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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Les Antinationaux (Actes et Principes) suivi de Le Vieux Piquet. [1884] (2012)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Louis-Joseph JANVIER, Les Antinationaux (Actes et Principes) suivi de Le Vieux Piquet. Première édition, 1884. Port-au-Prince, Haïti: Les Éditions Fardin, 2012, 106 pp. + 42 pp. Une édition numérique réalisée par Jacques CHARLES, bénévole, sociologue, membre du REJEBECSS-Haïti.

[6]

Les Antinationaux
(Actes et principes)
suivi de Le Vieux Piquet

Avant-propos

La République d’Haïti jouit maintenant du calme le plus parfait. Des trois villes qui, l’année dernière, s’étaient révoltées contre le gouvernement constitutionnel du Président Salomon, Jérémie a capitulé le 18 décembre, Jacmel s’est rendue le 29 du même mois et Miragoâne a été prise le 8 janvier 1884.

Les insurgés de Miragoâne, par un décret qu’ils rendirent le jour même qu’ils inauguraient la guerre civile, avaient osé déclarer M. Salomon déchu de la présidence, lui faisant, entre autres reproches, celui aussi injustifié qu’injustifiable d’avoir violé le secret de leurs correspondances.

Lorsque la ville de Jacmel se mit en rébellion dans le courant du mois de juillet, quelques jours après que le Parlement réuni à la capitale donnait au président, par un vote unanime, la formelle assurance de sa volonté de concourir avec lui au rétablissement de la paix et, en conséquence de ce vote, prenait toutes les mesures propres à amener ce résultat, elle disait dans une des phrases de son manifeste de griefs directement adressée à M. Salomon : « vous avez violé le secret des lettres, oubliant que l’Union postale vous regardait indignée, et que chaque mot qu’on lit dans une lettre est un viol de la propriété ».

[7]

Au langage qu’ils tenaient le 23 juillet, ces politiciens à courte mémoire devaient opposer des actes qui témoignaient de leur peu de fixité de principes.

Au commencement du mois d’août, ils firent main basse sur le courrier d’Europe qu’apporte aux Antilles un bateau anglais qui touche tous les mois à Jacmel, ouvrirent les plis cachetés qui ne leur étaient pas adressés, et prirent connaissance de leur contenu.

Parmi ces lettres, il s’en trouvait une signée de mon nom. Elle portait l’adresse d’un de mes amis de Port-au-Prince : M. J.J. Chancy.

D’après un témoignage que j’ai les meilleures raisons du monde de croire faux, ma lettre, volée à Jacmel au commencement du mois d’août, fut publiée le 18 septembre seulement - six semaines après qu’on en avait violé le secret - sur un journal de cette ville : l’Écho de la Révolution, par un individu dont j’ignore encore le nom.

Elle fut reproduite, en inexacte teneur, accompagnée de commentaires calomnieux pour moi, dans une brochure trois fois anonyme et non datée, qui fut imprimée probablement à Paris vers la fin du mois d’octobre.

Le 28 de ce mois, j’en reçus un exemplaire par la poste. Le 29, on pouvait lire ceci dans les colonnes de la République radicale :

On nous prie d’insérer la lettre suivante :

[8]

Monsieur le Rédacteur,

Hier, il a paru une brochure, intitulée le Cas de M. Janvier. Elle ne porte ni nom d’auteur, ni nom d’éditeur, ni nom d’imprimeur. Je défie quiconque de s’en déclarer l’auteur. Moi qui signe tout ce que j’écris, qui combat à visage découvert, je ne puis sérieusement me justifier d’imputations contenues dans des brochures anonymes.

Je vous prie de donner l’hospitalité à ma protestation et d’agréer l’expression de ma haute considération.

(S) : Dr. Louis-Joseph JANVIER

Cette brochure, œuvre de quelques Haïtiens désœuvrés, partisans, maladroits des révoltés de Jacmel et de Miragoâne, ne pouvait être mise dans le commerce, puisqu’elle était par trois fois anonyme. Pourtant, elle a été distribuée par eux, et à Paris même, à un petit nombre de personnes dans l’esprit desquelles ils espéraient me nuire. Depuis, j’ai appris qu’ils en avaient expédié quelques dizaines d’exemplaires en Haïti par un de leurs affiliés ; que celui-ci les faisait circuler à Port-au-Prince.

Par cette exposition brève, sèche des faits, on peut voir déjà que ce qu’on a voulu appeler, en phrases creuses et pompeuses, le libéralisme des insurgés haïtiens, n’était qu’enfantillage et mensonge.

Seuls, les faibles d’esprit et les intéressés peuvent encore y ajouter foi. En France, pays où les pamphlets anonymes courent les rues depuis plus de trois siècles, pays [9] où tout le monde connait l’histoire des édifiants démêlés de Beaumarchais avec Théveneau de Morande et Guillaume Angelucci ; où, actuellement, devant la place de la Bourse, à Paris, il se distribue chaque jour, au moins une dizaine de brochures non signées dirigées contre les financiers en renom, on ne tient nullement compte des assertions que peuvent contenir ces misérables libelles, et on méprise souverainement ceux qui ont peur d’endosser les responsabilités de leurs écrits. Mais, en Haïti, pays jeune et où l’opinion publique nait à peine, il n’en est peut-être pas tout à fait ainsi.

Aussi, c’est surtout pour mes compatriotes que je rédige ces pages. J’emploie à dessein la forme épistolaire. Mieux qu’aucune autre, elle convient au ton familier dont je crois devoir me servir ici.

Il est des imputations, dont l’absurdité saute tellement aux yeux des plus naïfs, qu’elles ne peuvent pas même exciter l’indignation de ceux contre lesquels on les dirige.

Du reste mieux est de ris que de larmes escripre, comme disait Rabelais, pour ce que le rire est le propre de l’homme.

Je serai homme public probablement toute ma vie. Dès maintenant, je dois apprendre à me laisser calomnier.

D’ailleurs, depuis que j’en ai tâté, je trouve que la chose n’est pas sans charme. On ne calomnie que ceux qui [10] gênent, et peu d’hommes peuvent être haïs jusqu’à mériter l’honneur d’être calomniés dans l’ombre.

Selon Liautaud Ethéart, la bave des gens masqués ne salit pas. Si, elle salit, mais les baveurs.

Nul n’ignore que la calomnie anonyme est un hommage indirect et forcé que les sots et les lâches ne peuvent s’empêcher de rendre à leurs adversaires.

Ceux qu’on essaie de diffamer par ce moyen savent bien que la vérité apparait toujours à un moment donné, lorsque luit la lumière définitive, la grande épée : l’Histoire.

En dehors de la satisfaction intime qu’ils peuvent éprouver lorsqu’ils ont conscience d’avoir rempli leur devoir, cette considération seule suffirait à les consoler.

Lis-Jos-Jver.

Paris, Juillet 1884.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 15 mars 2019 7:27
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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