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Collection « Les auteur(e)s classiques »

NOUVEAUX MÉLANGES ASIATIQUES, tome I (1829).
Extrait


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Jean-Pierre ABEL-RÉMUSAT (1788 - 1832), NOUVEAUX MÉLANGES ASIATIQUES, tome I. Elibron Classics, Facsimile de l’édition originale: Éditions Schubart et Heideloff, Paris, 1829, 446 pages. La présente édition reprend des Mélanges les articles concernant la Chine, soit les pages 1 à 70, 171 à 265, 283 à 346 et 358 à 446 de l’édition originale. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

Extrait

SUR QUELQUES PEUPLES DU TIBET

ET DE LA BOUKHARIE,

Tiré de l’ouvrage de Ma-touan-lin, et traduit du chinois.

Ma-touan-lin, écrivain chinois du treizième siècle de notre ère, a composé, sous le titre de Recherche approfondie des anciens Monumens, une bibliothèque historique, ou une collection d’extraits sur toutes sortes de matières, l’un des ouvrages les plus importans et les plus curieux que les Européens puissent consulter. Ce savant auteur a consacré les vingt-cinq derniers livres de son ouvrage, qui en contient trois cent quarante-huit, à la description historique et ethnographique des contrées connues des Chinois, et cette partie renferme une foule de notions intéressantes sur les peuples de la Tartarie, de la Boukharie, du Tibet, de l’Hindoustan et des îles orientales. La traduction de cette géographie historique, qui peut, avec les notes et les supplémens nécessaires, former quatre volumes in-4°, m’occupe depuis plusieurs années. Sous certains rapports, on peut la comparer, pour l’Asie orientale, à ce qu’est la géographie de Strabon pour les parties occidentales de l’ancien continent. Les articles qu’on va lire, et que j’ai choisis parce qu’ils étaient les moins étendus, sont relatifs à des régions presque entièrement inconnues des Européens, et sur lesquelles les géographes orientaux ne donnent que des renseignemens très imparfaits, parce que les Musulmans n’y ont pénétré en conquérans qu’après l’époque où les Chinois avaient eu occasion de les étudier. La comparaison des notions qu’ils ont recueillies, avec celles que nous fournissent les géographes arabes, jeterait le plus grand jour sur l’état des peuples de la Transoxane antérieurement à l’introduction de l’islamisme. On ne saurait l’entreprendre à l’occasion d’extraits tels que ceux-ci, dans lesquels je me borne à une interprétation presque littérale, en y joignant tout au plus les rapprochemens les plus aisés à faire et qui n’exigent pas de discussions particulières.

 

Ki-pin (Cophène).

Le royaume de Ki-pin a pour capitale la ville de Siun-sian, éloignée de Tchang-’an de douze mille deux cents li (douze cents lieues). Ce royaume ne dépend pas du gouvernement général de la Tartarie. C’est un grand et puissant état, ayant une population et des armées nombreuses. On compte, au nord-est, six mille huit cent quarante li jusqu’au siège du gouvernement général ; à l’orient, deux mille deux cent cinquante li jusqu’au royaume de Ya-tcha ; au nord-est, jusqu’à celui de Nan-teou, neuf jours de marche. Il confine avec le pays des grands Youeï-chi, du côté du nord, et avec celui de Ou-yi-chan-li, du côté du sud-ouest.

Anciennement, les Hioung-nou ayant défait les grands Youeï-chi, ceux-ci se portèrent à l’ouest pour habiter chez les Ta-hia (Dahæ) ; et le roi des Saï (Saques) vint au midi demeurer dans le Ki-pin (Cophène), les tribus des Saï se divisèrent et se dispersèrent de manière à former çà et là différens royaumes. Depuis Sou-le (Kaschgar ?) au nord-ouest, toutes les dépendances de Hieou-siun et de Siun-tou (Sind) sont habitées par d’anciennes tribus Saï.

Le Ki-pin est un pays plat et tempéré. On y voit du Mou-sou et d’autres plantes ; les arbres les plus remarquables sont le than-hoaï, espèce de frêne, le tsin, le bambou, une espèce d’arbre à vernis, toutes sortes de fruits, la vigne, etc. On fume les terres labourées et les jardins. Les terres basses et arrosées produisent du riz. En hiver on se nourrit de plantes potagères crues.

Les habitans sont industrieux, habiles à sculpter, à ciseler, à bâtir des palais et des maison, à tisser, à broder, à faire des étoffes brochées ; ils excellent à préparer les mets, à fabriquer des vases d’or, d’argent, de cuivre, d’étain. Ils ont des marchés réguliers, avec des boutiques comme on en voit à la Chine. Ils font des monnaies d’or et d’argent qui portent d’un côté l’image d’un cavalier, et au revers une tête d’homme. Le pays produit des bœufs à bosse, des buffles, des éléphans, de grandes variétés de chiens, de grands singes, des paons. Les chiens de Ki-pin sont de la taille d’un âne et de couleur rouge. On en tire encore des perles, des pierres précieuses, du corail, du succin, du cristal de roche et du verre. On y trouve aussi les animaux des autres pays.

On a commencé à connaître le Ki-pin au temps de Wou-ti de la dynastie des Han. Depuis ce temps, l’extrême éloignement avait empêché les armées chinoises d’y pénétrer. Le roi Ou-theou-lao avait plusieurs fois fait périr des envoyés chinois. A sa mort, son fils lui succéda, et il envoya payer le tribut. Un commandant de la frontière, nommé Wen-tchoung, reconduisit ses ambassadeurs, et néanmoins le roi voulut encore donner la mort à cet envoyé ; mais Wen-tchoung fut averti ; et, d’accord avec le fils du roi de Young khiou, nommé Yin-mo-fou, il attaqua à l’improviste le Ki-pin, tua le roi, et fit établir à sa place Yin-mo-fou, comme roi de Ki-pin. On lui donna un sceau avec la pièce de soie pour le fixer. Par la suite un général nommé Tchao-te voulut enlever le Ki-pin à Yin-mo-fou ; celui-ci fit jeter Tchao-te dans les fers et mettre à mort soixante et dix officiers d’un rang inférieur. Il envoya ensuite des ambassadeurs à la cour pour justifier sa conduite ; mais ils arrivèrent au moment où Hiao-youan-ti avait pris le parti de rompre toute relation avec les contrées occidentales. On ne reçut pas leur hommage, et on les renvoya par le pays des Hian-tou. Depuis cette époque, on n’entendit plus parler du Ki-pin jusqu’au temps de Tching-ti, que ce pays envoya un tribut et fit faire des excuses pour ce qui s’était passé. Le gouvernement était tenté de faire reconduire les députés par des ambassadeurs. Tou-lin adressa à ce sujet les réflexions suivantes au général Wang-foung :

« Le roi de Ki-pin Yin-mo-fou avait été mis sur le trône par les Chinois ; il s’est ensuite révolté. Pouvait-on faire plus pour lui que de lui donner un royaume, et pouvait-il plus mal reconnaître un si grand bienfait qu’en faisant mourir nos envoyés ? Cette manière de nous marquer sa reconnaissance prouve qu’il ne redoute pas le châtiment qu’il mérite, parce qu’il sait que les distances ne permettront pas à nos armées de pénétrer jusqu’à lui. Il tenait un langage plein de soumission quand il avait quelque chose à demander ; il est rempli d’orgueil maintenant qu’il n’attend plus rien de nous : il n’a pas dans le cœur le sentiment de la soumission. Toutes ces relations que la Chine entretient avec les barbares, tous ces bienfaits qu’elle leur accorde, cet empressement qu’elle met à satisfaire leurs désirs, sont la source de toutes sortes de brigandages. Les habitans de Ki-pin ne sauraient franchir les défilés des Hian-tou. On ne viendra jamais à bout de pacifier les contrées occidentales ; celles qui ne sont pas soumises ne sauraient inquiéter les villes. Dans le temps qu’on avait des alliances en ces régions, les désordres qui y prenaient naissance ont obligé à interrompre nos relations. On s’en repent maintenant ; mais qu’est-ce que le noble personnage qu’on envoie ? quelque misérable marchand, qui veut trafiquer dans nos marchés et qui couvre son entreprise du nom d’une ambassade. Si l’on voulait donner à des ambassadeurs la peine de le reconduire jusqu’au pays des Hian-tou, je craindrais qu’ils ne perdissent leur peine et ne fussent victimes de quelque tromperie. Quand on envoie ainsi des officiers pour reconduire des ambassadeurs, c’est pour lever les obstacles qui pourraient les arrêter, et les préserver des périls qu’ils courraient ; mais au midi du Mont Phi, on ne trouve plus d’États soumis à la Chine. Quatre ou cinq officiers et une centaine d’hommes passeront donc les nuits tout entières à batailler pour leur sûreté, à se défendre contre les insultes des brigands, eux et les bêtes de somme qui porteront leurs provisions ? Tous ces petits états sont assez riches pour nourrir leurs propres habitans ; mais si un état est très faible, il ne fournira rien, et s’il est puissant, il ne voudra rien donner. La violence entourera les Chinois ; la faim les poursuivra dans les montagnes. Ils demanderont sans pouvoir rien obtenir. Au bout de dix ou de vingt jours, la troupe s’affaiblira d’hommes et de bêtes de somme qui se perdront dans les déserts et ne reparaîtront plus. Il faudra passer le grand et le petit mont, auxquels on a donné le nom de Céphalalgiques. La terre y est rouge ; les flancs en sont brûlans, au point que les hommes dévorés par la chaleur y perdent leur teint naturel, et qu’on y éprouve un violent mal de tête accompagné de vomissemens. Quand il n’y aura plus de bêtes de somme, on viendra à deux lacs bordés de chemins de pierre, larges de seize à dix-sept pouces, le long desquels on aura trente li à parcourir, suspendu au-dessus d’un précipice dont on ne saurait sonder la profondeur. Les hommes qui les suivent à pied ou à cheval sont obligés de se tenir les uns les autres au moyen d’une corde. Au bout de deux mille li, on parviendra au pays des Hian-tou ; là les obstacles seront loin d’être levés. On s’égarera dans le milieu des défilés ; les voyageurs, séparés les uns des autres, perdront leur dernière force ; ils ne pourront plus se prêter un appui mutuel. Les dangers qu’ils auront à courir au sein d’un pays semé de tant de montagnes inaccessibles et de vallées impraticables, ne sauraient être exprimés dans un discours. Les saints empereurs ont établi la division des neuf provinces ; ils ont institué cinq sortes de domaines qui en dépendent. Avec tant de sujets d’occupations et de moyens de prospérité dans l’intérieur, qu’a-t-on à attendre du dehors ? Si maintenant en vertu d’un décret, des envoyés vont reconduire des marchands barbares, c’est causer à des magistrats de grandes fatigues, c’est les engager dans un voyage bien périlleux, les enlever à ce qui fait leur force et leur confiance, sans utilité ; ce n’est, sous aucun rapport, une mesure profitable. Mais qu’au moins, quand ils se seront acquittés de ce qui est praticable dans leur mission, quand ils seront parvenus au Mont Phi, qu’ils reviennent sur leurs pas.

Wang-foung frappé des raisons de Tou-kin, se conforma à son avis.

Le royaume de Ki-pin est effectivement un pays très riche, très commerçant et où les négocians font de grands profits. Par la suite ils vinrent une fois chaque année, durant une certaine période, au bout de laquelle on n’entendit plus parler d’eux jusqu’au temps de la seconde dynastie des Weï (5e siècle de J. C.). Leur capitale passait pour une très belle ville.

Au temps des Souï, on appelait ce pays royaume de Tsao, et on le disait situé au sud-ouest des montagnes Bleues. Les historiens des Souï assurent du moins que ce royaume était le Ki-pin du temps des Han. Leur roi appartenait à la famille Chao-wou et il était parent ou allié des rois de Khans kiu (Sogdiane). Il avait sous ses ordres dix mille soldats. Des lois sévères entretenaient le bon ordre dans l’État. L’homicide et le vol étaient punis de mort. Ils avaient beaucoup de pratiques superstitieuses. Dans les montagnes Bleues, il y a des gens qui adorent le Dieu du ciel. Leurs rites sont très recherchés ; ils construisent des édifices d’or et d’argent ; la terre est recouverte de ce dernier métal. Devant le temple il y a une vertèbre de poisson, au travers du trou de laquelle un cheval et son cavalier peuvent entrer et sortir. Le roi porte un bonnet fait en tête de bœuf, et s’assied sur un trône construit en forme de cheval d’or.

La terre est fertile en grain, riz, plantes légumineuses. Il y a du cinabre, du Tsing-taï, du baume de la Mecque, du Tsing-mou, et d’autres productions odoriférantes, ainsi que du miel de pierre, du sel noir, de l’assa fétida, de la myrrhe et du Pe-fou-tseu.

Ce pays est à sept cents li de Fan-yan (Bamian) du côté du nord ; à six cents li du royaume de Khiei, du côté de l’orient, et à six mille six cents li de Koua-tcheou, du côté du midi. Il en est venu un tribut dans le courant des années Ta-nieï (605-616).

La seconde année Wou-te (619), les habitans envoyèrent un ambassadeur qui offrit en tribut des ceintures précieuses, des serrures (ou chaînes) d’or, du cristal de roche, et des coupes de verre de la forme d’un fruit de jujubier.

Dans le courant des années Tching-kouan (627-649), des envoyés du même pays offrirent des chevaux de race. Ils furent récompensés, ainsi que leur prince, et Tchou-lo-pa, roi de l’Inde, ayant aussi envoyé une ambassade, on chargea celle-ci de reconduire les envoyés de Ki-pin jusque dans l’Inde. La seizième année Tching-kouan (642), ils firent parvenir un nouveau tribut, et les gens du pays racontèrent la généalogie de leur roi ; ils dirent que depuis Hing-nieï, jusqu’au roi Ko-hieï-tchi, il y avait douze générations.

La troisième année Hian-khing (658),le pays de Ki-pin fut érigé en gouvernement général de Sieou-sian. Au commencement des années Chin-loung (705), on accorda au prince de ce royaume le titre de gouverneur général de Sieou-sian, commandant des arrondissemens de Sieou-sian et de onze autres arrondissemens. La septième année Khaï-youan (719), on apporta en tribut des livres d’astronomie, des traités de magie et des drogues médicinales les plus estimées. Le roi fit demander que son fils Fo-lin-ki-pho (ou Khi-po, surnommé le Romain) lui succédât : ce qui fut accordé. La quatrième année Thian-pao (745), le fils de ce dernier, nommé Pho-pe obtint l’agrément de l’empereur pour prendre le titre de roi. En 758, ses envoyés apportèrent un tribut.


Retour au livre de l'auteur: Laurence Binyon (1869-1943) Dernière mise à jour de cette page le mercredi 10 janvier 2007 20:02
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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