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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Un nouveau Moyen Age. Réflexions sur les destinées de la Russie et de l'Europe. (1927)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Nicolas Berdiaeff (Berdiaev) [1874-1948], Un nouveau Moyen Age. Réflexions sur les destinées de la Russie et de l'Europe. Traduit du Russe par A.-M. F. Paris: Librairie Plon, 1927, 293 pp. Collection “Le roseau d'or — oeuvres et chroniques”, no 13. 1re édition russe, 1923. Une édition numérique réalisée par un bénévole qui souhaite conserver l'anonymat sous le pseudonyme “Antisthène”, un ingénieur à la retraite de Villeneuve sur Cher, en France.

[1]

Un nouveau Moyen Age
Réflexions sur les destinées de la Russie et de l'Europe

Introduction

On connaît très mal, en France, la pensée russe. Pour les Français, la littérature russe est tout entière dans ses romans. Il est vrai que Dostoïevski a exercé une influence capitale sur les hommes qui représentent depuis cinquante ans ce que nous pouvons appeler la pensée russe. Mais la critique, éblouie par le génie psychologique et constructif de Dostoïevski, n’a pas cherché à discerner les lignes spirituelles qui pénètrent son œuvre et le déterminent. On a vu, par de récentes études, comment les intentions de l’auteur des Possédés ou des Frères Karamazow pouvaient même prêter à des confusions regrettables.

Nous devons envisager de plus près la pensée russe. Des écrivains nous y aideront quand ils seront traduits : Solovieff, Berdiaeff, Rosanow, etc. On en conclura que la pensée russe est, en effet, Dostoïevski, mais beaucoup moins Léon Tolstoï, par exemple, que son christianisme [ii] laïque situe en marge de la tradition orthodoxe.

Depuis Wladimir Solovieff, il n’est pas de figure qui puisse avoir plus d’attrait pour nous que celle de Nicolas Alexandrowitch Berdiaeff, dont la belle indépendance à l’égard des hommes et la profonde soumission à la Vérité chrétienne, en même temps que ce précieux sentiment de la justice dont il ne s’écarte jamais, sont des vertus d’ordre moral qui renforcent heureusement ses très riches qualités intellectuelles.

Berdiaeff a souffert de l’ancien régime tsariste : à l’âge de vingt-cinq ans, il fut exilé de Kiew à Vologda, dans le nord de la Russie. Plus tard, à la veille de la révolution de 1917, il était encore sous le coup d’un mandat d’expulsion pour avoir osé critiquer le Synode qui, à ses yeux, ne représentait pas fidèlement l’esprit chrétien mais était surtout une organisation politique à la merci du pouvoir temporel. Quand la révolution éclata, Berdiaeff continua à exprimer avec sa franchise coutumière ce qu’il croyait être la vérité. Philosophe et écrivain libre, il se vit nommer, par la Faculté de philologie et d’histoire, professeur de philosophie à l’Université de Moscou. On l’incarcéra deux fois. Puis, [iii] en 1922, il était expulsé de Russie, avec d’autres écrivains et savants notoires, pour avoir affirmé, sous le régime bolchevique, ses convictions religieuses. Mais il semble que Nicolas Berdiaeff n’ait gardé aucune amertume de ses douloureuses expériences, et les jugements qu’il porte sur le passé comme sur le présent de la Russie sont toujours empreints d’une sérénité admirable.

Expatrié, Nicolas Berdiaeff a vécu en Allemagne, puis en France. Il a fondé, à Berlin d’abord, à Paris ensuite, une « Académie de philosophie religieuse ». Il dirige actuellement, à Paris, une revue russe, la Voie, à laquelle collaborent quelques-uns de ceux qui avaient montré, en Russie, depuis 1900, des tendances proches des siennes.

Car Berdiaeff peut être considéré comme le penseur le plus marquant et le plus original de ce groupe d’intellectuels qui a suscité là-bas le grand mouvement « pneumatique » de ces vingt-cinq dernières années. Celui-ci n’est pas sans analogie avec le renouveau spirituel et religieux que l’on a constaté dans le même temps en France. C’est pourquoi il nous a paru singulièrement intéressant de donner aux lecteurs du Roseau d’or un aperçu de la véritable [iv] pensée russe et de la pensée orthodoxe à travers un de ses éléments aujourd’hui les plus significatifs : Nicolas Berdiaeff. Nous avons choisi dans ce dessein un livre où les questions les plus graves et les plus actuelles sont soulevées, et qui est une œuvre récente de Berdiaeff. La première partie en fut écrite en 1919 et les autres en 1923. C’est : Un nouveau Moyen Age. Comme on ne manquera pas de l’observer, bien des prévisions contenues dans cet ouvrage semblent avoir reçu déjà un commencement d’exécution.

Berdiaeff a beaucoup écrit. Il débutait en 1900 par un livre intitulé : Subjectivisme et individualisme dans la philosophie sociale, où il définissait le passage du marxisme à l’idéalisme, tel qu’il se produisit effectivement dans la vie intellectuelle de la Russie à cette époque. En 1902, paraissait un recueil philosophique, Problèmes de l’idéalisme, qui eut un énorme retentissement. Outre l’étude de Nicolas Berdiaeff : le Problème éthique à la lumière de l’idéalisme, le volume renfermait des professions de foi de S. Boulgakoff, P. Strouvé, S. Franck, P. Novgorodzeff, des princes S. et E. Troubetzkoï. A partir de cette date, Berdiaeff se consacrera de plus en plus [v] aux questions de philosophie religieuse et chrétienne.

En 1904 et 1905, il collabore à la revue Questions vitales, qui groupe les représentants de la nouvelle philosophie religieuse — ou du mouvement « pneumatique » — et les écrivains symbolistes de la Russie. Il publie un livre : la Nouvelle conscience religieuse et le problème social. Après la révolution de 1905, il fait paraître une série d’études sous le titre : la Crise spirituelle des intellectuels, où il mène un combat acharné contre la conception irréligieuse et matérialiste du monde que partagent la majorité des intellectuels de son pays. En 1909, un nouveau recueil d’études signées de différents noms, parmi lesquels se retrouvent ceux des collaborateurs des Problèmes de l’idéalisme, soulève une véritable tempête d’acclamations et de protestations. Le titre en est Jalons de route, et l’étude de Berdiaeff : la Vérité de la philosophie et la vérité des intellectuels, y est surtout très remarquée.

C’est en 1911 qu’il publie son ouvrage : la Philosophie de la liberté, critique hardie du rationalisme, mais qui est moins un examen de la liberté spirituelle qu’une philosophie [vi] de l’ « homme libre ». C’est la première fois que le penseur russe formule ainsi ses conceptions personnelles en matière religieuse et philosophique ; elles apparaissent éminemment mystiques, avec des traits apocalyptiques et johanniques qui n’étonnent point de la part du futur auteur de Un nouveau Moyen Age.

En 1912, il donne une monographie sur Khomiakoff, le chef de l’école slavophile. Et, en 1916, paraît l’œuvre la plus importante de Nicolas Berdiaeff : le Sens de l’acte créateur (essai de justification de l’homme). Ce livre est une anthropodicée qui confronte le problème religieux et le rôle créateur de l’homme, sujet particulièrement attachant pour ce penseur, comme on s’en assurera en lisant ici la Fin de la Renaissance. Le problème se pose comme tel à l’esprit de Berdiaeff : la tâche que la vie humaine comporte ne doit-elle être qu’une expiation du péché, ou bien un devoir créateur est-il prescrit à l’homme ? L’idée fondamentale de Berdiaeff est en effet que Dieu attend de l’homme une libre réponse à son appel, soit une initiative créatrice, parce que, dans une certaine mesure, la création se continue à travers les hommes.

Berdiaeff entend que c’est dans le christianisme [vii] que la vérité concernant l’homme sera totalement révélée ; il prévoit une christologie de l’homme.

Ses trois derniers ouvrages ont été publiés en Allemagne : le Sens de l’histoire (Essai de philosophie sur la destinée humaine), Un nouveau Moyen Age et encore une étude philosophique très importante de ce que le russe désigne par la « Vision du monde » de Dostoïewski. Ajoutons qu’ils ont été traduits récemment en allemand et que le public intellectuel leur a fait l’accueil le plus chaleureux.

Disons pour finir, et en manière d’excuse, que le russe de Berdiaeff est ardu et que le français, en général, le rend malaisément. Les deux langues ont leur génie propre et il faut bien avouer qu’il n’est pas de la même famille. Dans la traduction d’un roman, la différence est moins sensible, parce que l’action emporte tout et brûle le style même de la phrase. Au contraire, lorsqu’il s’agit de rester fidèle à une pensée que l’on doit suivre pas à pas, faute de quoi on risque de la dénaturer, il est difficile d’éviter une certaine lourdeur, un certain air de gaucherie. Berdiaeff aggrave la besogne du traducteur en se plaisant à des répétitions [viii] d’idées et de mots ou en accumulant les adjectifs et en forgeant des néologismes qui nous ont contrainte à créer toute une série de substantifs tels que autoaffirmation, autonégation, autodestruction, autorévélation, qui ne sont pas d’une extrême élégance en français, mais qui nous ont paru préférables dans leur concision à des périphrases qui eussent été moins exactes.

Il est vrai que chez Berdiaeff la puissance de la pensée et la hauteur du point de vue doivent permettre de franchir tous les obstacles.

LA TRADUCTRICE.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 26 juin 2020 15:23
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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