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Collection « Les auteur(e)s classiques »

LE CULTE DE LA RAISON ET LE CULTE DE L'ETRE SUPRÊME (1793-1794). (1892)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du texte d'Alphonse Aulard [1849-1928], LE CULTE DE LA RAISON ET LE CULTE DE L'ETRE SUPRÊME (1793-1794). Paris: Paris: Félix Alcan, Éditeur, 1892. Elibron Classics, 376 pp. Une édition numérique réalisée par Claude Ovtcharenko, bénévole, journaliste à la retraite, France.

Avant-propos

On sait qu’en l’an II la France révolutionnaire essaya, sans y réussir, d’abolir la religion chrétienne au moyen du culte de la Raison, puis de la remplacer par le culte de l’Être suprême.

Cette tentative étonna, en l’effrayant, l’Europe d’alors ; mais, comme elle a échoué, on la trouva ensuite plus scandaleuse qu’intéressante, et il a été de bon goût de présenter le culte de la Raison et le culte de l’Être suprême comme une des plus sottes aberrations du délire révolutionnaire.

Des écrivains sont venus qui ont réagi contre ces jugements trop sommaires : les uns ont cru voir dans l’hébertisme antichrétien l’heureuse réalisation de la pensée de l’Encyclopédie ; les autres ont présenté le déisme robespierriste comme la religion qui convenait alors et qui conviendrait encore aujourd’hui à notre race. Le plus vrai (sinon le plus exact) des historiens de la Révolution, Michelet, a pensé que ni la sécheresse du culte de la Raison ni la froideur du culte de l’Être suprême ne convenaient aux fils du xviiie siècle, et, dans cette tête pleine de Diderot, dans ce cœur amoureux de la France, s’est formée l’idée d’une religion de la patrie et de l’humanité, religion dont l’esprit, s’il avait prévalu dans la politique des gouvernants, comme il vivait secrètement, selon Michelet, dans l’instinct populaire, eût fécondé la révolution, eût orienté l’âme française dans un sens conforme à son génie et eût peut-être rayonné sur le monde.

L’investigation pénétrante d’Edgar Quinet est arrivée à de tout autres résultats. Ce penseur ne s’est point scandalisé de l’impiété de nos pères, et cependant, il n’a pas rêvé le triomphe de la libre pensée. Tout en accusant les révolutionnaires de timidité française, tout en se moquant des hésitations de ces Polyeucte prudents, qui insultaient le dogme et en avaient trop peur pour le détruite ou le changer vraiment, Edgar Quinet leur reproche de n’avoir pas demandé au christianisme même la religion des temps nouveaux. Et quelle est la conclusion implicite de tant de railleries éloquentes sur la servitude intellectuelle d’un Hébert ou d’un Robespierre ? C’est qu’il eût fallu se borner à convertir la France de la révolution au protestantisme.

Quant aux écrivains religieux, dont plusieurs ont raconté le mouvement de déchristianisation dans certaines régions, il ne faut pas leur demander, en un tel sujet, l’impartialité intelligente, pas plus qu’il ne faut la demander aux pamphlétaires d’opinion adverse, qui, hâtivement et sans critique, cherchent dans les souvenirs de la Terreur des armes pour le moment actuel de l’éternelle lutte de la science et de la religion.

Ainsi, la plupart des historiens se sont demandé ce qu’aurait dû être cette tentative religieuse de la Révolution, plutôt qu’ils n’ont cherché à voir ce qu’elle a été réellement, et il se trouve donc qu’ils ont plus jugé que raconté. Ont-ils lu les centaines d’opuscules contemporains où sont consignées, sous forme de comptes rendus, de discours ou de poésies, les manifestations, si oubliées aujourd’hui, auxquelles le culte de la raison et celui de l’Être suprême ont donné lieu ? Il ne semble même pas qu’ils aient, sauf pour des monographies locales, consulté les principaux textes que les archives les plus connues offrent sur cet objet. Aucun d’eux n’a exposé dans son ensemble et d’après les faits un mouvement qui est pourtant un des plus curieux de l’histoire de la France et de l’humanité. D’autre part, tous l’ont examiné en lui-même, le séparant, par une abstraction dangereuse, des circonstances qui l’ont précédé, accompagné et, selon nous, fait naître. C’est ainsi qu’on n’a vu dans les déchristianisateurs de 1793 et de 1794 que des théoriciens qui profitaient des événements pour appliquer des idées préconçues.

J’espère que cet essai historique, uniquement composé d’après les textes et purement narratif, montrera dans le culte de la Raison et dans le culte de l’Être suprême, non pas une tentative seulement philosophique et religieuse, sans racine dans le passé de la France et sans connexion avec les événements, non pas une violence faite à l’histoire et à la race, mais la conséquence nécessaire et plutôt politique de l’état de guerre où la résistance de l’ancien régime contre l’esprit nouveau avait jeté la Révolution.

Si on veut bien nous lire, on pensera peut-être avec nous qu’en intrônisant la déesse de la Raison à Notre-Dame ou en glorifiant le Dieu de Rousseau au Champ de Mars, nos pères se proposaient surtout un but patriotique, et, pour la plupart, ne cherchaient dans ces entreprises contre la religion héréditaire, comme d’ailleurs dans leurs autres violences d’attitude ou de parole, qu’un expédient de défense nationale.

Ceci n’est qu’un court essai historique. Nous n’avons pas songé à écrire un récit complet de tout le mouvement religieux dans tout la France de 1793 et en 1794 : nous n’avons voulu que tracer un tableau d’ensemble, dont les traits sont empruntés aux documents authentiques originaux. Nos sources sont les archives départementales et municipales que nous avons pu explorer, surtout celles du Sud-Ouest, région où le culte de la raison eut tant d’éclat et de violence, les imprimés de la Bibliothèque nationale, ceux de la Bibliothèque de la ville de Paris (Carnavalet), enfin ceux de la collection de Grégoire, que M. Gazier a obligeamment mis à notre disposition.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 2 février 2012 10:57
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cegep de Chicoutimi.
 



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