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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Wang Tch’ang-tche, La philosophie morale de Wang Yang-ming (1936).
Conclusion


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Wang Tch’ang-tche, La philosophie morale de Wang Yang-ming, Variétés sinologiques n° 63. Imprimerie et Librairie de T’ou-sè-wè, Zi-ka-wei, Changhai. Librairie orientaliste P. Geuthner, Paris, 1936, 218 pages. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

CONCLUSION

RÉALISER LE LIANG-TCHE, voilà donc l’idée centrale de la philosophie morale de Wang Yang-ming.

Par le liang-tche, par cette connaissance naturellement bonne et d’ordre moral, par cette intuition morale, Wang Yang-ming nous enseigne d’une façon précise l’immanence de la norme de notre perfection morale dans notre cœur, dans l’intime de notre être. L’École de Tchou Hi, séparant la norme du cœur, a prescrit la recherche de cette norme en dehors de notre cœur ; elle a posé ainsi comme condition préalable au travail de notre perfection la connaissance des êtres extérieurs, la science abstraite de nos devoirs. Réagissant contre cette École, Wang Yang-ming commence par montrer que le véritable objet moral n’est pas l’être matériel, extérieur, mais notre acte tout intime, tout personnel. Il s’ensuit que la norme, aussi bien que l’objet, nous est tout intime. Autrement dit, c’est à notre propre conscience de juger la valeur morale de notre acte concret, actuel. Les connaissances acquises dans les livres ou discutées dans l’abstrait, ne peuvent remplacer ce jugement concret, actuel, intime, personnel. Et ce jugement se forme naturellement en nous, découlant de notre nature dont la finalité suprême est la perfection morale. Au lieu de dresser pour nous une liste morte de vertus et de défauts, Wang Yang-ming nous indique donc la règle vivante de notre conduite morale. Et, pour éviter les confusions qu’entraînent nécessairement les termes courants, comme aussi pour exprimer l’intimité, la spontanéité, l’infaillibilité de cette règle, Wang Yang-ming l’appelle finalement le liang-tche. Mais il ne nous suffit pas d’avoir une notion purement théorique du liang-tche ; il faut avoir une foi ferme et agissante en notre propre liang-tche, croire à sa parfaite sûreté dans la manifestation de la norme morale, et être prêt à lui obéir, à le réaliser.

Réaliser, voilà le mot qui dénote le caractère essentiel de la doctrine pratique de Wang Yang-ming. Le travail de notre perfection consiste à réaliser le liang-tche, à agir selon l’intuition morale. Toutes les doctrines morales, d’après le Philosophe du liang-tche, se ramènent au fond à ce point unique. Et ses propres enseignements antérieurs, comme par exemple la doctrine de la synthèse de la connaissance et de l’action, ne font qu’exprimer d’une façon moins heureuse ce qu’exprimera plus tard cette formule définitive, qui les dépasse par sa simplicité, son caractère pratique et sa sûreté. Mais la doctrine du liang-tche ne supprime pas pour autant les difficultés inhérentes au travail de la perfection, et ne nous dispense pas d’efforts pénibles. Wang Yang-ming, en directeur de conscience expérimenté, dévoile à ses disciples les obstacles au travail de la perfection, leur suggère des méthodes pratiques et les met en garde contre les déviations possibles : tant le Philosophe du liang-tche poursuit sans relâche son but éminemment pratique.

Réaliser le liang-tche, agir selon l’intuition morale dans les actes particuliers pour faire le bien et écarter le mal, constitue incontestablement la doctrine positive, explicite, de Wang Yang-ming, doctrine à laquelle il revient à tout propos. Mais des questions ultérieures relatives à l’en-soi du liang-tche ne peuvent manquer de se poser, questions d’autant plus inévitables, qu’elles s’agitent couramment à propos de la nature et du cœur avec lesquels se confond l’en-soi du liang-tche. Esprit intuitif et synthétique, Wang Yang-ming n’aime pas à quitter le terrain solide et immédiat de la conscience pour s’aventurer dans les spéculations. Aussi laisse-t-il volontiers ces questions dans l’ombre. Pourtant, dans ses réponses aux disciples, nous avons pu admirer ses vues sur l’unité concrète que forment le principe d’activité et l’activité elle-même, le principe inchangé et l’acte qui change, la perfection du principe et celle de l’acte. Partant de ces vues synthétisantes, Wang Yang-ming a dû repousser la possibilité pour nous de travailler directement sur le principe même d’intuition, de réaliser l’en-soi même du liang-tche. Puisque nous ne pouvons atteindre cet en-soi que dans ses activités, agissons tout simplement selon notre intuition morale dans nos actes ordinaires et le principe d’intuition sera par le fait même rendu plus lumineux, plus efficace. De plus, malgré l’ambiguïté de quelques expressions, Wang Yang-ming repousse la prétention de laisser libre cours à l’en-soi du liang-tche afin de transcender ainsi le bien et le mal relatifs et de rentrer dans la bonté absolue. Ce qu’il nous enseigne, c’est uniquement que nous travaillions tous sans exception, humblement mais résolument, à faire le bien et éviter le mal dans nos actes particuliers, selon notre intuition morale. Ainsi, entraîné vers les spéculations, le Philosophe du liang-tche s’en dégage très vite pour se cantonner fermement sur le terrain solide de la pratique morale.

Cette doctrine pratique de la réalisation du liang-tche, nous espérons avoir été fidèle en l’exposant, — fidèle surtout à l’esprit, à l’attitude générale de son auteur, — malgré la difficulté qu’il y a à la saisir parfaitement dans ses points subtils et profonds. Nous espérons l’avoir clairement exposée malgré la difficulté que nous avons à nous exprimer dans une langue qui n’est pas la nôtre.

*

Mais, que faut-il penser de cette philosophie du liang-tche ? Tout en souhaitant à notre lecteur une grande sympathie pour notre philosophe et une haute compétence dans l’appréciation de cette philosophie, nous insinuons ici en toute modestie, quelques-unes des remarques que cette étude nous a suggérées. Nous présenterons donc ce que nous considérons comme les deux qualités éminentes de la philosophie du liang-tche, comme aussi ses deux lacunes.

D’abord, Wang Yang-ming a enrichi la philosophie d’un double apport définitif : sa doctrine du liang-tche nous enseigne, on ne peut plus fermement, l’immanence de la norme morale dans notre cœur ; et son propre exemple nous apprend à garder une attitude synthétique devant les réalités et les activités de notre vie spirituelle.

L’autre qualité de cette philosophie du liang-tche, c’est son caractère essentiellement pratique. Pratique dans son origine : elle est une expérience vécue de son auteur. Pratique dans son expression : elle est construite uniquement sur le terrain immédiat de notre conscience, à la différence des doctrines morales qui cherchent à se fonder, à se justifier par des raisonnements abstraits ou par des éléments étrangers à l’ordre proprement moral. Pratique encore dans ses effets : elle serre de plus près notre vie quotidienne, elle embrasse tous nos devoirs, les plus ordinaires comme les plus importants, à la fois ceux qui nous concernent et ceux qui règlent nos relations sociales ; elle associe la réflexion à l’action, la pensée à la vie, le perfectionnement de soi-même au service du bien commun.

Nous ne nous étendons pas sur ces qualités que tout lecteur saura découvrir.

Les qualités humaines ont souvent leur revers. Gardons-nous pourtant de chercher chez Wang Yang-ming des défauts de doctrine qu’il ne pouvait éviter. Gardons-nous de lui reprocher de ne pas avoir tout dit de la vérité. N’oublions pas que tout philosophe comme tout homme, pense dans son milieu et parle à son milieu. Ce serait donc non seulement manque de compréhension, mais encore erreur de méthode, que de reprocher à Wang Yang-ming de ne pas traiter le problème comme font les manuels d’Europe, ou de l’accuser de « considérer simplement la conscience comme une sorte de fonction vitale », de rester « aussi matérialiste que Tchou Hi ».

Voici, nous semble-t-il, quelles sont les véritables lacunes de la philosophie du liang-tche : lacunes que Wang Yang-ming aurait sans doute comblées, au moins partiellement, s’il avait vécu plus longtemps.

En combattant avec vigueur les erreurs de l’École de Tchou Hi et des Lettrés vulgaires, Wang Yang-ming nous paraît négliger trop, voire même méconnaître, le rôle des vérités morales que nous recevons du milieu social, des livres anciens en particulier, ou que nous étudions dans l’abstrait.

Certes, ces « vérités morales » ne sauraient en rien remplacer notre jugement personnel sur la moralité de notre acte concret et actuel. Néanmoins, elles nous aident puissamment à former notre jugement personnel. Notre liang-tche a besoin de matière mieux élaborée pour pouvoir mieux exercer son activité d’intuition. De plus, ces « vérités morales » extérieures sont souvent le résultat des intuitions d’autrui, l’accumulation des expériences vécues de ceux qui ont réalisé le liang-tche mieux que nous. Et si l’on se place au point de vue du liang-tche de l’univers, comme l’a fait parfois Wang Yang-ming lui-même, ces expériences vécues constituent le trésor du liang-tche commun à toute l’humanité, où puise le liang-tche de chaque individu.

Dès lors, ces « vérités morales » seraient-elles absolument étrangères à notre propre liang-tche ? Il ne sert de rien sans doute de les accepter matériellement sans les assimiler à notre vie spirituelle. Mais ce trésor commun « des vérités morales » a son rôle, son utilité propre, que notre liang-tche, abandonné à lui-même, ne saurait suppléer. C’est là, à notre avis, le véritable point qui fonde, qui justifie l’étude des « vérités morales » extérieures, qui réintègre, en quelque façon, le liang-tche d’un individu dans le liang-tche de l’univers. Wang Yang-ming lui-même n’a-t-il pas beaucoup profité de l’enseignement des Anciens, des expériences des autres ? N’a-t-il pas reçu l’illumination à Long-tch’ang à propos d’un texte du Ta-hio et construit sa doctrine définitive avec des expressions anciennes ? De son vivant, le danger pour ses disciples était l’erreur des Lettrés vulgaires, qui abusaient des connaissances de ces « vérités morales » sans s’occuper de la rectitude de leur propre esprit. Mais bientôt ses propres disciples trahiront à leur tour la pensée du Maître et, méprisant toute étude des enseignements moraux, s’abandonneront à des extravagances, sous prétexte d’agir uniquement selon leur propre intuition. Si Wang Yang-ming avait pu constater de ses yeux ces abus, il aurait, croyons-nous, mieux dosé ses critiques contre la méthode de Tchou Hi, il aurait donné la juste place à ces « vérités morales » acquises de l’extérieur ou étudiées dans l’abstrait.

Une autre lacune de la doctrine de Wang Yang-ming, c’est d’avoir poussé exclusivement les vues synthétiques et négligé ainsi la complexité de notre esprit. La vie intime de l’esprit est tout un monde, dont l’unité ne supprime pas la diversité mais la rend peut-être plus difficile encore à étudier. La méconnaissance de cette diversité n’est pas moins fâcheuse dans ses conséquences pratiques que la méconnaissance de son unité. Les questions que nous avons traitées dans nos derniers chapitres le prouvent.

Nous voudrions donc apprendre du Philosophe du liang-tche, d’une manière plus précise, par exemple, quel rapport exact il y a entre notre cœur et la norme, qu’il identifie. Expliquer cette identité simplement par l’immanence de la norme dans notre cœur, comme fait Wang Yang-ming dans ses dernières années surtout, c’est une affirmation très sûre, très claire, certes, mais qui n’explique pas l’identité réelle. Expliquer cette identité en disant que la norme est produite par notre cœur, comme le fait ordinairement Wang Yang-ming, exige que le sens des mots cœur et norme soit précisé. Dans ce cas, le cœur n’est plus considéré comme « principe directeur » ou connaissant ; mais en tant que « en-soi du cœur », la nature, dont la « distribution normative » s’identifie avec la norme. Dès lors, comment cette « distribution normative » devient-elle actuellement connue, devient-elle la norme propre à mon acte concret et actuel ? Autrement dit, à quelle condition mon intuition morale peut-elle s’actualiser, à quelle condition mon cœur, en tant que principe connaissant, peut-il connaître actuellement cette « distribution normative » de ma nature, à l’égard d’un acte déterminé, de telle sorte que, cette condition faisant totalement ou partiellement défaut, le liang-tche soit caché, obnubilé, la connaissance actuelle de la norme dans tel cas déterminé ne soit pas donnée, ou ne soit donnée qu’imparfaitement ?

Nous voudrions encore apprendre de Wang Yang-ming quelle est exactement cette « norme céleste » de notre perfection morale, et quel rapport exact il y a entre elle et le liang-tche. La norme céleste est-elle une perfection purement idéale ? Etant donné le réalisme de notre Philosophe qui lui fait confondre la « norme » ordinaire avec notre nature, nous ne le pensons pas. Serait-elle alors la Perfection suprême existante, le Bien Moral Absolu, Dieu lui-même pour nous exprimer avec le mot de la philosophie occidentale ? Comment entendrait-on alors telle parole de Wang Yang-ming : « le liang-tche, c’est la norme céleste » ? Faudrait-il l’entendre dans le sens qu’il lui donne le plus ordinairement : « le liang-tche, c’est la norme céleste manifestée en nous, c’est la manifestation de la norme céleste » ? Mais alors, entre notre liang-tche et la norme céleste un abîme se creuse, et notre liang-tche, s’il est absolument indépendant des « vérités morales » extérieures et infaillible dans ses jugements de nos actes, comporte essentiellement une dépendance absolue à l’égard de la Norme Céleste, dont il tient son infaillibilité. Raison de plus pour souhaiter de connaître quelle est cette norme céleste et quel rapport il y a entre elle et le liang-tche et comment se fait cette manifestation.

Nous voudrions apprendre enfin, — car il nous faut terminer — quel est exactement le rapport du cœur et du liang-tche. Le cœur, ce principe directeur, doit-il se comprendre strictement dans le sens du « je » ? La Norme céleste s’impose à nous, et le liang-tche se trouve également chez tout le monde. Ce qui m’est exclusivement propre, c’est que je réalise ou que je ne réalise pas mon jugement moral. Wang Yang-ming lui-même n’a-t-il pas toujours répété à ses disciples que la perfection consiste essentiellement dans la réalisation du liang-tche. L’idée centrale de sa doctrine n’est pas la notion abstraite du liang-tche, mais le travail vivant de la réalisation du liang-tche. Dès lors, malgré toutes les affirmations synthétiques de Wang Yang-ming, le liang-tche reste différent de notre cœur, du « je » qui le réalise ou non, et qui en porte la responsabilité et les conséquences. Wang Yang-ming eût été bien inspiré de montrer cette distinction, au lieu d’insister uniquement sur leur identité, suggérant ainsi inconsciemment à ses disciples l’idée de laisser libre cours à l’en-soi du liang-tche.

Telles sont, nous semble-t-il, les deux lacunes de la philosophie du liang-tche. Très probablement, c’est la mort prématurée de Wang Yang-ming qui l’a empêché de les combler. Cependant, empressons-nous de dire que ces lacunes de doctrine n’enlèvent rien à la solidité de la philosophie pratique de Wang Yang-ming. Car, celle-ci se construit et s’achève, non pas dans la région des spéculations abstraites, mais dans l’intuition de notre conscience, dans l’activité de notre vie spirituelle. Chez celui qui réalise son propre liang-tche, les lacunes de doctrine sont nécessairement comblées dans l’activité concrète, sinon par des concepts clairs, au moins par des attitudes générales et des perceptions confuses.

*

Quelques mots en terminant sur l’influence qu’a exercée la philosophie du liang-tche.

De son vivant et après sa mort, Wang Yang-ming s’est attiré bien des critiques. Mais sa doctrine s’est répandue rapidement dans toute la Chine, grâce à la personnalité de son auteur, aussi bien qu’à l’influence de disciples nombreux et distingués. Le siècle qui suivit la mort de Wang Yang-ming constitue sans doute l’apogée de son influence. Ses grands disciples, dont nous avons déjà rencontré les noms au cours de cette étude, deviennent à leur tour des maîtres célèbres et font école. Il faut cependant remarquer que jamais la doctrine de Wang Yang-ming n’a supplanté celle de Tchou Hi pour les examens officiels, bien qu’elle n’eût jamais été officiellement condamnée pour hétérodoxie, ni sous les Ming ni sous les Ts’ing.

A l’apogée, succède bientôt la décadence. Vers la fin des Ming, des disciples lointains font dévier lamentablement la doctrine pratique de la réalisation du liang-tche. Sous le prétexte de tout apprendre de leur propre liang-tche, ils tombent dans la méthode purement négative du Dhyâna, dans le mépris absolu des enseignements des Anciens et des obligations sociales. Sans doute, il n’a pas manqué de philosophes comme Lieou Tsong-tcheou et Hoang Tsong-hi, pour tenter de rendre vie à la philosophie du liang-tche. Mais dans l’ensemble, on est bien las des discussions sans fin de toute l’École de la Norme ; et la décadence de la philosophie du liang-tche devient inévitable.

Avec les Empereurs des Ts’ing, l’autorité de Tchou Hi, officiellement confirmée, croît de jour en jour. Des Lettrés, se donnant comme ardents défenseurs du Maître officiel, s’attaquent violemment à Wang Yang-ming, tandis que les Lettrés sérieux, pour des raisons politiques ou autres, se tournent vers l’étude critique des textes des anciens livres. On est alors bien éloigné de l’esprit de Wang Yang-ming, esprit synthétique et assez arbitraire dans la manière dont il traite les textes anciens ; on l’est encore davantage des paroles vides et de la conduite extravagante de ses derniers disciples. Ainsi, la philosophie du liang-tche s’enfonce de plus en plus dans l’ombre durant ces trois derniers siècles, sauf au Japon.

Dans ce dernier pays, un siècle après la mort de Wang Yang-ming, Nakae Tôju (1608-1648), avec son disciple Kumazawa Banzan, fonda l’« École de Yang-ming » et groupa autour de lui des Lettrés et des hommes d’État. L’influence de cette École fut autrement durable qu’en Chine. La raison est que la doctrine du liang-tche entendue dans le sens purement pratique, convenait à la mentalité japonaise ; et c’est surtout ce côté pratique que retenaient les Lettrés japonais. De plus, la doctrine du liang-tche a joué un rôle politique dans la lutte anti-shôgounale ; les nationalistes japonais s’en réclamaient pour l’opposer à celle de Tchou Hi devenue officielle dans ce pays aussi et asservie aux intérêts des Shôgoun. Jusqu’en ces derniers temps, l’influence de Wang Yang-ming a continué de s’exercer sur les Lettrés japonais ; et le Japon moderne a même honoré en 1907 Nakae Tôju de titres posthumes.

Revenons à la Chine. Depuis ces trente dernières années, on recommence à s’intéresser à Wang Yang-ming. Quelques études, malheureusement assez superficielles pour la plupart, ont été faites. Mais on est encore loin de pouvoir parler de l’influence de la philosophie du liang-tche sur la pensée moderne de la Chine. Cette pensée chez la plupart des Chinois a absorbé dans ces derniers temps tant d’idées matérialistes venues d’Europe et d’Amérique et a voué un tel mépris aux idées morales traditionnelles du pays, qu’on est encore peu préparé à comprendre la doctrine élevée et profonde de Wang Yang-ming. Mais nous ne doutons pas que, lorsque l’élite chinoise reviendra puiser son énergie morale chez ses propres maîtres — et heureusement ce mouvement se dessine déjà — le Philosophe du liang-tche, grâce aux éminentes qualités que nous avons signalées, aura plus de faveur auprès des modernes que d’autres penseurs et contribuera puissamment au redressement moral du peuple chinois.



Retour au livre de l'auteur: Laurence Binyon (1869-1943) Dernière mise à jour de cette page le jeudi 19 juillet 2007 12:41
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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