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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Éléments de philosophie. (1916)
Avertissement au lecteur, 10 mars 1940


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'Alain (Émile Chartier), Éléments de philosophie (1916). Première édition, 1916. Paris: Éditions Gallimard, 1941, 373 pp. Sixième édition. Collection idées nrf, no 13. Une édition électronique réalisée par Marcelle Bergeron, bénévole.

Avertissement au lecteur, 10 mars 1940:

J'ai laissé longtemps cet ouvrage dans son premier état; c'est que j'apercevais de si grands changements à y faire que j'hésitais devant le travail. J'avais d'ailleurs bien des occasions d'écrire ce que je pensais sur tous sujets.

Ce livre a été fort lu. Sollicité par d'excellents lecteurs, j'ai pris le parti d'y faire les changements nécessaires et de le faire paraître sous un titre différent. J'ai pensé beaucoup aux jeunes étudiants ; j'ai recherché ce qui pouvait immédiatement les toucher. L'esprit humain est partout entier et le même; quand il est neuf, il est encore plus difficile à éclairer. On trouvera donc ici des traces de mon enseignement ; on se rendra compte de ce que furent mes leçons à Henri-IV, et encore mieux au Collège Sévigné. Dans ce dernier cas, surtout, je m'adressais à des esprits tout à fait ignorants de la philosophie classique, au lieu que les vétérans de Henri-IV étaient nourris de la doctrine scolaire. Toujours est-il qu'on peut aborder ce livre sans rien savoir des questions qui y sont traitées.

Un étudiant attentif sera donc assez instruit ?

Non, mais il sera en mesure de prendre les problèmes d'un peu plus haut. En vue de quoi je lui recommande Idées qui convient pour initier à la philosophie du second degré et non plus élémentaire. Ces deux ouvrages une fois bien possédés, je ne vois pas ce qui manque à la réflexion personnelle, qui peut, à partir de là, se prolonger sans fin. J'ajoute que, sur les problèmes de la morale et de la politique, le disciple saura bien trouver dans les propos, qui seront bientôt tous mis en recueil, les analyses plus libres qui rapprocheront de la vie réelle les devoirs et la connaissance de soi. Les recueils les plus importants à ce point de vue ont pour titres Minerve et Suite à Minerve, Esquisses de l'Homme, Sentiments Passions et Signes, Les Saisons de l'Esprit; ces titres sont assez clairs et je prends occasion de cet avertissement pour rappeler que tous ces propos enferment la véritable philosophie, c'est-à-dire celle des grands auteurs.

On demandera peut-être si, par des études ainsi conduites, on se rapprochera un peu de ce qui s'enseigne et de ce qui se dit sous le nom de Philosophie. Là-dessus je ne réponds de rien. Toutefois, dans les Souvenirs concernant Jules Lagneau, on trouvera le fidèle tableau d'une classe de philosophie justement illustre. Il est vrai que beaucoup reprochaient à Lagneau de s'éloigner un peu trop de l'usage scolaire en matière de philosophie.

Cet écart est expliqué à mes yeux dans la République de Platon, où l'on voit le forgeron se laver les mains, et aller épouser la philosophie. Je comprends par cette fable que la philosophie est un peu trop facile aux rhéteurs, ce qui explique une scolastique assez compliquée. Au reste j'ai souvent pensé que Lagneau concédait beaucoup à cette tradition, quand il reprenait pendant des mois la recherche d'une méthode de la Psychologie. Ce genre d'entreprise menace à la fois et sauve les philosophes d'occasion. On peut parler, on peut diviser, et faire une sorte d'analyse de l'âme. J'entends que c'est une fausse analyse et que j'ai l'ambition d'écrire, si l'âge me le permet, des Exercices d'Analyse qui ressembleront beaucoup à ce livre-ci; à ce point que je pensais à lui donner ce titre-là. Toutefois je conçois sous ce titre quelque chose de bien plus libre et naturel que mes Chapitres et qui se rapprochera, encore plus de la leçon simple et familière par quoi l'on rêve de commencer l'initiation. Je ne dois point cacher que tous ces travaux, d'abord faciles, ont pour fin de changer profondément l'enseignement de la philosophie en France. On a souvent dit, au temps de Lagneau, que ses meilleurs élèves risquaient d'échouer au baccalauréat. Il n'en était rien ; mais enfin il y a quelque apparence que mes vrais disciples fuissent passer à côté des questions sorbonniques. Je ne fais qu'éveiller ici leur prudence et répéter qu'une analyse directe des mots usuels permet toujours de traiter honorablement n'importe quelle question. Ce problème du vocabulaire, qui est tout dans l'enseignement, sera beaucoup éclairci dans les futurs Exercices d'Analyse, où je compte expliquer l'usage du tableau noir et des Séries, sujet très obscur, mais qui forme aussitôt l'esprit ; tout problème consiste alors à écrire la série pleine qui y correspond. Qui consulter là-dessus ? Je ne vois que Comte, qui, selon moi, doit être mis au rang des initiateurs de philosophie et qui rendra bien des services par ses dix précieux volumes ; si l'on n'y mord point, c'est que l'on refuse d'être instruit. Tous mes vœux à vous, lecteurs, et surtout ne manquez bas de courage.

ALAIN.
Le 10 mars 1940

Retour au livre de l'auteur: Alain (Émile Chartier) Dernière mise à jour de cette page le mardi 29 mai 2007 19:54
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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