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Collection « Les auteur(e)s classiques »

“ Friedrich Ratzel. Anthropogéographie. Compte-rendu. ” (1899)


Une édition électronique réalisée à partir d'un texte d’Émile Durkheim (1899),Friedrich Ratzel, Anthropogéographie. ”. Un compte-rendu du livre publié dans l'Année sociologique, 3e année, 1898-1899, Paris, 1900. Sixième section: morphologie sociale, I - Les migrations humaines. Une édition numérique réalisée par M. Michel Côté, bénévole, étudiant en géographie à l'Université Laval.


L’Anthropogéographie est l’œuvre fondamentale de M. Ratzel, celle où se trouvent exposés les principes essentiels de la science qu’il a entrepris de fonder. La seconde édition de ce livre, qui vient d’être publiée, va donc nous fournir l’occasion de résumer pour nos lecteurs les idées directrices de cette école dont les travaux intéressent si directement les sociologues. Cette nouvelle édition est, d’ailleurs, remaniée dans un esprit plus spécialement sociologique. - Quant à la rubrique sous laquelle nous rangeons l’ouvrage, elle s’expliquera plus loin.

L’idée qui sert de point de départ aux spéculations de l’anthropogéographie, c’est que l’homme tient par des liens étroits au sol sur lequel il vit. « L’humanité, c’est un morceau du globe » (die Menscheit ist ein Stück der Erde, p. 23) ; l’en détacher, l’étudier en elle-même, abstraction faite de cette terre dont elle est un élément intégrant, c’est se mettre dans l’impossibilité de la comprendre. Toutefois, l’anthropogéographie n’a pas à traiter de toutes les influences que le sol peut exercer sur l’homme. Certains de ces effets n’atteignent que les individus isolément, modifiant leur constitution physique et mentale ; ils ressortissent donc aux sciences qui s’occupent de l’homme individuel, c’est-à-dire à la physiologie humaine et à la psychologie (p. 48 et 79). Les seuls qui concernent l’anthropogéographie sont ceux qui présentent une suffisante généralité pour affecter la vie des peuples, des collectivités de toute nature, et, plus particulièrement encore, ceux qui contribuent à déterminer la manière dont les hommes sont distribués sur la surface du globe : car c’est là le phénomène géographique par excellence (p. 77).

Il résulte de cette conception que l’anthropogéographie doit de se poser trois sortes de problèmes : 1. Elle doit commencer par établir la façon dont les hommes sont distribués et groupés sur la terre; et comme ils font partie de groupes divers (ethniques, nationaux, linguistiques, religieux, etc.), elle dressera autant de cartes qu’il y a de sortes de groupements. Il y aura ainsi des cartes pour les confessions religieuses, d’autres pour les races, d’autres pour les États et chacune d’elles devra figurer les emplacements occupés, leur étendue respective, leurs formes, la densité des populations, etc. 2. Mais la science ne peut se contenter de décrire la façon dont les hommes sont distribués, elle doit expliquer cette distribution. Nulle part les peuples ne se sont formés de toute pièces sur le sol qu’ils occupent actuellement. Leur répartition actuelle est le produit de mouvements de toutes sortes qui se sont succédés au cours de l’histoire. Quelles sont les lois de ces mouvements ? Quels sont les facteurs qui les facilitent ou qui les entravent, les causes qui les ont dirigés dans tel ou tel sens? Tel est le second problème. 3. Enfin, le troisième groupe de faits comprend les effets divers que le milieu physique peut produire chez les individus et, par leur intermédiaire, dans l’ensemble de la société. Ainsi le climat contribue à former le caractère national; de la faune et de la flore, peut dépendre la structure économique (pp. 77-79 et 48).

Ce dernier ordre de problèmes est, comme on voit, très différents des deux autres. Il n’occupe d’ailleurs dans le livre qu’une place restreinte; il n’y a guère que les deux derniers chapitres qui y soient particulièrement consacrés. De l’aveu de l’auteur, ces questions ne sont que sur le seuil de l’anthropogéographie. Quant aux deux autres parties qui viennent d’être distinguées, la première est renvoyée au tome second de l’ouvrage; c’est donc la seconde qui constitue à elle seule le principal du livre dont nous avons actuellement à parler. Cet ordre a, sans doute, quelque chose de surprenant et il semblerait plus naturel d’établir d’abord, par voie prescriptive, le mode de distribution des hommes par État, races, etc., avant d’en chercher les causes. Ce qui explique pourtant le plan suivi par M. R., c’est que les causes qu’il recherche ne sont pas spéciales à tel ou tel mode de groupement en particulier. Il s’agit de savoir, non ce qui fait que la carte politique ou la carte ethnique ou la carte confessionnelle a telle ou telle forme, mais comment la nature du sol contribue à déterminer la manière dont les masses humaines se meuvent à la surface du globe. Que ces masses soient des groupes nationaux ou religieux ou économiques, il y a des forces qui les nécessitent, ici à se concentrer, là à se disséminer, qui les attirent ou qui les repoussent, qui concourent à marquer le sens dans lequel elles se dirigent, le chemin qu’elles suivent, etc. ; et certaines tout au moins de ces forces sont inhérentes à la constitution du terrain. L’objet du livre est de rechercher quelles elles sont et la manière dont elles agissent. C’est donc essentiellement une théorie générale des migrations humaines qui est offerte dans cette première partie de l’anthropogéographie. Car les migrations ne sont autre chose que l’ensemble des mouvements en vertu desquels les collectivités sont arrivées à se grouper et à se distribuer sur le sol à chaque moment de l’histoire : par conséquent, c’est l’étude de ces mouvements qui seule pourra rendre compte de cette distribution.

Ainsi entendue, la géographie prend un aspect très différent de celui qu’elle présente généralement. D’ordinaire, elle est considérée comme une science purement statique dont l’objet est fixé d’une manière presque immuable ; car, à chaque moment, les formes des peuples semblent nettement arrêtées et définies, et elles passent pour ne subir des changements importants que de loin en loin. Mais ce n’est là qu’une apparence. En réalité, les emplacements qu’occupent les sociétés sont dans un devenir perpétuel (das Voelkergebiet ist etwas ununterbrochen fliessendes, p. 120). Par-dessus leurs frontières visibles, et qui sont douées d’une fixité relative, elles se mêlent de toutes les manières, pénètrent chez leurs voisines ou sont pénétrées par elles, se grossissent d’immigrants ou en envoient, etc. Sans doute, on parle parfois de certaines sociétés comme si elles étaient restées immobiles pendant un temps plus ou moins long; par exemple, on entreprend de fixer l’instant où ont commencé les migrations aryennes. Mais ces périodes de prétendue immobilité ne sont que des périodes d’une mobilité moindre. Le mouvement des peuples ne s’arrête jamais et ne commence jamais. Il y a seulement des différences dans la nature de dans l’intensité des mouvements produits. Tantôt ils sont insensibles et lents ; tantôt ils sont violents et marqués. Mais ils ne font jamais défaut (pp. 121-128).

Tel étant l’objet immédiat de la recherche, la première préoccupation de l’anthropogéographe doit naturellement être de déterminer, d’une manière générale, en quoi consistent ces mouvements collectifs, quels en sont les variétés et le mécanisme. Tout un livre (pp. 113-211) est consacré à ce problème du mouvement historique (die geschichtiiche Bewegung).

Il y a toutes sortes de mouvements migratoires. Sans chercher à en donner une classification exhaustive, l’auteur passe rapidement en revue les principales formes qu’ils peuvent prendre. Il en est de conscients, c’est-à-dire qui tendent vers un but déterminé d’avance, et il y en a d’inconscients, c’est-à-dire qui vont devant eux, sans fin définie ; ces derniers sont naturellement les plus fréquents, car les masses humaines ne peuvent se représenter par avance le point éloigné où elles doivent finir par aboutir, que quand elles sont arrivées à concevoir un horizon géographique assez étendu (p. 131). Il y a des migrations qui s’accomplissent d’un coup, par grandes masses ; d’autres qui se font par petits groupes isolés dont les membres, très souvent, se disséminent à mesure qu’ils avancent (p.135). Il y a des migrations actives de peuples qui, d’eux-mêmes, se répandent hors de leur territoire; il en est de passives, qui sont dues au choc que reçoivent ainsi les sociétés envahies (p.141). Il y a des infiltrations lentes qui, en se répétant, produisent souvent autant d’effet que les invasions proprement dites (p. 144). Mais les différences les plus tranchées sont celles qui tiennent à la nature des peuples en mouvement, à la forme particulière de leur civilisation. À ce point de vue, on peut distinguer les migrations des peuples pasteurs (pp. 149-163), des chasseurs (pp. 163-166), des agriculteurs inférieurs qui se déplacent quand ils ont épuisé la fécondité du sol qu’ils occupent. Toutes ces migrations ont un caractère commun : elles supposent des sociétés peu denses et qui disposent de vastes espaces. Au-dessus se trouvent les migrations particulières aux pays très peuplés; ce sont les migrations colonisatrices. Enfin, il y a celles que le commerce détermine à mesure qu’il se développe (pp. 167-172).

Mais toutes ces variétés ne sont que des différenciations d’un même schéma qui peut être figuré graphiquement : chaque migration suppose un point de départ, un point d’arrivée et un chemin menant de l’un à l’autre. Mais le sens de ces mots a besoin d’être précisé. Il ne faut pas se représenter une migration comme partant d’un foyer nettement circonscrit et se dirigeant, suivant une sorte de ligne droite, vers un but précis. Le lieu d’origine est toujours une région d’une certaine étendue ; de points divers de cette région émanent des courants différents qui viennent aboutir à une région nouvelle. D’un autre côté, on ne peut parler de territoire originaire que dans un sens très relatif. Ce n,est point un endroit où le peuple migrateur aurait réellement pris naissance, où il serait apparu pour la première fois ; car il n’y a pas de peuples qui soient vraiment autochtones. Le mot d’autochtonie n’est qu’une figure et doit être rayé de la terminologie scientifique. L’état de perpétuelle mobilité où sont les sociétés est trop grand pour qu’aucune société se soit attardée à ce point au lieu de sa naissance. On ne peut donc dire d’une région qu’elle est originaire que par rapport à celles qui ont été occupées ultérieurement, et non d’une manière absolue. A plus forte raison n’y-a-t-il aucun pays, aucun endroit qui puisse être considéré comme le foyer initial de l’humanité ou, simplement, d’un certain groupe d’idées (p.175). La détermination de la portion du globe à laquelle doit être rattachée un faisceau de courants migrateurs ne peut être faite qu’en remontant le chemin qu’ils ont parcouru. L’auteur montre combien tous les autres critères employés exposent à des erreurs. De même que les points de départ, les directions suivies par les migrations ne sont pas prédéterminées par nature. Seules, les grandes masses d’eau, les champs de glace, les déserts, parce qu’ils sont complètement inhabitables, exercent sur ces mouvements une sorte d’action négative. Mais, en dehors de ces cas extrêmes, il n’y a rien dans la nature du sol dont l’effort des hommes ne puisse triompher avec le temps (p. 183).

Après avoir ainsi caractérisé la nature des mouvements migratoires en général, l’auteur passe successivement en revue les faits géographiques avec lesquels ils sont en rapport, soit qu’ils en dépendent, soit qu’ils contribuent à les déterminer. Car les deux questions ne sont pas suffisamment distinguées par M. R. ; ce qui n’est pas sans nuire à la clarté de l’exposition.

Ces faits sont les suivants :

L’emplacement, dans lequel il y a lieu de distinguer deux éléments : a) la manière dont il est situé par rapport aux peuples voisins ou ce que M. Ratzel appelle la situation (die Lage) ; b) l’étendue de l’espace occupé (der Raum). Suivant que la situation d’une société est centrale ou périphérique, c’est-à-dire suivant qu’elle est entourée de toutes parts par d’autres sociétés, ou bien, au contraire, qu’elle a au moins un de ses côtés de libre, ses mouvements migratoires sont nécessairement différents (p. 217 et suiv.). Le nombre des pays avec lesquels elle est directement en contact, leur importance respective affectent également le sens dans lequel les courants se dirigent, etc. (p. 222). Plus évidente encore, mais non plus marquée, est l’influence de l’espace. Il est clair que l’expansion d’une race ou d’une société ne se fait pas de la même manière, selon qu’elle peut se développer sur de vastes espaces ou qu’elle est matériellement obligée de se concentrer dans des limites plus ou moins resserrées. Aussi est-ce une tendance fondamentale de toutes les sociétés que d’étendre leur base géographique ; elles ont soif d’espace. C’est pourquoi, à mesure qu’elles passent de l’enfance à la maturité, on les voit progresser territorialement. Sans doute, les espaces limités ont un rôle utile ; ce sont souvent les foyers dans lesquels s’élaborent, grâce à une concentration énergique, des formes élevées de civilisation. Mais dès qu’elles ont pris naissance, elles tendent nécessairement à se répandre au delà de leurs frontières initiales (pp. 229-255).

Les frontières.- Les frontières sont plutôt un produit qu’une cause déterminante des mouvements collectifs; elles expriment la force d’expansion du peuple considéré, dans ses rapports avec les forces contraires des peuples voisins. Aussi présentent-elles des formes très diverses qui reflètent la constitution propre des différentes sociétés (p. 261). Seules, les frontières naturelles exercent une action positive sur les sens des migrations dont elles marquent très souvent le but ; car toutes les sociétés tendent instinctivement vers leurs frontières naturelles (p.263). À l’étude des frontières se trouve rattachée, un peu artificiellement peut-être, celle des côtes, parce qu’elles servent de frontières entre la terre et la mer.

La surface de la terre.- Sous cette rubrique se trouvent réunis tous les facteurs géographiques qui tiennent aux formes différentes que présente la terre sur les différents points du globe. Les peuples se meuvent différemment suivant qu’ils sont limitrophes d’une mer ou enfermés à l’intérieur des continents. Les fleuves ont une action analogue à celle de la mer (pp. 339-357). Les continents facilitent ou gênent l’expansion suivant que les masses de terre ferme dont ils sont formés sont plus ou moins étendues et continues. À cet égard, l’hémisphère sud présente, par rapport à l’hémisphère nord, un contraste qui se retrouve dans toute l’histoire de l’humanité. M.R. va jusqu’à admettre qu’il n’y a vraiment que deux races fondamentales dans le genre humain : la race septentrionale et la race méridionale (p.369). La configuration des continents a aussi son influence (p.371) ; îles, presqu’îles, isthmes, etc. sont étudiés à ce point de vue. Une section spéciale traite des reliefs du sol (pp.399-466).

Les deux derniers chapitres du livre sont consacrés à la faune, à la flore, et au climat. Nous ne faisons que les mentionner; car ils concernent surtout la manière dont le milieu physique agit sur la structure économique et le caractère des peuples.

Nous avons déjà eu l’occasion d’indiquer ici même l’importance que nous attribuons à l’œuvre de M. Ratzel. Non seulement ces livres sont riches de vues intéressantes et ingénieuses, mais il a eu le très grand mérite de tirer la géographie de l’isolement où elle languissait, de la rapprocher de la sociologie, d’en faire une science vraiment sociale, et il a ainsi ouvert la voie à des études qui promettent d’être fécondes. Mais nous devons faire à propos de l’Anthropogéographie une remarque que nous avions déjà faite en rendant compte de la Politische Geographie. Si la science que M. Ratzel entreprend de fonder est éminemment suggestive, sont objet comme sa méthode restent encore très indéterminés. On a pu voir plus haut qu’il n’était pas facile de dire avec précision sur quoi elle portait exactement. Sans doute, la théorie des mouvements migratoires en est la partie centrale; mais il y est traité de bien d’autres sujets. Il s’agit, en somme, d’étudier toutes les influences que le sol peut avoir sur la vie sociale en général. Or les problèmes divers qui se posent à ce point de vue sont beaucoup trop hétérogènes pour ressortir à une seule et même science. La nature du sol, le climat, etc., a certes des influences sur les représentations collectives, sur les mythes, les légendes, les arts, etc. ; mais c’est à la sociologie religieuse qu’il appartient de les étudier sous cet aspect. Les mêmes causes agissent sur le caractère des nations; ainsi se posent des problèmes d’éthologie collective. De la faune et de la flore dépendent certaines particularités de la vie économique; c’est l’économiste qui doit en connaître. La configuration du terrain facilite ou gène la concentration de la population; le démographe, par conséquent, n’en peut faire abstraction. Un seul et même savant ne peut donc avoir une égale compétence pour une telle diversité de problèmes. C’est ce qui fait la nature un peu trouble de l’impression que laisse la lecture de l’Anthropogéographie. C’est une suite de considérations qui éveillent la réflexion, mais dont on n’aperçoit pas toujours le lien et desquelles surtout on ne voit se dégager qu’un petit nombre de lois définies.

D’ailleurs, quand on passe en revue une telle multiplicité de faits de toute nature, dans le seul but de rechercher quel rôle joue dans leur genèse le facteur géographique, on est nécessairement amené à en exagérer l’importance, précisément parce qu’on perd de vue les autres facteurs qui interviennent également dans la production de ces mêmes phénomènes. Sans doute, les influences telluriques sont loin d’être négligeables; mais il ne me semble pas qu’elles aient l’espèce de prépondérance qu’on leur prête. Elles concourent à former ce qu’on pourrait appeler l’idiosyncrasie des peuples, leur humeur, les caractères personnels de leur tempérament et de leur organisation. Mais parmi les traits constitutifs des types sociaux, il n’en est aucun, à notre connaissance, dont elles puissent rendre compte ; nous ne trouvons, en tout cas, dans le livre de M. Ratzel aucune démonstration de ce genre. Comment, d’ailleurs, serait-ce possible, puisque les conditions géographiques varient d’un lieu à l’autre, alors qu’on trouve des types sociaux identiques (abstraction faite des particularités individuelles) sur les points les plus divers du globe ?

Encore n’est-il pas prouvé que cette influence restreinte garde la même intensité aux différents moments de l’histoire. Il semble bien qu’elle tende de plus en plus à s’affaiblir. Les croyances religieuses des sociétés inférieures portent l’empreinte du sol sur lequel elles se développent; aujourd’hui, les vérités de la science sont indépendantes de toute situation locale. Grâce à la facilité plus grande des communications, les modes, les goûts, les mœurs des différentes régions deviennent de plus en plus homogènes. Pour échapper à l’objection et faire voir combien les sociétés, même les plus élevées, dépendent étroitement de leur base territoriale, M. Ratzel fait remarquer qu’une grande nation européenne est plus gravement atteinte si elle perd une partie de son territoire, même vide d’habitants, que si on lui prend simplement la partie correspondante de sa population. En effet, comme les peuples associent de plus en plus le sol à leur vie, le transforment pour leur usage, il leur devient, dans la même mesure, plus difficile de s’en séparer. Seulement, dans ce cas, s’il y a bien encore un rapport de dépendance, il est presque l’inverse de celui que l’on observe à l’origine. Si, cette fois, la société tient au sol, ce n’est pas parce qu,elle a subi son action, mais au contraire parce qu’elle se l’est assimilé. C’est lui qui porte sa marque, loin qu’elle se modèle sur lui. Ce n’est donc plus la terre qui explique l’homme, mais l’homme qui explique la terre, et si le facteur géographique reste important à connaître pour la sociologie, ce n’est pas qu’il éclaire la sociologie de lumières nouvelles, c’est qu’il ne peut être compris que par elle.


Retour à l'oeuvre de l'auteur: Émile Durkheim Dernière mise à jour de cette page le Dimanche 06 juillet 2003 12:05
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
 



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