. Je soupçonne toujours qu'une part des sottises rapportées soient des sottises inventées.

[7] Robert Desnos, Domaine public, édit. Gallimard, 1953, p. 348.

[8] Victor Hugo, En voyage. France et Belgique. Dans L'homme qui rit (t. 1, p. 148) Victor Hugo écrit : « La mer observée est une rêverie. »

[9] La formule de Shelley pourrait être donnée comme la maxime fondamentale d'une phénoménologie de la peinture. Il faut une tension plus grande pour l'appliquer à une phénoménologie de la poésie.

[10] L'opinion de Ferenczi sur la recherche de l'origine des mots ne peut manquer de recevoir l'opprobre des savants linguistes. Pour Ferenczi, un des plus fins psychanalystes, la recherche des étymologies est un substitut des questions enfantines sur l'origine des enfants. Ferenczi évoque un article de Sperber (Imago, 1914, 1. Jahrgang), sur la théorie sexuelle du langage. On réconcilierait peut-être les savants linguistes et les fins psychanalystes si l'on posait le problème psychologique de la linguistique de la langue maternelle effective, cette langue qu'on apprend dans le giron des mères. Alors l'être est au moment où la langue se dérouille, où elle baigne encore dans les bonheurs liquides, où elle est comme disait un auteur du XVIe siècle « le mercure du petit monde ».

[11] Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, Gallimard ; F. J. J.Buytendijk, La femme. Ses modes d'être, de paraître, d'exister, Desclée de Brouwer, 1954.

[12] Pierre-Jean Jouve, Histoires sanglantes, édit. Gallimard, p. 16.

[13] E. Fromentin, Dominique, p. 179.

[14] Edgar Quinet, Le génie des religions. L'épopée indienne, p. 143.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 2 juillet 2015 18:07
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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