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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Anti-Dühring (1878):
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Une édition électronique réalisée à partir du livre de Friedrich Engels (1878), Anti-Dühring (M. E. Dühring bouleverse la science). Traduction française, 1950.

i. Formation et développement du mouvement ouvrier allemand

par E. BOTTIGELLI

Le point de départ du mouvement révolutionnaire en Allemagne reste la révolution de 1848. On sait qu'elle fut une tentative pour mettre fin au régime absolu. Après s'être appuyée sur le peuple et une classe ouvrière encore embryonnaire, la bourgeoisie a préféré pactiser avec le régime existant et renoncé à faire aboutir la révolution démocratique. Après 1850, le pouvoir absolu est restauré, avec toutes les limitations qu'il comporte et qui s'opposent au développement d'une véritable vie politique. On se retrouve au même point que trois ou quatre ans plus tôt, mais avec une bourgeoisie à laquelle la peur du prolétariat a retiré toute humeur combative.

La classe ouvrière qui s'est lancée dans l'action révolutionnaire en 1848 l'a fait avec la même spontanéité que les prolétaires français qui se battaient héroïquement sur les barricades de juin et avec une égale absence de perspectives théoriques. Certes la Ligue des Communistes a su apporter aux masses l'exemple de sa résolution et de son organisation. Mais bien que le Manifeste communiste ait paru dès février 1848 et qu'il ait connu une certaine diffusion, il n'a pas joué le rôle directeur qu'on serait tenté de lui attribuer. Les couches ouvrières sont, à cette époque, composées essentiellement de petits artisans; le développement de l'industrie en est encore trop à ses débuts en Allemagne pour que se soit constituée une véritable conscience de classe et que les perspectives théoriques ouvertes par le Manifeste puissent être saisies dans toute leur importance et leur nouveauté. Seule une élite clairsemée va s'en approprier l'esprit. Les masses, dans la mesure où il subsistera chez elles des ferments révolutionnaires, restent bien plus influencées par les théories de Weitling ou du socialisme vrai.

C'est d'ailleurs contre la Ligue des Communistes que l'absolutisme prussien va faire porter ses coups. Le procès des communistes à Cologne à l'automne 1852, type du procès monté de toutes pièces par la police, démantèlera pour de nombreuses années toute organisation de la classe ouvrière en Allemagne.

Les dix ans qui précèdent l'arrivée au pouvoir de Bismarck sont marqués par des transformations économiques profondes qui vont modifier sensiblement les conditions mêmes de la vie politique. La caractéristique principale de cette évolution sera le passage d'un pays encore essentiellement agraire en 1850 au rang de grande puissance industrielle vers 1870, avec tout ce que cela comporte de modifications dans les rapports de propriété et dans les conditions sociales. Malgré les entraves qu'apportent les règlements bureaucratiques et la division de l'Allemagne, la bourgeoisie va se hausser au niveau européen en concentrant ses capitaux et en adoptant les découvertes, de la science et de la technique. C'est après 1850 que la Ruhr va se transformer en grand complexe industriel et mettre l'industrie sidérurgique à proximité immédiate des ressources houillères. Pour ne donner que cet exemple, le nombre des hauts fourneaux fonctionnant au coke va passer de deux en 1850 à 50 en 1870. L'extraction de la bouille (4,4 millions de tonnes en 1848) va atteindre 29,6 millions en 1871. Parallèlement va se réaliser à la campagne une mutation décisive. Le rachat des charges réglé par la loi de mars 1850 va créer les conditions de la transformation de la propriété agraire en exploitations capitalistes. L'essor de l'industrie va entraîner le reflux vers les villes d'une partie de la population paysanne et, du fait de l'accroissement de la consommation, provoquer l'augmentation des rendements de la production agricole. Le visage de l'Allemagne, et en particulier celui de la Prusse qui en apparaîtra bientôt comme l'État le plus puissant, va donc se transformer radicalement au cours de ces années.

Cette évolution économique s'accompagne inévitablement d'un accroissement de la classe ouvrière. Alors que la population de la Prusse augmente de 13 %. entre 1849 et 1861 le nombre de ceux qui sont occupés dans l'industrie et l'artisanat croit de 21%. Pour la période 1861-1875, on note un nouvel accroissement de la population de 13 % alors que le nombre des travailleurs non agricoles augmente de 26 %. La proportion d'artisans est toujours importante, niais leurs conditions de vie sont de plus en plus précaires et les rapprochent toujours plus de celles du prolétariat. L'augmentation du coût de la vie, la dégradation des conditions de logement ont fait d'autant plus empirer la situation des ouvriers que le capitalisme en est encore à la phase d'exploitation extensive: la journée de travail s'est allongée, les salaires ont baissé, l'industrie emploie toujours plus de femmes et d'enfants que ne protège aucune législation.

Il est difficile de se représenter ce qu'est la vie d'un ouvrier à cette époque. La loi interdit les associations corporatives et de ce fait les syndicats. On tolère à la rigueur les organisations locales, mais il n'est pas question de groupements à l'échelle nationale. Encore ces organisations ne peuvent-elles prendre que la forme de sociétés de secours. La liberté de changer de lieu de résidence n'existe pas. Tel ouvrier saxon qui veut aller chercher du travail en Prusse doit se faire naturaliser dans ce pays et les démarches comportent de tels frais qu'ils rendent la plupart du temps impossible le changement de nationalité. Quant au travailleur «étranger», il peut à chaque instant être expulsé de la ville ou du pays où il a réussi à s'installer. Dans ces conditions toute vie politique est exclue et les luttes sont uniquement économiques. On compte cependant 40 grèves entre 1850 et 1856 qui ont pour point de départ des revendications salariales ou demandent la diminution du temps de travail.

Il ne faut donc pas s'étonner si, du fait de cette parcellisation et de cette absence de perspectives propres, les objectifs du prolétariat se confondent avec ceux de la bourgeoisie libérale qui va faire opposition à Bismarck. Les seules organisations où se retrouvent les prolétaires sont les unions ouvrières ou les associations ouvrières pour la culture. On rencontre çà et là parmi les militants d'anciens membres de la Ligue des Communistes, mais leur influence reste très limitée. Le souvenir de l'action de Marx et d'Engels en 1848 est à peu près perdu, et le Manifeste communiste ne sera réimprimé pour la première fois à un petit nombre d'exemplaires qu'en 1866. Les influences décisives sont celles de bourgeois libéraux comme Schulze-Delitsch ou Sonnemann. L'évolution d'August Bebel est à cet égard significative. Né en 1840, il fera ses premières armes dans les unions ouvrières aux côtés de bourgeois progressistes et lie se convertira au socialisme que vers 1866-67, après avoir fait la connaissance de Liebknecht qui s'était battu en 1849 pour la constitution proclamée par l'Assemblée de Francfort. Entre 1850 et 1862, date où apparaîtra Lassalle (qui lui aussi a vécu, bien qu'en marge, la révolution de 1848), il y a une sorte de vide idéologique. Lorsqu'il constituera ses premières organisations politiques, le prolétariat allemand devra tout réapprendre.

Les problèmes politiques généraux qui se posent à cette époque a l'Allemagne vont marquer de leur sceau le réveil de la classe ouvrière. D'une part elle va confondre pendant un certain temps ses revendications avec celles de la bourgeoisie. La liberté d'association et de réunion, le suffrage universel direct vont être parmi les premiers points de son programme. Autrement dit des revendications qui ne dépassent pas l'horizon de la démocratie bourgeoise. Avant que le prolétariat se constitue en organisation politique autonome et ait ses perspectives propres, il faudra toute une période de reprise de conscience. La pierre de touche sera d'ailleurs dans ce domaine, après 1864, l'attitude à l'égard de la 1re Internationale, c'est-à-dire l'influence de Marx et d'Engels. D'autre part la question de l'unité nationale va jouer un rôle décisif dans cette prise de conscience. La création en 1859 du Nationalverein (Union nationale), qui regroupera surtout des éléments bourgeois, va créer dans la classe ouvrière l'illusion que, sur ce plan, elle a des objectifs communs avec la bourgeoisie. On sait que la question de fond est celle de la grande Allemagne (avec l'Autriche) ou de la petite Allemagne. L'opposition de la bourgeoisie à Bismarck va en réalité occulter le vrai problème: celui de la révolution démocratique ou de la révolution par en haut. Si l'unité allemande doit être considérée comme une des conditions majeures du développement du mouvement ouvrier allemand, sa réalisation a été une source de division qui a en fait freiné l'unité du prolétariat révolutionnaire et retardé sa prise de conscience théorique.

À suivre...

ii. La création du parti Lassallien

Retour à l'auteur: Friedrich Engels Dernière mise à jour de cette page le dimanche 14 mai 2006 19:46
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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