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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Six mois rouges en Russie.
Récit d'un témoin direct en Russie avant et pendant la dictature prolétarienne (1917-1918).
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Louise Bryant, Six mois rouges en Russie. Récit d'un témoin direct en Russie avant et pendant la dictature prolétarienne (1917-1918). Traduit de l'Anglais (États-Unis) par José Chatroussat. 1re édition à New York: George H. Doran Co., 1918, sous le titre anglais “Six Red Months in Russia.” Paris: Les Éditions Libertalia, 2017, 1918. Une édition numérique de Claude Ovtcharenko, journaliste à la retraite dans le sud de la France.

[29]

Six mois rouges en Russie.
Récit d'un témoin direct en Russie avant et pendant la dictature prolétarienne (1917-1918).


Introduction

Je sollicite une faveur de la part de celui qui lira cet ensemble de récits recueillis aux confins de l’Asie, dans ce pays mystique aux nuits blanches en été et aux longs jours sombres en hiver, où des événements qui jusqu’alors n’avaient été que rêvés ou vaguement prévus pour des temps futurs se sont soudainement produits.

Lorsqu’il s’assied le soir pour lire sous son abat-jour certaines vieilles et belles légendes, le lecteur est dans de bonnes dispositions. Je lui demande de conserver cette humeur tolérante. Je lui demande de se souvenir à quel point il s’extrait délibérément de ce monde pour pénétrer dans un autre, un monde aussi différent du nôtre que peut l’être celui de la lune pâle. Il doit se rappeler qu’en lisant ces légendes anciennes, il le fait sereinement, l’esprit ouvert. Il ne jette pas son livre par terre en jurant parce qu’un ancien roi, entouré de ses vaillants guerriers, a pénétré dans un pays sans même avoir un passeport délivré par le Département d’État.

Nous avons ici en Amérique un préjugé trop évident et inadmissible contre la Russie. Vous conviendrez qu’il est suscité par la peur. En Russie, quelque chose d’étrange et d’inquiétant s’est produit. Cette menace de bouleverser notre civilisation actuelle. Or, instinctivement, nous avons peur du changement, pour le meilleur et pour le pire. Nous [30] tenons à notre confort, à nos habitudes de vie, à nos vieilles valeurs… Parmi nous, il y a ceux qui murmurent que ce changement implique le chaos et les ténèbres. D’autres affirment que ce n’est pour l’instant qu’une lumière dorée émanant d’une petite flamme, mais qu’elle va faire le tour du monde et le faire rayonner de joie. Je ne dirai rien de tout cela. Je ne suis qu’une messagère qui vous présente ses observations pour tenter de vous livrer un tableau de ce que j’ai vu et que vous auriez pu voir si vous aviez été à mes côtés.

Au cours du séjour de six mois dont je rends compte ici et par écrit, j’ai eu constamment l’impression d’assister à des événements qui auraient pu tout aussi bien se produire quelques siècles plus tard. Il m’arrivait constamment d’être surprise et de tressaillir. J’aurais pourtant dû être préparée aux surprises. Nous avons tous ressenti ces profonds courants sous-jacents qui ont modifié le cours régulier de la marée. La Grande Guerre ne pouvait pas laisser un monde inchangé dans son sillage. Certains mouvements de la société étaient voués à être mis en avant et d’autres à être retardés. Je veux parler en particulier du socialisme.

Le socialisme est là, que nous l’aimions ou non – tout comme le mouvement pour le suffrage des femmes est là – et il s’étend, année après année. En Russie, l’État socialiste est un fait accompli. Nous ne pouvons plus le considérer comme un rêve chimérique de philosophes aux cheveux longs. Si son ascension a ressemblé à une éruption de champignons, s’il devait [31] tomber parce qu’il est prématuré, il est de tout façon bien réel et aura un impact immense sur tout ce qui suivra. Tout ce qui est examiné ici donne autant de raisons de croire que la République soviétique de Russie va se maintenir ou qu’elle va s’écrouler. Le fait le plus important est qu’elle ne tombera pas à cause d’une pression de l’intérieur. C’est seulement de l’extérieur, par une intervention hostile venant de l’étranger, qu’elle peut être détruite.

À l’horizon grisâtre de l’existence humaine se dresse un géant : la conscience de la classe ouvrière. Il foule d’un pas tonitruant le sol de tous les pays du monde. Il n’y a pas d’échappatoire : nous devons partir à sa rencontre. Qu’il se transforme en un monstre affreux et ignoble exigeant des sacrifices humains, ou qu’il devienne le sauveur de l’humanité, cela dépend entièrement de nous. Nous devons faire preuve de patience, de compréhension et d’une grande clairvoyance. D’une façon ou d’une autre, nous devons nous efforcer honnêtement de comprendre ce qui se passe en Russie.

Ayant vu l’aube d’un monde nouveau, je ne peux vous présenter que des éléments épars et fragmentaires, avec une bonne dose d’admiration.

J’étais partie ramasser des cailloux et j’ai trouvé des perles…


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 20 juillet 2019 17:38
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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